[Entretien] Chantal Thomass : "Dans la mode, le marketing doit respecter la création"
- Vous est-il déjà arrivé de réaliser des coups marketing ?
Oui, sans le savoir. Mon plus beau coup, c'est certainement de mettre des mannequins vivants dans les vitrines des Galeries Lafayette, en 1999. Ma marque venait d'être reprise par le groupe Sara Lee (Dim) et moi-même. Nous avions accordé la première collection aux Galeries, dont le président souhaitait "marquer le coup". C'est alors que m'est venue cette idée d'installer un véritable appartement habité par de jeunes femmes dans les vitrines du magasin.
"Pétition, manifestation, boycott... Grâce aux Chiennes de garde, nous avions des retombées presse chaque jour."
L'idée était de montrer la marque dans la "vraie vie". Je n'y voyais aucun sexisme ni vulgarité : les mannequins n'étaient jamais indécents. Dès le premier jour, ces vitrines habitées ont fait sandale. C'est parti en flèche sous la houlette des Chiennes de garde (association féministe créée en 1999 par Florence Montreynaud et Isabelle Alonso), soutenues par Ségolène Royal, alors ministre déléguée à l'Enseignement scolaire. Elles ont fait circuler une pétition, organisé une manifestation, appelé au boycott des Galeries. Nous avions des retombées presse chaque jour. Il y avait des débats interminables à la télé et à la radio... Les Galeries ont tenu bon malgré la polémique.
- Avec le recul, le referiez-vous ?
Oui, ça a été formidable, un happening qui m'a valu une notoriété mondiale.
- Depuis 2011, votre marque est détenue à 66 % par le groupe Chantelle, le reste étant votre propriété. Comment se passe cette collaboration ?
Nous formons une petite équipe de trois personnes : une directrice commerciale, une directrice du marketing et de la communication et moi-même. Nous nous respectons, nous nous écoutons et avons une vision commune... C'est, en quelque sorte, mon équipe !
- Quelle est votre définition du luxe ?
Le luxe, pour moi, c'est la différence, l'originalité, la créativité, des valeurs que je revendique. La rareté n'entre plus en ligne de compte. Chantal Thomass est donc, pour moi, une marque de luxe.
- Vous avez prêté votre nom à toutes sortes de produits... Une machine à laver Vedette (2007), une Barbie (2009), des têtes de lit Treca (2011), des biscuits Delacre (2014) et même un hôtel à Paris... Quelles limites vous fixez-vous dans cette stratégie de "stretching de marque" ?
J'aime que l'on me demande autre chose que de la lingerie. Je suis curieuse et toujours ravie d'explorer de nouveaux territoires. Lorsque l'on m'a demandé de faire des lits, je me suis rendue dans les usines de coutil, en Italie. Récemment, j'ai visité une fabrique de verre afin de créer des bouteilles pour Saint-Gobain. Mes limites, c'est ce que je n'aime pas, ou qui ne m'intéresse pas. On m'a, par exemple, proposé de signer une automobile, mais je n'avais pas le droit d'intervenir sur autre chose que la sellerie. J'ai donc décliné la proposition.
Je suis d'une génération insouciante, qui a eu le bonheur de faire ce qui lui plaisait et à laquelle on a laissé le temps de montrer ce qu'elle savait faire. J'en ai gardé une envie irrépressible de faire ce que j'aime.
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