La lente mutation des dotations
On pourrait penser des dotations de motivation qu'elles ne sont guère pressées d'évoluer. Et pour cause, elles doivent faire avec des clients, et des participants, qui n'apprécient que modérément le changement. Malgré tout, de nouveaux produits et de nouvelles évolutions voient le jour dans chacun des secteurs de la dotation. Celle-ci aurait de toute façon bien du mal à rester à l'écart des mutations technologiques en cours.
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Pour son challenge de motivation annuel, la société X a manifestement bien
fait les choses. Une belle thématique, une création top niveau, et surtout, une
dotation de rêve. Une île déserte, il fallait bien ça après la Ferrari que la
société avait fait gagner l'année précédente. La société Y fait aussi de la
motivation depuis longtemps. Son credo à elle, c'est plutôt profil bas. Chaque
année, un challenge mobilisateur à la thématique éprouvée ("Cap sur l'avenir"),
un catalogue clés en main, des chèques cadeaux et le tour est joué. Cette
comparaison, un peu extrême, convenons-en, a le mérite de poser une
problématique majeure de la dotation. Un scénario séduit manifestement plus que
l'autre. Est-il plus efficace ? Ce n'est pas sûr. Tout d'abord, sauf budget
exceptionnel, plus les cadeaux sont prestigieux, moins il y a de gagnants. «
Décider de faire un podium de vainqueurs sur une population de 100 personnes,
c'est fabriquer 97 perdants », affirme Catherine Bacquerot, directeur
commercial de Tir Groupé Stimulation. Dans le pire des cas, si la dotation est
vraiment exceptionnelle, elle pourra même mettre le collaborateur gagnant mal à
l'aise par rapport à ses collègues. Et pourtant, ce sont ces opérations qui
attirent le regard. « Le problème est de savoir si on monte un challenge pour
qu'il soit vraiment efficace ou pour avoir une pleine page dans le journa...,
estime Arnaud Hugues, directeur associé d'Ormès Conseil. Auquel cas, il n'est
pas très difficile de trouver des produits vraiment originaux. Mais je ne crois
pas que ce type de produit ait sa place dans une opération de motivation. » A
savoir, toujours selon Arnaud Hugues, « une opération qui doit permettre, sur
une période donnée, de mobiliser un nombre important de collaborateurs, de
rétribuer les meilleurs en fonction de leur mérite et de les disposer
favorablement pour l'opération suivante ». Faut-il en déduire que l'originalité
est à tout jamais proscrite des opérations de motivation ? Certes pas. Les
agences doivent au contraire essayer d'en faire preuve, ne serait-ce que pour
ne pas être recalées lors des compétitions pour cause de manque de créativité !
Mais l'originalité doit être utilisée à bon escient. A cet égard, ce qui est
simple pour la thématique ou le mécanisme d'une opération l'est beaucoup moins
pour sa dotation. La mise en place de trois pôles (chèque cadeau, catalogue,
voyages) qui monopolisent la dotation n'a rien du hasard. « Ces différents
univers couvrent à peu près toutes les attentes et tous les besoins en matière
de cadeaux, estime Rémy Villebrun, directeur associé de Safari. Que l'on
s'attache à des dotations de "rêve" ou à des dotations plus fonctionnelles. »
Quant aux participants, ils finissent presque toujours par choisir les cadeaux
les plus basiques, même s'ils se sont défoncés pour le voyage au bout du
monde.
Un air de famille
Résultat, les catalogues se
ressemblent, les chèques se ressemblent et d'un challenge à l'autre, les
dotations sont très proches. Il serait toutefois injuste d'en rester à cette
première impression car en réalité, les choses bougent. Lentement, mais
sûrement. Ainsi du chèque cadeau, qui évolue par petites touches, à la fois au
niveau des chèques d'agences, toujours plus performants, de la multiplication
des chèques d'enseignes, ou encore de l'apparition de nombreux produits
répondant à de nouveaux modes de vie. A l'inverse, dans l'univers du catalogue,
le contenu évolue peu, mais le support connaît une vraie mutation grâce à
toutes les possibilités offertes par l'informatique. Enfin, le voyage sait lui
aussi se faire plus souple afin de mieux répondre aux nouvelles attentes des
clients. Pour les raisons évoquées plus haut, il serait osé d'affirmer que des
dotations autres que ces trois-là gagnent du terrain. Mais elles existent,
offrant aux agences et aux organisateurs des concours de multiples
alternatives. Valorisation de l'individu grâce à un statut particulier,
dotations à caractère professionnel, mobilisation autour de grands projet...,
la palette est large. « Au niveau de la dotation et de son environnement, il me
semble que deux grandes tendances se dessinent, affirme Etienne Turion,
directeur général d'Everest Marketing Services. D'une part, le développement
d'Internet, avec la migration de toute une série de propositions vers le
commerce en ligne (crédit point, commandes, etc.). D'autre part, l'importance
prise par la notion de service et, par voie de conséquence, la nécessaire
qualité de celui-ci. Les annonceurs veulent tout, plus vite et moins cher. » De
ces évolutions, Rémy Villebrun retient notamment l'émergence des bases de
données. « Elles vont nous apporter une meilleure connaissance de l'individu,
explique-t-il. L'idée est simple : transplanter ce qui se fait déjà dans
l'univers grand public sur les populations professionnelles afin de mieux les
cerner et de mieux anticiper leurs attentes en matière de récompense. » Cela
passe par la construction de fichiers suivis dans le temps et, accessoirement,
par la mise en place d'une relation plus pérenne entre l'agence et son client.
Safari a déjà initié de telles bases de données avec des clients comme Fiat ou
Oda. Mieux cerné, le comportement des clients en matière de récompense peut
même faire l'objet de typologies. Ainsi, Consul met en place une base de
données comportementale sur les récompenses. « Bien souvent, la première
crainte des clients est d'offrir un cadeau mal adapté. Cette base de données
définira des types de consommation et de récompenses selon des critères divers
(socio-professionnels, habitat, âg...), un peu à l'image des Consodata et
autres Claritas, mais uniquement sur une cible B to B et sur les
"consommateurs" de cadeaux », explique Thierry Perez*, directeur général de
Consul Il se passe donc plus de choses qu'on ne le croit au pays de la
motivation en général, et de la dotation en particulier. Et c'est bien norma...
Comme l'affirme Emmanuel Chovard, directeur de clientèle de Consul, « la
dotation évolue parce que le monde de l'entreprise évolue ».