Les classiques fidèles au poste
Chèques cadeau, catalogue, voyag... Les trois dotations phares font main basse sur la motivation. Un règne sans partage.
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« Le plus petit dénominateur commun des opérations de motivation. »
Jean-Michel Coletti, P-dg de Stimula, qualifiait ainsi le chèque cadeau, dans
un précédent article de Marketing Magazine consacré à la motivation (MM n°42).
De fait, le chèque cadeau est une dotation à laquelle on échappe difficilement.
Valeur sûre, appréciée par les participants, souple et bien adaptée aux petits
montants, les bons d'achat sont en outre une manne financière pour les agences
dans la mesure où ils constituent une avance de trésorerie. Au rang des
inconvénients, on citera une image parfois bas de gamme. « A mon sens, il est
difficile d'inscrire le bon d'achat dans un vrai projet de motivation, estime
Emmanuel Chovard, directeur de clientèle de Consul. Il s'apparente trop à un
complément de salaire. » De fait, une grande partie du travail des agences
consiste à faire de la motivation autre chose qu'une rallonge de salaire. Le
chèque cadeau ramène-t-il trop la motivation à sa dimension basique ? Reste que
ce handicap, s'il existe, n'a pas franchement entravé le développement des bons
d'achat. La plupart du temps, les agences s'appuient toujours sur leurs
produits phare. Qu'ils s'appellent Best (Everest), Bon Cadeau Direct
Performance (Tir Groupé), Chèque Cadeau Bienvenue (Stimula) Suprême Award
(Incentive House), ces chèques ont su évoluer à deux niveaux. D'une part, à
travers le service apporté au client. Pour ne citer que lui, le CCB de Stimula
est édité au franc près, personnalisé au nom du lauréat et de l'opération, au
logo de l'entreprise, porteur d'un code-barres, sécurisé avec zone filigranée
et bande anti reproductio... La Banque de France ne fait guère mieux ! D'autre
part, à travers le réseau dans lequel ils sont négociables. « La valeur ajoutée
de notre chèque tient au fait qu'il est accepté non seulement dans de grandes
enseignes, mais aussi dans de nombreux magasins de proximité », explique
Etienne Turion directeur général d'Everest. Ainsi, les principaux chèques du
marché peuvent être échangés dans 10 à 15 000 points de vente.
Des bons d'achat qui s'adaptent
A côté des bons d'achat traditionnels,
des produits d'un type un peu différents se sont développés. « Il est important
de valoriser la dotation, de promouvoir de nouvelles façons d'offrir »,
explique Stéphane Authier, directeur marketing de Kouro Sivo. Les Cartes du
même nom se caractérisent par leur aspect haut de gamme. Elles ont établi leur
réputation dans le domaine de la gastronomie. « Un dîner à la table de l'un des
plus grands chefs de France laisse toujours un souvenir impérissable, qu'il
s'agisse du repas lui-même ou de l'occasion qui en est à l'origine, poursuit
Stéphane Authier. Nous proposons donc à des sociétés de s'associer par le biais
des cartes Kouro Invitation à de tels moments privilégiés, en offrant des
invitations gastronomiques à la table des plus grands chefs de France. » La
gastronomie constitue, de fait, l'un des domaines d'élection de ces bons
d'achat "thématiques". C'est ainsi que le chèque cadeau Le Bottin Gourmand
vient de voir le jour. Proposé par Stimula, il consiste en une invitation pour
deux personnes dans les restaurants du célèbre guide gastronomique. « Nos
dotations doivent évoluer avec les modes de vie et les attentes », résume
Etienne Turion. Aussitôt dit, aussitôt fait. Everest vient de lancer le chèque
Best Hôtel. A savoir 3 nuits gratuites pour deux personnes dans une sélection
de 210 hôtels. « Ce chèque est une réponse à la multiplication des séjours
brefs, à l'augmentation du temps de loisir et au souci de détente. » Pas de
révolution, donc, mais une évolution permanente pour les chèques d'agence.
C'est que ces derniers doivent faire face à la concurrence de plus en plus rude
des chèques d'enseignes, dont les arguments sont très convaincants. D'une part,
ils portent la caution de l'enseigne, qui peut donner un vrai avantage. La
marque Fnac ou Décathlon est bien plus forte que n'importe quelle "marque" de
bon d'achat. D'autre part, et surtout, ils sont plus économiques. Troquer un
chèque d'agence contre un chèque d'enseigne, c'est transformer des frais de
gestion en remises.
Chèque d'agence ou chèque d'enseigne ?
Au fil des années, on a vu les enseignes attacher de plus en
plus d'importance à leur branche entreprise. Pionniers en la matière, les 3
Suisses ont été bien au-delà de la simple valorisation de leurs outils de
récompense, jusqu'à la création d'une véritable agence conseil en stimulation.
De son côté, Décathlon a développé cette activité à travers Décathlon Direct. «
Le message autour du sport est très facile à faire passer et le parallèle entre
sport et motivation fonctionne très bien », justifie Xavier Boucheron,
responsable de la région Rhône-Alpes Auvergne de Décathlon Direct et en charge
de la communication. La filiale, qui existe depuis cinq ans, n'a véritablement
pris sa vitesse de croisière qu'il y a peu de temps. Décathlon Direct, dont
l'activité est partagée à part égale entre motivation et comités d'entreprise,
propose deux produits. D'une part, un chèque cadeau négociable dans tous les
points de vente de l'enseigne et sur la totalité des produits vendus. « Y
compris les services, sans aucune restriction », insiste Xavier Boucheron.
D'autre part, des produits divers élaborés à la demande du client : vente en
direct des produits proposés en magasins, vente de ces mêmes produits
personnalisés à l'entrepris... Particularité de Décathlon : l'enseigne
n'accepte aucun chèque, à l'exception du sien. « Nous estimons que l'entreprise
qui commercialise un chèque doit pouvoir en maîtriser l'image et la
commercialisation, explique Xavier Boucheron. Avec un chèque d'agence, il n'y a
pas cette maîtrise. » Avec toutefois un désagrément de taille, celui de perdre
du chiffre d'affaires. Celui de Décathlon Direct est tenu secret. L'entreprise
s'appuie néanmoins sur une base de données regroupant 2 000 à 3 000 clients.
Même si l'enseigne a vraiment professionnalisé son département entreprises,
Décathlon n'est qu'un exemple parmi d'autres. Aujourd'hui, la très grande
majorité des enseignes proposent leurs bons d'achat. Entre chèque d'agence et
chèque d'enseigne, le choix est souvent difficile. « Auprès de l'enseigne, le
client achète les chèques avec une remise qui peut facilement atteindre de 10 à
12 %, explique Catherine Bacquerot, directeur commercial de Tir Groupé
Stimulation. A l'inverse, la marge de l'agence s'élève à 5/10 %. Soit environ
15 à 20 % de différenc... Autant dire que le client qui est sûr de satisfaire
100 % de sa cible avec un chèque d'enseigne n'a pas à hésiter. Mais qui peut
avoir cette certitude ? La majorité de nos clients qui font l'essai reviennent
vers nous du fait des remontées négatives des participants. La notion de choix
est fondamentale. » Entre le chèque d'agence et le chèque d'une enseigne,
l'avenir est peut-être aux "chèques de groupe". La constitution de groupes de
distribution multi-spécialistes, ou tout simplement, la mise en place de
partenariats, a permis le développement de tels bons d'achat. Le groupe PPR
avait innové dès 1996 avec son chèque inter-enseigne. Il vient de franchir un
nouveau palier avec le regroupement des équipes de Fnac Département
Entreprises, La Redoute Entreprises et Printemps Département Entreprises dans
une structure unique, Kadéos. « Ainsi, nous capitalisons sur nos forces,
explique Armelle Morizot, directeur marketing de Kadéos. Le chèque cadeau n'est
plus le métier annexe de telle ou telle filiale du groupe, il devient le métier
principal d'une filiale dédiée. » Kadéos commercialisera les chèques exclusifs
de chaque enseigne et les chèques transversaux. A savoir le chèque cadeau
inter-enseignes et le chèque cadeau Evasion, qui intègre en plus de ce dernier
une offre voyages. « Il s'agit de produits nouveaux, parfaitement adaptés au
marché de la dotation, estime Armelle Morizot. La demande est d'ailleurs forte.
»
Catalogue : un support en mutation
Le catalogue
présente l'avantage, par rapport au chèque cadeau, de proposer à la fois du
rêve et du fonctionnel. « Et il est mieux à même de véhiculer l'image de
l'entreprise », estime Emmanuel Chovard. Le plus souvent, les catalogues clés
en main des agences intègrent quelques centaines de produits répartis dans des
univers sélectionnés en fonction de la thématique choisie par l'agence. Ils
sont destinés à des annonceurs soucieux de minimiser les dépenses et qui
s'accommodent d'un produit qui n'a pas été créé pour eux, sans autre
personnalisation que celle de la couverture. A l'inverse, le catalogue
personnalisé nécessite une démarche plus lourde et des coûts en conséquence. A
partir de leur base de données produits (de quelques centaines à quelques
milliers d'articles), les agences doivent établir la sélection qui correspond
le mieux à l'opération de leur client. Cela implique un gros travail de
synthèse informatique. De fait, le catalogue est la dotation de motivation qui
tire le mieux parti des nouvelles technologies, que ce soit dans sa conception
ou dans sa présentation. Prenons l'exemple du Cyber Catalogue, proposé par La
Réserve, filiale de Safari. A partir d'une base de données numérique de 800
articles, l'informatique permet tous les tris possibles. Le client choisit en
fonction de ses propres critères (tranches de prix, thème...) les produits les
mieux adaptés à sa cible. Grâce aux techniques numériques, il est possible de
réaliser un catalogue sur mesure, avec une mise en page très simple des
articles. Côté édition, le client peut choisir entre le support papier ou, s'il
souhaite aller jusqu'au bout de la démarche informatique (un choix dicté par le
taux d'équipement et par la culture de l'entreprise), une déclinaison du
catalogue sur CD-Rom ou sur Internet. Si côté support, l'avenir du catalogue
semble se définir assez clairement. Il n'en est pas de même au niveau du
contenu, pour lequel les agences doivent faire face à quelques obstacles. D'une
part, dans la construction du catalogue lui-même, les "figures imposées" sont
nombreuses. Les références doivent être bien adaptées aux possibilités de gain
des participants, visuellement attrayantes, "événementielles" (produits à la
mode, médiatisés, best-sellers), suffisamment variée... Les objets de rêve
doivent y côtoyer les objets bassement utilitaires, le blanc doit s'accommoder
du brun et la perceuse doit faire bon ménage avec le sac à main. Avec un tel
cahier des charges, il n'est pas facile d'innover. Autre obstacle, le
comportement des participants. Depuis une dizaine d'années, il est inchangé, de
même que le hit-parade des cadeaux. « Lors d'une table ronde de 10 vendeurs,
entre un caméscope numérique et un réfrigérateur, tous choisiront le caméscope,
explique Jean-Christophe Hubeau, responsable d'Everest Marketing Services*. En
individuel pourtant, le choix n'est plus le même. On constate qu'une grande
majorité optera pour les produits blancs. » Reste que s'ils ne sont pas
achetés, les cadeaux prestigieux font tout de même rêver. « Il ne faut pas
croire que rien ne bouge dans le contenu des catalogues, affirme Emmanuel
Chovard. Au contraire, nous sommes constamment en veille par rapport aux
marchés car il est essentiel d'intégrer des produits à forte valeur
psychologique. »
Voyage, le rêve au coin de la rue
Le
voyage est sans doute le seul cadeau de motivation qui fasse vraiment
l'unanimit... Avec lui, pas d'équivoque. Aux antipodes de la dimension
fonctionnelle des dotations, il symbolise mieux que tout autre le rêve et le
loisir. Deux dimensions qui, malgré tout, sont différentes. Le rêve, c'est le
voyage au bout du monde, quasiment inaccessible. Le loisir, c'est un voyage
plus près de chez soi, organisé de façon beaucoup plus souple. Cette dernière
dimension a particulièrement le vent en poupe. Exemple, les week-ends Relais &
Châteaux, qui ne sont pas à proprement parler des destinations exotiques ou
lointaines, font l'objet d'une très forte demande. Tout simplement parce qu'ils
répondent parfaitement à l'évolution des attentes et des modes de vie. Dotation
de motivation à part entière, le voyage s'insinue de plus en plus fréquemment
dans les catalogues des agences (Everest, Ormès Conseil), dans les chèques
multi-enseignes ; lorsqu'il ne donne pas lieu lui-même à la création d'un
chèque (Best Hôtel, déclinaisons du chèque Suprême Award...). Ainsi, le voyage
est partout. N'est-ce pas un signe de temps ? Cette dimension loisir (donc,
voyage individuel ou familial) ne prend pourtant pas en compte un aspect
important de la motivation. Ce que le voyage collectif arrive parfaitement à
faire. « Le voyage est la dotation la mieux adaptée à la stimulation de groupe,
insiste Serge Camps, directeur associé de Business Attitude. Bien organisé, il
laissera un meilleur souvenir que le plus beau des cadeaux. Et donc, un
meilleur bénéfice pour l'entreprise. » D'où l'intérêt, pour des agences, de
proposer des idées originales. Car s'il est bien difficile de surprendre avec
un catalogue ou un bon d'achat, c'est tout à fait possible à travers le voyage.
C'est là un autre de ses avantages. « L'objectif est de construire quelque
chose qu'une personne seule sera dans l'impossibilité de s'offrir, poursuit
Serge Camps. Tout simplement parce que l'événement sera monté autour des
participants et pour eux. » Une telle démarche n'implique pas forcément de
partir au bout du mond... Un week-end à Londres avec murder party ou à St
Tropez avec traitement "VIP" (hélicoptères, bateau, limousin...) fera
parfaitement l'affaire. * Citations issues du dossier Motivation, Marketing
Magazine n° 42