Les études en ligne face à leur avenir
Un an après l'explosion de la bulle internet, où en sont les études on line ? Après l'engouement aveugle du début, accompagné de nombreuses erreurs de jeunesse, l'utilisation d'Internet dans les études s'est faite un temps plus timide pour en arriver à faire désormais partie de la palette d'outils de collecte de l'information mise à la disposition des études marketing, au même titre que le face à face, le téléphone ou le postal. Avec ses avantages et ses limites. Mais tout n'est pas figé. L'avenir des études en ligne dépendra aussi de la pénétration d'Internet.
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«En six mois, le marché français des études en ligne a beaucoup évolué,
constate Louis Rougier, directeur général d'Ipsos-Médiangles. De timides, les
annonceurs sont devenus proactifs, au point qu'il faut parfois les freiner et
leur expliquer les limites de la technique. » Suivant l'exemple des maisons
mères américaines - qui ont déjà une bonne expérience des études en ligne dans
un pays où la pénétration d'Internet est forte (60 % des individus contre 30 à
40 % en Europe suivant les pays) - les filiales européennes et surtout
françaises se mettent à leur tour, plus ou moins vite, à l'heure internet. « Il
y a deux ans, tout le monde avait "surpromis" sur le média, il y a eu des
retours de bâton, remarque Valérie Jourdan, directrice générale de Panel on the
Web.
Louis Rougier (Ipsos Médiangles)
: "La migration vers le on line fera
changer la structure concurrentielle du métier des études".
On avait oublié qu'une étude, c'est avant tout une bonne compréhension de la
problématique client et la recherche de la méthodologie appropriée.
Aujourd'hui, la profession s'est assainie. On sait qu'Internet répond à
certaines problématiques mais pas à toutes. » Aux Etats-Unis, le marché des
études en ligne a connu une forte croissance passant, selon Esomar, de 258
millions de dollars en 2000, à 489 millions en 2001, soit une progression de 89
%, pour atteindre probablement, selon les avis des experts, les 600 millions en
2002. Soit dix fois plus que le marché européen. « L'année 2002 apparaît déjà
comme une année de maturité par rapport à ce mode de recueil outre-Atlantique
», note Olivier Henry-Biabaud, Dga de NFO Infratest France. Aux Etats-Unis, 40
% de l'activité de NFO est faite sur access panel on line, une accélération qui
a surpris la société d'études elle-même. Des entreprises comme Procter & Gamble
font déjà l'essentiel de leurs tests de concept en ligne. Dans ce pays, 85 %
des études off line portent sur des sujets "hors Web" contre 40 % en Europe. Où
en est-on en France ?
Le regard de la profession
En
décembre 2001, à l'occasion du Salon Semo, Novatest a lancé une étude on line
auprès des visiteurs du salon 2000. Sur les 266 personnes ayant répondu, 42 %
travaillaient dans les entreprises clientes des sociétés d'études, 38 % dans
des instituts d'études et 20 % dans des organismes comme les agences de
communication, les web agencies, les régies, les administrations, les
chercheurs, les enseignants ou étudiants, etc. « Cette étude, commente Van
Terradot, directrice générale de Novatest, ne prétend pas être représentative
du marché français, mais seulement de la population des entreprises et sociétés
d'études les plus attentives à l'évolution de leur marché respectif, et
soucieuses d'en capter les tendances par leur participation au Semo, salon
professionnel réservé aux études. » A la question "Avez-vous déjà réalisé des
études sur Internet ?", 36 % des personnes ayant répondu en ligne à l'enquête
déclarent en avoir déjà fait en utilisant l'Internet comme mode de recueil des
informations, et 5 % en utilisant des méthodes traditionnelles avec Internet
comme sujet d'études. Un peu plus d'un interviewé sur 5 (22 %) n'en ont pas
encore fait mais en ont bien l'intention et 31 % n'envisagent pas d'en faire à
court terme (3 % n'ont pas d'opinion et 2 % ont répondu "Autres"). Chez les
entreprises clientes des études, la part des études sur Internet représente 7 %
du budget annuel des études. Parmi les sociétés d'études, 44 % des répondants
estiment la part des études on line dans leur chiffre d'affaires 2001 entre 1
et 10 %. Clients et instituts s'accordent à estimer qu'à terme, la part
d'Internet dans l'ensemble des études atteindra quelque 30 %. Une opinion qui
vient renforcer celle émanant d'une récente enquête Esomar selon laquelle, à un
horizon de 5 ans, les deux tiers des études de marché, en Europe, utiliseront
Internet comme mode de recueil de l'information.
Les avantages d'Internet
Pour les sociétés d'études traditionnelles, l'arrivée
massive d'Internet comme outil d'études n'est pas neutre : si les études avec
Internet comme sujet d'études apportent du business supplémentaire, Internet
comme outil d'études, ne peut-il être vu comme remettant en cause les
répartitions de chiffres d'affaires entre département et les investissements
terrain consentis ? Parmi les raisons qui font le succès d'Internet comme mode
de recueil, la réactivité et le coût figurent en tête de liste. En effet, il
suffit d'un jour pour programmer un questionnaire et de quelques minutes pour
le mettre en ligne. les réponses sont très rapides : 50 % des répondants
répondent dans les 24 heures et 80 % dans les 72 heures. Dans certains cas, une
étude on line peut être réalisée en 48 heures. Mais en règle générale, il est
important de prolonger l'interrogation en ligne. « Une proportion non
négligeable d'internautes se connecte sur Internet et ne lit son courrier
électronique qu'une fois par semaine. Ces derniers risquent de ne répondre que
7 à 10 jours après sa mise en ligne », souligne Philippe Jourdan, directeur
général de Panel on the Web. Question coût, il est vrai que le on line permet
de faire l'économie d'un enquêteur, libère des frais de reprographie, d'envoi
et de saisi. Mais le fantasme du coût zéro a fait long feu. On peut estimer à
20 % l'économie faite entre le on et le off line, des postes comme le projet
d'études, la rédaction du questionnaire, l'analyse et le conseil ne pouvant en
aucun cas être supprimés. En revanche, il ne faut pas oublier qu'avec le on
line, la programmation du questionnaire est un poste lourd, qu'il faut ajouter
les incentives et, dans le cas du recours à un access panel, les coûts de
constitution et de gestion du panel d'internautes. « L'économie réalisée sur le
poste terrain est contrebalancée par d'autres postes inhérents au média »,
constate Louis Rougier. « Ce n'est pas avec du spamming que l'on fait une
enquête de qualité », ajoute Alain Renaudin, directeur marketing de l'Ifop.
D'autant, renchérit Helen Zeitoun, directrice générale de GfK Sofema, « que
l'on a besoin de services derrière ». « Il faut résister à la tentation d'aller
en ligne pour de seules raisons d'économie de coût, estime, quant à elle,
Nathalie Lescuyer, directrice études chez Market Audit. Il faut choisir
Internet en connaissance de cause, en respectant les mêmes règles que pour une
étude classique. » Pour Fabrice Carlier, directeur général de FullSix Research,
il ne faut surtout pas faire l'économie d'une présentation client face à face :
« Une présentation orale apporte un maximum d'échange avec le client. » En
revanche, c'est dans le cadre d'études internationales, que le différentiel
avec d'autres modes de collecte est le plus sensible puisque le on line permet
l'économie de terrains multiples et de frais de déplacement sur place, et
facilite la coordination centrale. « Cela change la donne des études
internationales et va obliger les instituts d'études à retravailler leur
plate-forme de recueil d'études internationales en on line ou off line avec
panel », constate Guillaume Weill, directeur général d'Ipsos Access Panels
Europe. Et Louis Rougier d'ajouter : « La migration vers le on line fera
changer la structure concurrentielle du métier des études. Pour développer du
business en ligne, il faut des structures lourdes et des investissements
élevés. »
Des interviewés plus disponibles
Un autre
atout d'Internet est la plus grande disponibilité des interviewés : ces
derniers ayant le choix du moment pour répondre, les réponses obtenues sont
plus riches et de meilleure qualité.
Valérie Jourdan (Panel on the web)
: "Aujourd'hui, on sait qu'internet
répond à certaines problématiques mais pas à toutes".
Elles sont aussi plus honnêtes. Les différentes études "research on research"
comparant les différents modes de recueil de l'information soulignent le biais
de l'enquêteur sur des sujets sensibles ou des thèmes où le regard de l'autre
peut fausser les réponses. Ainsi, une enquête du club Etudes & Internet a
montré qu'à la question "J'aime acheter des marques reconnues et
prestigieuses", les réponses obtenues on line (deux échantillons interrogés via
deux access panels Novatris d'un côté, OpinionWay de l'autre) donnent un nombre
sensiblement plus élevé de "Tout à fait et plutôt d'accord" que celles obtenues
en face à face, mais aussi en CATI. « Les extrêmes sont plus élevés, souligne
Hugues Cazeneuve, directeur général d'Opinion Way, surtout pour les "Pas du
tout d'accord". » De même, les internautes comme les personnes répondant à un
questionnaire auto-administré ont tendance à répondre plus honnêtement à des
questions sur les reconnaissances de marque. Ainsi, toujours dans la même
enquête du club Etudes & Internet, 29 % des enquêtés interrogés par CATI ont
dit connaître une marque qui, en réalité, était une fausse marque. Ils étaient
22 % à le faire en face à face, mais seulement 3 % on line et 2 % par
questionnaire auto-administré. « Il est plus dévalorisant de dire que l'on ne
connaît pas une marque à un enquêteur qu'à une machine, constate Hugues
Cazeneuve. Mais attention, cela ne veut pas dire qu'il ne faut pas d'enquêteurs
: tout dépend du type d'étude ». Pour Annie Lexcellent, qui a fait réaliser par
Novatest une étude on line sur de nouveaux dévidoirs de rouleaux adhésifs, «
les internautes sont pleins de bon sens. Ils ne vont pas dire qu'ils achèteront
le produit s'ils ne savent pas bien ce qu'il est. Ils sont très cohérents dans
leurs réponses. » Internet, c'est aussi la possibilité de tester des images, du
son, des visuels dans d'excellentes conditions. « Si chaque support d'études a
ses propres valeurs et bénéfices, constate Patrick Van Bloeme, cofondateur et
directeur associé de Novatris, Internet permet d'exploiter le meilleur de
chacun. » La rapidité, au-delà de celle du téléphone, les capacités de tests de
sons, d'images, de vidéo comme pour le face à face, l'absence de biais
d'enquêteurs, comme avec les enquêtes postales, l'interactivité, comme celle du
téléphone.
Quand faire confiance au on line ?
«
Pratiquement toutes les études classiques peuvent être adaptées à une
méthodologie on line, estime Patrick Cru, P-dg de Market Audit : prétests et
post-tests de communication, études d'image et de positionnement, segmentations
et typologies, U&A, études comportementales, baromètre de satisfaction, achats
mystères, tests de lancement de produit, tests de concept, optimisation
(trade-off). » Chez Ipsos, TNS, GfK, Ifop... la plupart des outils d'études
standardisés ont leur version on line. Interroger on line des cibles
d'internautes sur des sujets portant sur le Web est aujourd'hui chose commune.
« Les études avec Internet comme sujet d'études et encore mieux comme secteur
d'études sont un champ d'investigation fantastique », remarque Yannick Carriou,
directeur général adjoint de TNS et directeur du Pôle Nouvelles Technologies.
Qu'en est-il pour d'autres cibles ou d'autres sujets ? « Même si les
internautes ne sont pas encore représentatifs de la population générale,
remarque Daniel Bô, directeur général de QualiQuanti, ils ont, pour beaucoup de
produits de grande consommation, le même processus de choix et le même
comportement d'achat que d'autres. Sur certaines catégories de produits, le
fait d'être internaute n'a pas d'impact sur la qualité des résultats. » En
revanche, le public des internautes est particulièrement pertinent pour les
études sur des cibles high-tech, actifs, CSP +, jeunes, etc. Pour Olivier
Henry-Biabaud, « le on line est idéal sur les cibles et problématiques de
grande consommation visant les responsables des achats courants pour des études
tactiques visant à prendre une décision entre plusieurs pistes de développement
du mix : hiérarchiser en amont de nouveaux concepts, tester plusieurs pistes de
packaging pour choisir le meilleur, hiérarchiser l'attrait de différentes
marques, tester plusieurs logos, sélectionner la meilleure extension de gamme,
le trade-off le plus efficace... toujours dans une optique d'une lecture
relative et d'une analyse comparative de résultats. Seule la constitution de
normes et de bases de données, en cours chez NFO, permet d'avoir également une
lecture des résultats dans l'absolu. » Au point qu'Helen Zeitoun estime que les
entreprises devraient se servir plus d'Internet pour pousser à la créativité :
« Puisque Internet permet de tester vite et à l'international, ce serait
dommage de s'en priver. » Trois jours suffisent pour tester trois concepts dans
20 pays. « C'est là qu'Internet est superbe, s'enthousiasme Helen Zeitoun. Il
devient un véritable outil d'aide à la décision en amont. » Et, constate Van
Terradot, « avec Internet, on revient aux règles de base du marketing qui sont
de tester, encore et toujours ». En revanche, le on line n'est pas encore
adapté en France sur des cibles grand public pour des études de potentiel
aboutissant à des volumes, des études de pénétration de marques, de notoriété
ou d'image, de prix psychologique, tout ce qui fait appel à de l'extrapolation
ou à de la segmentation de marché. « Même en contrôlant le profil des
maîtresses de maison, commente Olivier Henry-Biabaud, il est encore trop tôt
pour traiter ce type d'études qui nécessitent un échantillonnage plus large
pour établir des chiffres de cadrage précis. En tout état de cause, le contrôle
du profil de la maîtresse de maison interrogée en ligne doit porter sur des
critères comme l'âge, la CSP et la catégorie d'agglomération. » Pour Ipsos,
l'actualité consiste travailler sur le long terme pour mettre au point des
modèles de prévision utilisant du recueil en ligne.
Des réserves pour les études d'opinion
Autre limite : les études sur les
intentions de vote, à moins d'interroger, comme l'a fait OpinionWay pour la
CFE-CGC, une population de 1 000 cadres, l'échantillon étant assez large et la
population cadre assez internaute pour assurer une certaine fiabilité des
réponses. En revanche, Internet a fait une entrée en fanfare dans les études
politiques cette année lors de la dernière élection présidentielle. Novatris a
mis en place pour Le Monde, et en association avec Margot Communication, un
dispositif de sondage d'une grande amplitude (3 000 personnes) sur une
thématique jusqu'alors inexploitée en France : les indécis. L'échantillon a été
suivi durant cinq semaines consécutives et interrogés au travers d'une série de
sondages on line. « L'objectif de ce panel n'était pas de fournir une
indication sur des intentions de vote, mais bien de comprendre et d'analyser
les leviers électoraux, sur cette cible des électeurs indécis », commente
Patrick Van Bloeme. Tout le monde ne partage pas cet avis et nombreux sont ceux
qui émettent des réserves quant à l'utilisation du Web pour des études
d'opinion. « La sagesse voudrait que l'on regarde ce problème avec beaucoup
d'honnêteté intellectuelle, pense Yannick Carriou. Pour ce type d'études, c'est
encore trop tôt. » Quelles que soient les limites d'Internet aujourd'hui, car
on est ici dans un monde qui évolue en fonction de la pénétration du média,
l'outil fonctionne à plein sur trois types de problématiques : les études où le
Web est un sujet et un secteur d'études, les études B to B et les études
internes. Dans ce dernier cas, il autorise les baromètres internes, la
détection des besoins de formation, les bilans individuels, la consultation
interne sur un thème d'entreprise. De plus en plus d'entreprises s'y mettent,
et non des moindres. L'Intranet facilitant les choses. Encore faut-il prendre
quelques précautions : rassurer les salariés sur la garantie de l'anonymat,
donner à tous, quelle que soit leur fonction, l'accès à Internet (ceci est
valable dans les entreprises qui ont beaucoup de personnel ouvrier et
maîtrise), par exemple en mettant en place des postes avec ordinateurs déja
connectés. Dans les études business to business, Internet s'impose de plus en
plus, à condition que la cible s'y prête. L'outil a le grand avantage de
permettre d'atteindre des cibles très sollicitées, difficiles à toucher, en
passant par-dessus le barrage de la secrétaire. Les interviewés pouvant
répondre à n'importe quel moment, ils sont plus disponibles. Plus ludiques,
plus interactifs, ce mode de collecte engrange auprès de certaines cibles B to
B, un taux de retour tout à fait intéressant. Pour combien de temps encore ?
Telle est la question. Des études comparatives Internet/téléphone ont montré
des résultats homogènes entre les deux méthodologies. Tout récemment, l'UDA
pour l'édition 2001 des Phénix a décidé de modifier les conditions
d'attribution des prix jusque là remis sur la base des jugements d'un jury de
professionnels. Désormais, les prix sont remis au terme d'un choix fait par les
adhérents de l'UDA après présélection du jury. L'interrogation des adhérents
s'est effectuée pour moitié par voie postale à partir du fichier de l'UDA et
pour moitié en ligne. « Nous avons obtenu une très bonne représentativité des
répondants en termes de fonctions et de secteurs, constate Fabrice Carlier,
FullSix Research ayant été chargée de l'enquête. Nous n'avons même pas eu
besoin de procéder à un redressement. »
La grande question de la représentativité
« Les Américains, constate Louis Rougier, ne se
posent pas les mêmes questions de méthodes que les Européens. Les Européens
veulent savoir si les chiffres sont les mêmes selon que l'on utilise le on ou
le off line. Ce qui intéresse les Américains, c'est de savoir si l'utilisation
du on line les conduit aux mêmes recommandations marketing. » On parle
énormément de représentativité dès lors que l'on aborde le on line, notamment
pour le condamner aujourd'hui. Encore faut-il savoir de quelle représentativité
on parle, dans quel but, pour quelle problématique. « Le vrai problème de la
représentativité, remarque Fabrice Carlier, c'est la référence à une population
mère. A partir du moment où l'on connaît cette population mère, il est possible
de reconstituer la cible. Un sondage n'est que l'interrogation d'une
micro-population représentative d'une plus grande ayant les mêmes
caractéristiques. » Cela, on sait faire. « Il y a peu d'études marketing qui
doivent être faites auprès d'un échantillon national représentatif, estime
Alain Renaudin. La plupart du temps, on travaille sur un échantillon ad hoc. »
« Car il faut avoir conscience, souligne Daniel Bô, que tous les modes
d'interviews se heurtent à des problèmes de représentativité : listes rouges
(34 % en Grande-Bretagne), enquêtes en face à face qui privilégient les
populations urbaines, baisse des taux de participations aux sondages. » C'est
la raison pour laquelle les access panels, qui ont connu un si grand
développement aujourd'hui en off line, se multiplient à leur tour auprès des
internautes, (Ipsos, NFO, Novatest, Novatris, Panel on the Web, Ifop, TNS, GfK,
QualiQuanti...) sans oublier les panels dédiés ou les panels verticaux. Parmi
ces derniers, on peut citer les access panels auprès des médecins (TNS,
Novatest, bientôt Novatrix...). NFO travaille à des panels auprès de cibles de
professionnels de la Santé, de cadres, de jeunes mères. Quant aux panels dédiés
ou propriétaires on line, qui font rêver plus d'un client, entreprise ou
municipalité, « leur principal bénéfice est la facilité de mise en oeuvre,
rappelle Guillaume Weil. Mais le coût est élevé : entre 80 000 et 250 000 euros
par an et il ne se justifie que si l'entreprise est amenée à interroger
régulièrement sa cible. » Construits sur la base des access panels fiabilisés,
ils répondent à un besoin d'informations tactiques, réactives, pour des prises
de décision rapides sur un marché bataillé où la prise de risque est forte.
Ainsi, NFO Infratest a monté NFO EuroGamers online, un panel dédié aux acteurs
du jeu vidéo (consoles et PC) permettant d'interroger rapidement des joueurs
représentatifs en Europe et aux Etats-Unis. « La cible des joueurs est en
affinité naturelle avec Internet, constate Olivier Henry-Biabaud. Une affinité
qui ne fera que croître avec la connexion intégrée des consoles. Et c'est un
outil international pour une offre à tester souvent globale, offrant des
facilités de décrochage local de l'information. » Condition de départ : partir
de fichiers d'adresses e-mails de qualité et pérennes, ce qui nécessite de
lourds investissements technologiques et humains dans les outils de gestion des
bases de données. Ce qui explique que la gestion et l'animation des panels
dédiés (qui doivent être aussi rigoureuses que dans le cas d'un access panel :
recrutement, renouvellement, incentives, études de contrôle off line...) soient
le plus souvent confiées à des sociétés d'études spécialisées.
Migrer ou ne pas migrer ?
La deuxième grande
interrogation sur la représentativité est : en supposant que l'on ait un
échantillon représentatif de la population ciblée, qu'est-ce qui garantit que
la population d'internautes est la même que la population off line ? « Tout le
monde n'est pas égal devant le Web aujourd'hui, note Van Terradot. On peut être
débutant ou surfer confirmé, par exemple. Il faut savoir ce que l'on fait et
décider au cas par cas en fonction des problématiques. A priori, j'aurais
tendance à dire qu'au fur et à mesure qu'Internet mûrira, il deviendra un outil
de recueil comme un autre avec ses limites mais surtout ses avantages. » En
attendant, on peut raisonnablement penser que les internautes sont plus ouverts
aux nouvelles technologies mais aussi au monde, plus "early adopters",
surinformés. « Je reste persuadée qu'il existe une fracture dans la société
française entre les "technologie avertis" et les autres, estime Odile Peixoto,
directrice du pôle Etudes Marketing de Teleperformance. La population Internet
se trouve plus sur des valeurs d'ouverture, de communication. Il peut y avoir
un biais pour certains types d'études et il ne faut pas le nier. » Une opinion
partagée par Yannick Carriou : « Il faut étudier au cas par cas. Le choix du on
line dépend vraiment de la problématique et de la cible. » Pour Louis Rougier,
avant de décider de migrer ses études vers le on line, un annonceur doit se
poser la question de la pénétration de son produit auprès des internautes et
des non-internautes, et connaître le pourcentage de gros utilisateurs : « Il y
a des catégories de produits pour lesquels on n'a pas intérêt à migrer. »
Et demain ?
Cette "fracture" explique pourquoi, pour le
moment, il est plus difficile de faire des enquêtes auprès des seniors, à moins
de faire des enquêtes auprès de seniors internautes spécifiquement. Quant aux
enfants, rien n'empêche de les interroger en ligne, à condition de ne pas
oublier, comme pour les études off line, l'autorisation parentale jusqu'à 15
ans. « Je suis frappé par la multiplication des problématiques gérables par
Internet », remarque Hugues Cazeneuve. Et l'enquête réalisée on line par
Novatest auprès des visiteurs du Semo donne des informations sur la perception
de l'impact d'Internet sur l'évolution des différents types d'études : 89 % des
interviewés pensent que vont se développer les études en ligne via un access
panel d'internautes, 86 % des mesures de satisfaction clientèle et études
internationales, 76 % des études par e-mail, 71 % des études B to B, 64 % des
focus groups, 60 % des panels propriétaires on line, enfin 56 % pensent que le
CRM se développera. Devraient, à leurs yeux, se maintenir : les tests en salle
(66 %), les panels traditionnels (61 %), les sondages téléphoniques (59 %).
Quoi qu'il en soit, l'évolution du marché de ces derniers mois laisse présager
qu'Internet est là pour durer et devenir un autre mode de collecte de
l'information à ajouter à la palette existante et qu'il devra trouver sa place,
avec ses avantages et ses limites, conditionné par la définition de nouveaux
standards méthodologies et une éthique qui se met en place, en France notamment
sous la houlette du Syntec Etudes Marketing et Opinion.
« Internet permet de prendre des décisions plus rapidement »
Annie Lexcellent, directrice marketing Produits Scotch du département Consumer et Office pour l'Europe de 3M. « J'étais assez ouverte au début à l'Internet car je ne voyais pas comment un outil autant de notre temps ne pouvait pas être utilisé dans les études, mais j'étais en attente. J'avais besoin d'être rassurée sur le profil des internautes dans le cadre de nos études. N'étions-nous pas sur un profil un peu élitiste ? J'ai utilisé Internet la première fois en 2000 à l'occasion de la mise en place sur le marché d'un dévidoir de rouleau d'adhésif Scotch. Notre stratégie était de faire évoluer l'achat d'un tel produit d'un motif rationnel vers une motivation plus émotionnelle. A l'époque, nous n'avions pas d'antécédent d'études on line en Europe, mais nous avions une deadline très serrée et nous n'avions pas vraiment le choix. Il fallait aller vite. Novatest a interrogé pour nous 1 236 internautes choisis sur la base de quotas à partir d'un access panel dans cinq pays (France, Italie, G-B, Allemagne, Norvège). Le questionnaire comportait des questions ouvertes et fermées, avec des photos du produit et les réponses devaient nous aider à comprendre le taux d'acceptabilité du design, l'impact sur la marque et l'intention d'achat avec et sans prix. Les résultats ont été tellement positifs que nous avons estimé qu'il fallait les valider. Nous avons donc fait procéder à une étude traditionnelle en face à face avec dépôt du produit à domicile et nous nous sommes rendus compte que les résultats étaient comparables, mais que l'acceptation était encore meilleure en face à face car les interviewés avaient pu toucher le produit pour en éprouver la stabilité et la qualité. Ce qui nous a conforté dans l'idée que les réponses des internautes sont pleines de bon sens et très cohérentes. Actuellement, nous sommes en train de travailler sur une étude s'intéressant aux usages et attitudes des utilisateurs de rouleaux adhésifs dans le réseau Entreprises, et aux types de promotions auxquels ils peuvent être sensibles et, dans ce cas, nous avons utilisé des fichiers Novatest et des bases de données 3M. Nous avons interrogé 1 000 personnes en France, Italie, Allemagne et Espagne. Sur le plan marketing, l'interrogation on line présente de nombreux avantages : rapidité des résultats, accès aux informations en temps réel. C'est un vrai outil d'aide à la décision. Cela ne veut pas dire que nous n'allons plus faire que des études on line mais celles-ci sont vraiment utiles quand on veut valider rapidement un produit avant de lancer l'investissement. »
Les différentes méthodologies d'études quanti via le Net
Enquêtes texte par e-mail Enquêtes-forum Enquêtes en ligne (HTML) Logiciels de questionnaires pré-formatés Programmation interactive spécifique au Web Enquêtes à télécharger
Check-list des questions à poser avant de commanditer une étude on line
par Van Terradot, directrice générale fondatrice de Novatest. Comme pour les études off line traditionnelles, les études on line doivent être conduites avec la même rigueur méthodologique et en conformité avec le cadre légal et déontologique qui régit notre profession. C'est pour promouvoir des pratiques éthiques et professionnelles dans les études on line que Syntec Etudes Marketing et Opinion a mis en place une Commission Internet et Etudes, dont l'une des premières missions a été d'élaborer une Charte éthique des études sur Internet pour 2002. Cette Commission travaille également sur la mise au point d'une check-list des questions à poser par une entreprise cliente afin de lui faciliter la comparaison entre les différentes offres possibles. Parmi ces dernières, il faut retenir : - La population cible est-elle accessible via Internet ? Le mode d'interrogation on line est-il adapté à la cible ? - La procédure de recrutement/sélection des interviewés permet-elle de garantir la représentativité de l'échantillon par rapport à la population visée (pas de biais de l'auto-sélection) ? - En cas d'incentives, ces derniers sont-ils neutres par rapport à l'objet de l'étude ou par rapport à la cible ? - Des dispositifs de contrôle de qualité sont-ils prévus (ex : interdiction de participations multiples, réponses obligatoires...) ? - En cas de recueil de données à l'insu des répondants (ex : cookies...), ces derniers en sont-ils informés et leur consentement obtenu ? - En cas de recours à un access panel : quels en sont les modes de recrutement (diversifié, actif...) ? - Quelle est la fréquence d'interrogation des panélistes ? - Quelle est la procédure de maintenance du panel (mise à jour des données socio-démographiques, nombre de panélistes réellement actifs...) ?