Marques de stars, stars de marque
Dans une société du tout people, les célébrités sont devenues les nouvelles prescriptrices. Elles évoquent un statut, des principes, un style de vie, et la valeur suprême des marques. Le phénomène n'est pas nouveau mais a encore pris de l'ampleur. Aux marques maintenant de faire le bon casting pour que leurs produits deviennent à leur tour de véritables stars.
Je m'abonne
@ Droits réservés
@ Droits réservés
De L'Oréal, le précurseur (avec sa série d'ambassadrices) à Chanel (avec Keira Knightley, qui a remplacé le mannequin Kate Moss) en passant par Dior (Sharon Stone ou Eva Green), de Lancôme (Anne Hathaway) à Nespresso (George Clooney), les marques mettent de plus en plus leur égérie sur le devant de la scène. En témoigne l'outil Adoscope de TNS Media Intelligence qui a recensé, en 2007, 4 015 créations intégrant une personnalité (contre 2 663 en 2004-2005 et 1 172 en 2002). Une donne que les stars ont appris à négocier et rentabiliser face à des marques de plus en plus séduites par cette association. Et pour cause, « les célébrités sont devenues des réponses globales aux problématiques locales des marques », lance Maxime Hibon, directeur de Havas Celebrity Consulting. Ces dernières l'ont bien compris : les people sont non seulement des relais d'influence, mais aussi des accélérateurs de notoriété, et donc de ventes. « Une publicité utilisant un people sera davantage médiatisée. On parlera donc plus de la campagne, et forcément plus du produit », explique Maxime Hibon.
Les exemples sont multiples. Aurait-on autant parlé de l'assureur Generali, s'il n'avait pas choisi Zidane en 2006 ? Plus récemment, Carla Bruni n'a-t-elle pas aidé la Lancia Musa à gagner en notoriété ? D'ailleurs, preuve que cette approche fonctionne, le secteur du luxe n'est plus le seul à initier des partenariats. Des marques de grande consommation, davantage grand public, découvrent aussi les vertus de la “starisation” de leur publicité. Madonna pour H&M, Pénélope Cruz pour Mango, ou, dans une moindre mesure, Élodie Gossuin pour VêtiMarché ! « Quand cette association est réussie, les répercussions peuvent être immédiates », note Denis Bonan, senior partner chez Lippincott. Et pour cause, hasard ou non du calendrier, les marques qui utilisent des stars font non seulement les campagnes les plus appréciées des Français, mais enregistrent dans le même temps des hausses significatives du chiffre d'affaires. Ainsi Nespresso, avec George Clooney, a enregistré une hausse de plus de 40 % des ventes même si, selon la directrice marketing du groupe, « tout participe à la progression ».
Des intérêts communs
Stars et marques formeraient-elles donc le couple parfait, loin de toute zone d'ombre ? Pour Denis Bonan, les risques sont pourtant nombreux. Si les marques ont pris conscience de l'enjeu, les stars ont, de leur côté, un sens du marketing plus aigu. Certaines règles sont donc à respecter pour que ce “cobranding” soit réussi. « Il y a toujours eu des liens entre les marques et les ambassadeurs de marques. Mais aujourd'hui, nous sommes sur deux entités qui ont les mêmes priorités », prévient-il. Pour ce dernier, stars et marques ont, en effet, le même souci de différenciation et d'unicité. Et chacun doit y trouver des intérêts, désormais autres que financiers. « Les marques veulent créer du contenu et pas simplement se payer des célébrités », confirme Maxime Hibon, qui a toujours travaillé au centre des relations stars- marques. D'ailleurs, pour cet expert, « la vraie star, c'est le concept du produit. Il est primordial que la célébrité soit en adéquation avec lui ». Avant d'ajouter que « ces partenariats demandent une expertise. Une star n'est pas un mannequin. Elle est un point de repère. Il faut que les valeurs soient partagées ». Maxime Hibon a ainsi dressé un ensemble de règles (parmi lesquelles la cohérence, la constance, la concordance, la créativité, la conversation, le contrat) afin d'optimiser les relations entre stars et marques. « Parmi les différents points à respecter, la cohérence est primordiale », poursuit-il, avant d'expliquer : « Il faut un ADN commun à la marque et au people afin que l'équation soit gagnante pour les deux parties. » Certaines marques ont, par manque de discernement, essuyé des échecs. À l'instar de Gap et Sarah Jessica Parker (considérée comme une cliente improbable) ou encore la campagne de Chrysler utilisant Céline Dion qui aurait été, selon une étude de Crain's Automotive News, un véritable fiasco. Néanmoins, de plus en plus de marques intègrent cette nécessité de choisir “la” personnalité adaptée.
Connaître l'ADN de la marque et du people
Lancia a ainsi su séduire Carla Bruni alors qu'elle n'était pas encore première dame de France. « Utiliser des personnalités est une méthode connue en publicité. Une marque dont la notoriété est en construction fait souvent appel a une personnalité dont la notoriété est forte, afin que cela rejaillisse sur elle, commente Arnaud Belloni, directeur général de Lancia France. Mais il faut respecter une condition : le personnage doit correspondre à la marque. » La griffe transalpine a suivi ce principe à la lettre. La ravissante Italienne s'est mise à chanter dans l'Ypsilon, italienne elle aussi. « Nous souhaitions une égérie italienne et féminine, jolie mais pas seulement. Nous voulions vraiment une forte personnalité », explique le directeur général. La suite, tout le monde la connaît. L'ex-top modèle turinois est venu chanter dans l'élégant monospace que le constructeur souhaitait relancer sur le marché européen. Mademoiselle Bruni est devenue Madame Sarkozy et les spots TV ont connu un retentissement inespéré. « Tout le monde connaît le spot alors qu'il a été, à la base, très peu diffusé. Il était prévu sur trois chaînes, il est passé en boucle sur tous les médias, y compris les différents 20 heures ! »
L'été dernier, c'était au tour de la Delta de prendre la route. Lancia a encore une fois fait appel à une personnalité partageant ses valeurs. À son volant, ce n'est autre que Richard Gere, qui rejoint le Tibet. « Nous avons à chaque fois collaboré avec des personnalités qui n'avaient pas besoin de nous pour vivre, mais qui partageaient des valeurs communes, confie Arnaud Belloni. Nous avons simplement respecté et mis en avant leurs valeurs que sont la musique pour Caria Bruni et l'engagement tibétain pour Richard Gère. » Car voilà, on ne s'associe pas avec quelqu'un d'étranger à ses valeurs. Le tout est, encore une fois, pour la marque, de bien connaître son propre ADN et également les goûts et les éventuels caprices de stars. D'où l'importance de la “conversation”, selon Maxime Hibon. « Une star a ses caprices. Il faut connaître ses goûts mais aussi prévoir ses sautes d'humeurs. L'on doit deviner qui est un problème potentiel et qui ne l'est pas. » La vigilance est donc de rigueur. « Il faut s'assurer que la star consomme les produits ou, du moins, n'y est pas opposée. Notamment sur des cibles jeunes qui ne sont pas dupes », commente Denis Bonan. Avant de préciser : « La star ne doit pas créer de grand écart. »
Dilution ou renforcement du message ?
Un grand écart, voire une confusion, dû à la multiplication des contrats. Adriana Karembeu, égérie de la Croix-Rouge et d'Atol, avait auparavant participé à une campagne menée par les Opticiens Conseils. Tous ces contrats dans le même secteur n'ont-ils pas semé le trouble chez les clients d'Atol ? « Cela ne nous a absolument pas gênés, assure Stéphane Solinski, directeur marketing d'Atol. Concernant la Croix-Rouge, cela a même conforté l'image de santé et bien-être que nous voulions faire passer. » Pour Maxime Hibon, « la question doit être effectivement posée pour des célébrités qui servent de relais sur plusieurs marques tout en partageant des territoires similaires. Est-ce alors une dilution du message ou un renforcement de celui-ci ? » Dans tous les cas, précise-t-il, « si la célébrité passe de marque en marque sans relâche chaque année, il faut faire attention. Mieux vaut construire sur du dur que sur de l'éphémère ». À cet égard, l'association de George Clooney à Nespresso est un modèle du genre. Pourtant, l'acteur prête également son image à Omega (en Europe aussi !) et, de façon plus décalée, à Martini outre-Atlantique. « Une marque comme Nespresso, qui incarne un art de vivre, peut très bien se marier avec l'univers d'Oméga par exemple. En revanche, il faut créer quelque chose de commun entre les deux marques, et non scinder l'image en faisant des choses chacun dans son coin. Il est certainement regrettable qu'à aucun moment dans les films Nespresso, on ne voit Clooney porter une Oméga », observe Maxime Hibon. Avant de soumettre: « Voilà le défi de deux marques : créer un univers constant lorsqu'elles partagent les mêmes valeurs. »
Reste que la campagne Nespresso est un cas d'école. Tout simplement parce qu'elle a parié sur la séduction, l'humour et l'ironie. Et surtout parce que la marque a véritablement créé une histoire commune autour de son produit et de son égérie. « Depuis le casting jusqu'au film, nous n'avons jamais dévié et sommes restés fidèles à nos valeurs, explique Thérèse Aldebert, directrice marketing de Nespresso. Nous voulions une star qui incarne véritablement les valeurs de la marque. » Et d'ajouter : « Nous n'avons pas choisi George Clooney, juste pour son physique mais aussi pour son engagement, ses valeurs, son humour. Après une présélection, nous avons soumis notre choix à nos membres pour qu'ils le valident. Ce qu'ils ont fait. » Au final, trois opus ont été conçus, le dernier arrivant sur les écrans en novembre prochain, dans lesquels la star incontestée est... le café. George Clooney a donc su se mettre totalement au service de Nespresso et le risque de la vampirisation de la marque par la star a été complètement évité. Néanmoins, ce qu'a réalisé Nespresso n'est pas courant. Trouver le bon ambassadeur nécessite une clairvoyance sur le message que l'on souhaite faire passer, mais également sur son offre. Une fois l'univers et l'identité du produit définis, il est alors indispensable de trouver l'incarnation de cette idée, et donc l'ambassadeur idéal qui sera prêt à jouer le rôle que la marque lui attribue. « Et c'est bien là que réside la difficulté, admet Denis Bonan. C'est pourquoi les marques doivent innover dans leur communication et faire jouer au people un rôle plus actif. »
Faire jouer les acteurs
Encore une fois, Nespresso s'est révélée maître en la matière. Dans l'opus 3 de sa campagne, la marque a en effet fait tourné son égérie avec... deux des clients du Club Nespresso. Ceux-ci sont issus d'un casting réservé aux membres de la marque et ont été choisis en tant que figurants. « Faire rencontrer l'égérie d'une marque à ses clients est très fort », reconnaît Maxime Hibon. Une expérience donc exemplaire, mais encore peu imitée, contrairement aux collections griffées qui sont, elles, de plus en plus utilisées par les créateurs. Après les campagnes de publicité plutôt classiques, la tendance des marques est en effet aux collections people. Voilà que les stars ne se contentent plus d'admirer les défilés haute couture, sagement assises au premier rang, ni de poser aux côtés de signatures prestigieuses. Elles investissent désormais les bureaux de stylisme et volent la vedette aux professionnels du milieu. Madonna a ainsi présenté une collection pour H&M. Pénélope Cruz a également mis sa créativité au service de la marque Mango. Quant à Lou Doillon, elle a signé, à la rentrée 2007, une collection pour le jeanner Lee Cooper. Idem pour Scarlett Johansson qui a griffé une collection Reebok. Le temps est donc à la création pour les people. Et pas seulement chez les marques de prêt-à-porter. Dans le luxe aussi. Début 2008, le chanteur Pharrell Williams a ainsi créé, avec Camille Micelli, une ligne de bijoux pour Louis Vuitton. En juillet dernier, c'était au tour du producteur de hip-hop Kanye West de conclure un partenariat avec la marque de luxe pour créer une ligne de chaussures pour homme. La série limitée George Clooney chez Nespresso n'est apparemment pas prévue pour le moment, mais cela aurait un sens ! Car désormais, les stars sont de vraies marques. Aux marques donc de se comporter comme de vraies stars.
Johnny Depp arrive en tête des 100 plus grandes célébrités du monde, selon le classement annuel établi par Forbes.