[Enquête] Mais qui a tué le Web ?
Pascal Malotti considère que nous sommes à une étape de transition: "Nous vivons dans deux mondes en parallèle. Nous avons, par exemple, un groupe, comme Accor, qui gère l'aspect fidélisation avec autant de cartes qu'ils ont de marques. Pourtant, ils travaillent leur CRM avec une vue unique du client à 360°. Si j'avais un conseil à donner : définissez le CRM depuis une application. Cela entraînera moins de dépenses. Il ne vous faudra pas plusieurs années pour déployer du Sybel, du SAP, du Salesforce... Et ce sera plus efficace". Et de nous citer un autre exemple, celui de la société Thalys, qui "démontre que depuis une seule et unique application, nous pouvons tout gérer, réservation comme billet de train. C'est l'une des trop rares expériences sans ticket". Pour Guillaume Lecuyer (Cohéris),
"la thématique transformation numérique dépasse le cadre du seul département marketing. C'est à l'entreprise, dans sa globalité, d'inventer son offre ou son service autour du mobile".
Même si tous les sujets ne s'y prêtent pas forcément, comme le rappelle Pascal Malotti: "Ce n'est pas facile, pour un Barilla, de trouver l'application qui améliorera son parcours client". Ce qui n'empêche pourtant pas ce même Barilla d'expérimenter l'usage d'imprimantes 3D. La complexité est donc là : faire simple et surtout faire du sens. Pour Jeff Allen, de Adobe, le mobile est pour un marketeur un fantastique terrain de jeu sur lequel il faut ne pas se tromper de règles: "Ne perdez pas de vue vos objectifs. Ce sont eux qui doivent décider des technologies à employer. Et pas l'inverse. Les marketeurs gagnent en crédibilité en faisant juste leur job. Le meilleur marketing mobile, c'est quand vous pensez juste au marketing".
Encore faudrait-il, d'une part, le comprendre, et d'autre part, aller vite, comme l'indique Philippe Dumont (Mobile marketing association France): "Quand vous êtes une marque, vous vous faites doubler par la gauche. Des gens veulent des choses en masse, pour lesquelles vous n'êtes pas du tout préparé. Avec une vitesse, une rapidité, une précision que vous n'êtes pas capables de délivrer".
Une mutation globale
Aller vite serait la clé ? Des exemples rapides de transformations réussies existent. Si l'on ne devait citer qu'une référence française: vente-privee.com. Un de ses fondateurs, Ilan Benhaim, explique l'un des facteurs clé de succès: "Nous ne regardons pas trop ce que font les autres. Nous testons juste beaucoup de segments". Mais pour Pascal Malotti, ces réussites, il ne faut pas aller les chercher chez les .com qui, elles aussi, seraient dépassées par les événements: "Même des boîtes qui sont nées du Web, du digital, et qui sont les start-up de première génération, les Cdiscount, les Meetic... sont larguées". Et poursuit son explication: "Cette histoire d'innovations, c'est autre chose que de se dire, on va créer un poste avancé dans la Silicon Valley et d'aller humer l'air des start-up". Pascal Malotti insiste: "même chez Google, et Apple, c'est une problématique".
Alors comment générer de l'innovation, vu que cela ne se décrète pas ? Pour le directeur conseil de Valtech, les bonnes pratiques sont sous nos yeux: "Un Google qui rachète Nest 3 milliards de dollars, ne va pas intégrer la société. Ils vont la laisser continuer à développer leur écosystème de produits dans la domotique, seul dans son coin. À 20 ou 30, ils seront beaucoup plus innovants". Pour Guillaume Lecuyer, le mouvement est en marche. Sans trahir l'un de ses clients, il raconte: "Nous travaillons avec un fabricant d'électroménager qui se transforme numériquement grâce à une application mobile pour offrir de nouveaux services à ses clients. Et positionner ses produits en fonction des habitudes alimentaires". On le voit, les bonnes idées ne sont pas très loin. Pascal Malotti s'amuse à l'évoquer: "Instagram, c'est quand même reprendre les recettes du Polaroid ." L'un des cofondateurs d'Uber raconte que l'idée lui serait venue quand il n'arrivait pas à trouver un taxi à Paris. Juste du bon sens ?
L'EXPERT: Philippe Lourenço Fondateur de Mister Bell
La part du marché mobile dans les dépenses publicitaires digitales en France passerait, en 2013, de 8 à 15 %, voire 20 %, en 2017. En 2013, elle était déjà à 17 % en Angleterre et 14 % aux États-Unis. Monétiser les nouveaux écrans serait-il, pour l'heure, une problématique d'industrialisation ? Oui et non. Le mobile est un appareil plus exigeant, comme nous le rappelle Philippe Lourenço, cofondateur de Mister Bell, l'un des acteurs en marketing et publicité à la performance sur mobile: "Le mobile a ses contraintes de tailles d'écran et de fragmentation". Il impose donc à la publicité de se réinventer. L'expert ajoute "qu'il n'y a pas si longtemps, c'était juste des bannières et des intersticiels. D'un point de vue publicitaire, on ne peut pas tout faire. Le mobile reste un objet très personnel. Mettre trop de publicités, c'est être trop intrusif". Il faut surtout ne pas lui appliquer les recettes du desktop: "Ceux qui ont essayé se sont plantés. Sur un mobile, on a la capacité d'être sur du marketing à la performance pour garantir le résultat avant même d'avoir lancé une campagne de pub". Mais au prix d'un effort de créativité car "tout n'est pas du display. Il faut inventer de nouveaux formats publicitaires pour faire de la performance". Et d'utiliser ce qui maintenant semble évident, comme la géolocalisation: "Une action de promotion d'un magasin qui se situe à 50 m d'un consommateur apporte la valeur ajoutée tant recherchée".
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