Les marques de sport ont-elles bonne réputation?
L'image de marque n'est jamais que subjective: elle n'existe que dans la tête des consommateurs. Si les Français savent qu'Evian est la plus équilibrée des eaux minérales et que Contrex permet de garder la ligne, c'est parce que ces deux annonceurs le leur ont rabâché à longueur de coûteuses campagnes publicitaires. Mais, pour savoir si leur message est bien passé, les marketeurs n'ont d'autre solution que d'interroger les consommateurs. Ils s'adressent alors à la mémoire sémantique des répondants, celle par laquelle l'individu stocke ses connaissances générales. Les événements que nous vivons au quotidien «se stockent» ailleurs dans notre cerveau: nos difficultés à trouver un produit en magasin entrent ainsi dans notre mémoire épisodique.
Des informations contradictoires peuvent donc coexister en nous. Ainsi, côté image de marque, Interbrand classe Nike dans le top 5 mondial. Quand on demande à des consommateurs «quelle marque ils aimeraient être», ils la placent même en seconde position. Mais, côté réputation, les réactions sont bien différentes. Ainsi, Jérôme, un internaute, se plaint sur Facebook de la Human Race. Payer 30 euros pour une course à pied destinée à promouvoir les produits Nike lui reste, en effet, en travers de la gorge. Petit à petit, à force d'expériences positives ou négatives, les contenus stockés en mémoire sémantique vont se transformer, sous l'influence de ceux présents dans la mémoire épisodique. Petit à petit, la réputation va enrichir, ou dégrader, l'image de marque. Etudier sa réputation, c'est accéder au futur de la marque.
Quelle perception?
Il y a des marques à forte réputation
Et c'est cela que les blogueurs reprochent à Nike: n'être qu'une machine à faire du business. En outre, la marque traîne un lourd passé de controverses sur le travail des enfants dans ses usines en Chine. De même, quand le champion du monde du 110 mètres haies, Liu Xiang, blessé, abandonne en pleins Jeux olympiques, la marque se voit accusée de pressions! Autre marque contestée: Adidas, dont le boulet s'appelle Tapie. De fait, elle apparaît plus comme une entreprise désincarnée que comme une marque charismatique. Une entreprise qui n'a pas su capitaliser sur ses succès aux JO. A peine ceux-ci achevés, elle annonçait délocaliser de Chine au Cambodge, parce que la main-d'oeuvre y est meilleur marché!
A l'inverse, Converse représente la réputation ultime. Pour son 100e anniversaire, la marque a convoqué une autre légende, Iggy Pop, pour une soirée au Show Case. La force de Converse résulte de son appropriation par des consommateurs qui décorent leurs baskets au stylo. La communauté de ses aficionados est d'ailleurs l'une des plus productives du Web.
Construire sa réputation
A côté de ces poids lourds du Web 2.0, deux marques tissent patiemment leur réputation. Asics, avec, pour mythe fondateur, Onitsuka Tiger: selon un blogueur, «après des années passées dans l'armée et après avoir travaillé dans une société de négoce de bière sur le marché noir, il décida que le sport pouvait jouer un rôle important en aidant la jeunesse japonaise à retrouver confiance en elle, il apprit à fabriquer des chaussures et créa Onitsuka Co Ltd.». Puma ensuite, qui bâtit sa légende avec Usain Bolt, recordman des 100 et 200 mètres, qui, comme le rapporte cet internaute, «n'a pas hésité à embrasser ses chaussures devant les télévisions de toute la planète».
Rien n'est figé et une marque peut contrebalancer efficacement les inconvénients d'une mauvaise réputation. C'est d'ailleurs ce que fait Nike en investissant en publicité. Mais ce n'est qu'un perpétuel combat: des millions de dollars d'investissements contre... quelques papiers postés sur des forums ou des blogs.
FRANCOIS LAURENT COPRESIDENT DE L'ADETEM