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Quand les instituts s'adaptent à leurs grands clients 2/2

Pour suivre les demandes de leurs clients internationaux, les sociétés d'études ont dû grandir et, elles aussi, s'internationaliser. Il leur a fallu étendre leur couverture géographique et harmoniser leur offre. Dans le même temps, les outils de recueil de l'information se sont standardisés, se renforçant avec le développement des access panels et du terrain on line. Mais, désormais, la croissance du chiffre d'affaires des instituts à l'international passe aussi par de nouvelles organisations et structures.

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Comment s'adaptent les structures


Comment les groupes de sociétés d'études internationales adaptent-ils leurs structures pour répondre aux attentes de leurs grands clients internationaux ? Les entreprises de haute technologie veulent des études multipays, les constructeurs automobiles, l'Hygiène-Beauté travaillent plutôt par zones géographiques. Tout ce qui touche à l'Alimentaire et aux Services (banques, assurances) restant encore attachés à des études locales. « Nous avons des patchworks de relations client, constate Denis Delmas. Certaines problématiques sont globales comme une nouvelle communication corporate, d'autres locales comme la fixation des prix. TNS doit s'adapter à tous les cas de figure, répondre au marché local tout en ayant la couverture géographique pour faire des études internationales lourdes. » « Nos clients nous demandent à la fois de la flexibilité et des procédures, constate Bruno Botton, Global Director Branding & Communication de Research International. Il faut distinguer la capacité à faire des études internationales, c'est-à-dire à collecter, coordonner et délivrer l'information, et le fait de savoir gérer un partenariat avec un client international. Cela passe par un rendu central accompagné de reportings locaux. » Research International a mis en place, depuis dix ans, une organisation en "Key Account Directors" (KAD). Ces derniers sont au nombre de 40. Ce sont des transnationaux, qui sont là pour faciliter les transferts de connaissances. Chacun est l'interlocuteur privilégié d'un grand compte. Son rôle est de coordonner toutes les études faites de par le monde pour ce client par la société d'études, de recueillir ses attentes, de constituer un réseau de compétences ad hoc en interne pour lui, d'être une force de proposition vis-à-vis de ce client, de synthétiser l'information le concernant tout en étant le porte-parole de la société d'études et de sa philosophie et en ayant la connaissance de toutes ses expertises. « C'est une façon d'apporter une valeur ajoutée, ajoute Michael Bendavid, directeur général adjoint de RI France. L'enjeu est de savoir transférer les savoir-faire, la connaissance du client et ses problématiques. » Derrière tout cela, il y a des process. A chaque client est assigné un site (réservé au KAD et à ses équipes) dans Knowledge Navigator, un support de knowledge management au sein du groupe. Y figurent des informations concernant le client, des coupures de presse, des résultats d'étude... Pour certains clients, ont été mis en place des "Client Zone" où le client a accès à des projets réalisés par RI pour lui, l'état d'avancement des études. « C'est un espace de stockage d'informations partagées, mais aussi un espace dynamique de discussion, un véritable outil de management des projets internationaux », explique Bruno Botton. L'organisation en Key Account Directors est parallèle à une organisation en "BusinessPractices", au nombre de six : Branding & Communication, Innovation, Customer SatisfactionLoyalty, Consumer Understanding, Category Management, Business Monitoring. Un directeur de Business Practice peut également être KAD pour un grand client international. La fonction de KAD est tellement stratégique que Research International a créé une nouvelle fonction, celle de responsable pour le monde de l'animation en interne et en externe des Key Clients.

Le développement des Key Account Managers


L'idée de Key Account Managers fait des émules. GfK est organisé en "KAM" depuis plusieurs années. « Ils deviennent les vecteurs de la politique commerciale du groupe, explique Helen Zeitoun. Mais, pour mettre en place une gestion en KAM, il faut une relation de partenariat forte avec le client et un minimum de business dont un minimum à l'international. » Le groupe Ipsos travaille depuis trois ans, depuis l'arrivée de Marie-Christine Bardon, à la mise en place d'une organisation de ce type, un process qui n'était pas dans la culture du groupe. « Qui dit international, dit couverture géographique, puis outils communs à l'intérieur d'un groupe, puis travailler avec un client et construire pour lui un savoir », constate Brigitte Biteau qui, outre ses fonctions de directrice d'Ipsos ASI Europe, est Key Account Manager pour Procter & Gamble. « Nos modèles de gestion des grands comptes ne sont pas uniques, constate Monique Bensimon, qui est KAM pour le monde pour Danone. Tous les clients n'ont pas la même organisation et celle-ci évolue dans le temps. » Des sociétés extrêmement centralisées comme P & G ou Coca-Cola commencent à donner plus de latitude au local. « Les KAM sont un vecteur de croissance pour le groupe. Le process de Key Account Manager est en cours de construction chez Ipsos et avant la fin de l'année, il y en aura d'autres au sein du groupe. » Le profil : de très bons professionnels, leaders mondiaux dans leur secteur, en empathie avec le client et son fonctionnement, connaissant parfaitement les expertises de leur propre société, ayant l'expérience de l'international, capables de faire circuler l'information dans un but de "cross fertilization" et d'établir des process communs pour toutes les équipes qui travailleront pour le client afin d'assurer une qualité identique. « La notion de contrôle de qualité est importante, souligne Brigitte Biteau. C'est aussi comprendre les besoins du client, son marché, sa stratégie, son activité, et être pro-actif. » La fonction exige aussi d'être un bon gestionnaire. Le chiffre d'affaires réalisé avec un grand compte équivaut parfois au CA réalisé par une filiale dans un pays. « Notre attente principale est que les instituts d'études, avec lesquels nous travaillons, nous assurent une réelle comparabilité des résultats entre pays, sans le moindre doute sur la méthodologie et la standardisation. Le rôle du Key Account Manager est primordial, puisque l'un de ses rôles est de s'assurer que l'étude sera menée à l'identique dans tous les pays », explique Henri-Jean Letellier, responsable Volume Forecasting chez Procter & Gamble. NFO met en place une organisation par Key Account, avec un Key Account Global aux Etats-Unis puis des responsables régionaux (Europe, Asie, Amérique) et, en dessous, des responsables clients dans les pays. « C'est bien, mais c'est très lourd et tout cela a un coût, remarque Eric Dubois. C'est un changement fondamental. » Chez Taylor Nelson Sofres, on a préféré mettre en place une organisation par grands secteurs d'activité, « choisis parce que l'on pense que la demande y est la plus internationale », explique Denis Delmas. Quatorze secteurs ont été ainsi déterminés dont la Santé, les Hautes Technologies, les Télécoms, l'Automobile... Dans chaque pays, des équipes sont dédiées à ces secteurs (en France, 40 personnes travaillent sur les Télécoms, par exemple) et chaque secteur est dirigé par un patron dont le rôle est d'animer les équipes sur des sujets communs. « Pour nous, ce qui prime, c'est la connaissance d'un secteur. Après, il y a des experts par problématique », détaille Denis Delmas. Le groupe Aegis Research (futur Synovate) a identifié plusieurs secteurs comme stratégiques pour l'avenir. L'un d'entre eux est l'Automobile. « Les clients internationaux nous demandent de plus en plus : "Bâtissez-nous un canevas d'études que nous puissions mener à n'importe quel moment dans n'importe quel pays", explique Yves Loué. Nous montons ainsi un cran dans le conseil, mais, pour faire cela, il faut être habitué à travailler à l'international tout en ayant la compétence d'un secteur. » Quelles que soient les structures choisies par les grands groupes de sociétés d'études, une chose est sûre, elles ont de plus en plus besoin de professionnels au profil de globe trotters.

Anika Michalowska

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