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La motivation: une affaire de considération

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Et si motiver ses collaborateurs, c'était aussi manifester les preuves d'une prise en compte de leurs besoins spécifiques, au travers d'actions et de mesures diffuses: participation, écoute, formation?

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@ (c) Corbis

Après quelques années de baisse d'activité imputable à une conjoncture morose, le marché de la motivation semble reprendre le dessus. Personnalisation des opérations, internationalisation des programmes, prégnance de la technologie dans toutes les opérations, inflation de l'offre de récompenses, dématérialisation de la communication et des dotations... D'évidence, la motivation se sophistique. Pour Jean-Louis Muller, directeur à la Cegos, le retour aux stages un tantinet «décalés» sonne le glas des exploits sportifs et autres expérimentations outdoor plus ou moins gratuites. L'heure serait à l'exploitation de situations inhabituelles censées agir à la fois comme des révélateurs et des fixateurs. «Improvisation théâtrale, disciplines artistiques diverses, cirque, slam... La demande traduit aujourd'hui un certain désinvestissement du corps au profit de l'intelligence, et notamment des trois dimensions non rationnelles de l'intelligence: émotionnelle, relationnelle, contextuelle», indique-t-il.

VERONIQUE WINDAL (ACCENTIV'-KADEOS):

«ON PASSE D'UNE LOGIQUE D'AUGMENTATION DE CHIFFRE D'AFFAIRES A UNE LOGIQUE DE DIMINUTION DES COUTS.»

Si la motivation vise en priorité les forces de vente internes et a fortiori indirectes, son périmètre atteint depuis peu d'autres types de personnel assis tantes commerciales, techniciens, agents de back-office, comptables, administratifs, responsables qualité et sécurité... voire le top management. «Dans le cas d'une entreprise qui vient de traverser une période de rachat ou de fusion, la politique de motivation va plutôt cibler la direction ou les n-1, qui auront porté les efforts et le drapeau durant un certain temps», commente Pierre-Olivier Caries, président de Stonfield.

Et pourquoi ne pas utiliser les recettes de la stimulation commerciale dans le cadre de programmes «qualité»? Ce pas, Arcelor Mittal l'a franchi dans son centre de Fos-Méditerranée (Bouches-du-Rhône). Le sidérurgiste a mis en place un dispositif de motivation lié à la sécurité et à la productivité et accessible aux 2 000 salariés du site. Le principe: inciter chaque collaborateur sur les postes de production, mais aussi dans les fonctions administratives, à proposer des idées susceptibles, d'une part de réduire les risques d'accident, d'autre part d'optimiser la productivité du travail. Toute suggestion est soumise à un cercle de qualité, qui décide de l'application ou non du projet et alimente le compte points du salarié ou de l'équipe à l'origine de l'idée. Géré par Accentiv'-Kadeos, le programme est relayé sur l'intranet du groupe, où chacun peut consulter son solde de points et procéder à des échanges de cadeaux, commander des chèques- cadeaux ou utiliser sa carte-cadeau. Si le prestataire se refuse à annoncer un volume chiffré de la valeur du dispositif, il évoque la somme d'environ 250 euros par personne. Mais s'agit-il réellement d'une opération de motivation? Car le modèle, s'il repose sur le principe de la récompense, induit également des pénalités. Au moindre accident, le compte du salarié ou de l'équipe en cause se voit débité d'un certain nombre de points. «On passe ici d'une logique d'augmentation de chiffre d'affaires à une logique de diminution des coûts. Il s'agit sans aucun doute d'une tendance lourde du marché dans les années à venir», explique Véronique Windal, directrice commerciale d'Accentiv'- Kadeos.

JEAN-LOUIS MULLER (CEGOS):

«LA DEMANDE TRADUIT AUJOURD'HUI UN CERTAIN DESINVESTISSEMENT DU CORPS AU PROFIT DE ININTELLIGENCE.»

Autre expression d'une ouverture du spectre de la récompense: le développement de l'actionnariat salarié, mis en place par des entreprises comme Air France, France Télécom, Valéo, Darty... L'intéressement salarié repose sur des procédures collectives et facultatives proposées aux salariés. Libre aux intéressés d'opter pour un fonds commun de placement sur lequel ils bloqueront pour une période de cinq ans la somme qui de ce fait est non imposable, ou bien d'opter pour une jouissance immédiate, et dans ce cas-là, la somme est imposable. Mais, là encore, peut-on réellement parler de motivation? Ne s'agit-il pas plutôt d'une forme de reconnaissance?

Et pourquoi pas à cheval?

Créée en 1998 par Gérard Dorsi et Guillaume Antoine, deux professionnels du monde du cheval, la société 3 GB, Horses and Coaching propose des séminaires regroupant de six à douze participants durant deux jours. Ce, autour de quatre types de prestations: communication non verbale (équipes opérationnelles, encadrement intermédiaire), cohésion d'équipes (équipes opérationnelles, encadrement intermédiaire), développement personnel (chargés de clientèle et commerciaux) et exercice de l'autorité et de la responsabilité (direction d'équipes, managers) . Pas besoin de connaître les chevaux, ni de savoir monter. Parmi les entreprises clientes: Lafarge Couverture, groupe Lucien Barrière, Scarmor (Leclerc), Caisse nationale de prévoyance, CCI de Bordeaux, groupe HEC. . . «La méthode est basée sur trois approches: établir une relation de proximité, exercer une autorité (sans pouvoir de domination), soumettre un projet (aussi vrai dans la monte qu'en entreprise), en alternant exercices pratiques avec le cheval et mises en application au cours de séances d'entraînement», développe Gérard Dorsi. Coût moyen: 4 500 euros.

Evaluer les bénéfices d'une opération de motivation

Car la motivation, telle que pratiquée par les entreprises, s'est jusqu'à présent caractérisée par un investissement ponctuel et non sécurisé. «Un séminaire de motivation pure n'est pas éligible au titre de la formation continue. Il faut donc projeter les opérations dans une problématique opérationnelle», note Jean-Louis Muller. En termes de budget, il faudra prévoir entre 1500 et 3 000 euros en moyenne par personne. Les plus grosses opérations peuvent représenter plusieurs millions d'euros. Pour envisager des programmes sur trois à six mois, il faut alors bloquer un budget de l'ordre de 100 000 euros. Le montant des dotations varie également en fonction des objectifs, du nombre de participants et de bénéficiaires, ainsi que du ratio animation/dotation.

Reste que la mesure des effets d'une opération de motivation a un coût (de 5000 à 12 000 euros). Si les entreprises hésitent souvent à lancer un audit en interne pour mesurer le niveau actuel de motivation de leurs équipes et identifier les éléments susceptibles de les redynamiser, il semblerait qu'elles soient moins réticentes à recourir à ce même audit après que des opérations et des campagnes ont eu lieu. Car les effets d'une opération de motivation s'avèrent de plus en plus faciles à évaluera condition que l'on n'omette pas en amont de segmenter et de définir des indices référents de performance: progression du chiffre d'affaires ou de la marge sur un type de clientèle particulier...

Dans un contexte de réseau commercial, par exemple, la fragmentation des stratégies d'animation, parce qu'elle multiplie les sources d'impact, complique mécaniquement leur mesure. Pour les marques et les enseignes, pas d'autre solution alors que la juxtaposition des garanties en attribuant à chaque type de levier son dispositif de mesure ou son garde-fou: codes coupons spécifiques pour la création de trafic, référentiels annuels ou saisonniers pour les actions de mass média, cellules de back-office pour les mécaniques mettant enjeu du téléphone, post-tests et contrôle de l'efficacité logistique et de la mise en place des médias et supports. En l'occurrence, il est de plus en plus nécessaire de réserver une enveloppe de quelques dizaines de milliers d'euros au dispositif de tests.

Pour autant, les effets de la motivation peuvent s'avérer plus difficilement mesurables dès lors que cette dernière prend des formes plus diffuses, s'inscrivant dans une politique globale d'accompagnement, de gestion des carrières et de formation. Autrement dit: la condition de la motivation ne se trouverait-elle pas, avant toute chose, dans la considération que les entreprises peuvent manifestera l'égard de leurs collaborateurs? Il est d'ailleurs intéressant d'observer l'inflation déformations davantage dédiées au bien-être et au développement personnel des salariés qu'à l'optimisation de la productivité ou à l'augmentation du chiffre d'affaires. Parmi les divers types de programmes proposés aujourd'hui par les organismes de formation, émergent les stages conçus autour de l'expression orale ou écrite et de la qualité du langage. Bertrand Fredenucci dirige l'agence de marketing relationnel Baobaz. Ce polytechnicien s'est soumis avec l'ensemble de ses salariés à un dispositif composite de formation «à une sémantique commune»: participation récurrente à un blog TV, stages d'amélioration aux présentations à fort impact, enregistre ment filmé et mis en ligne sur l'intranet de toutes les formations... Objectif: «Faciliter l'appropriation par chacun de sa personnalité et de ses repères spécifiques d'expression». Comment? En permettant l'identification, la reconnaissance et la prise de confiance. «Dès lors qu'on est sensibilisé au langage, on prend immédiatement confiance en soi. Ce qui s'avère très utile lorsqu'il s'agit d'affronter des situations que nous rencontrons tous les jours: agressivité, grossièreté des interlocuteurs, tentatives de déstabilisation...», estime Bertrand Fredenucci.

Chez Cisco, Anne Lange, comme tous les membres de son département, a récemment suivi une palette de formations sur la maîtrise du langage oral. La finalité étant d'aider les salariés «porte-parole» de l'entreprise à s'exprimer en public, tant dans une posture corporate, qu'en démarche commerciale. Les modules choisis par Cisco sont basés sur des approches théoriques et ludiques ainsi que des mises en situation. Toutes les facettes de la prise de parole y sont décryptées: gestuelle, occupation de l'espace, contenu, intonation, structure delà phrase, techniques de respiration. Parailleurs, des sessions sont dispensées, en anglais exclusivement, par des comédiens californiens. «Ca n'est pas facile, mais cela m'a totalement «décoincée». Je n'ai plus peur de prendre la parole dans une langue qui n'est pas la mienne. En fait, on se rend compte que ce qui est important, ce n'est pas tant les mots que l'effet produit», reconnaît Anne Lange.

ANNE LANGE (CISCO):

«JE N'AI PLUS PEUR DE PRENDRE LA PAROLE DANS UNE LANGUE QUI N'EST PAS LA MIENNE, EN FAIT, ON SE REND COMPTE QUE CE QUI EST IMPORTANT, CE N'EST PAS TANT LES MOTS QUE L'EFFET PRODUIT.»

Pratiques internes

Toutefois, la motivation se gère également en interne, afin de s'assurer un contrôle total du retour sur investissement. Midas, le leader mondial de la réparation rapide automobile en franchise (2700 centres dans 20 pays), en est le parfait exemple avec son école interne destinée à ses franchisés. «Tout le monde n'a pas la fibre managériale. Le rôle de notre institut est de proposer une formation en totale adéquation avec la réalité terrain», explique Stéphane Diebold, directeur de la structure. L'objectif de ladite école étant de faciliter un processus d'intégration, qui dure en moyenne huit mois. Trois types d'approche y sont abordés: management stratégique (concept Midas, relation client, recrutement), management organisationnel (travail avec les collaborateurs), management comportemental (avoir la bonne attitude au bon moment, apprendre à fonctionner de façon auto nome). Depuis dix ans, une cinquantaine de collaborateurs sont formés chaque année durant deux semaines de stage: vente et objectifs en première semaine, mise en oeuvre et gestion du stress en seconde semaine.

Ce mode de pratiques internes représenterait les trois quarts du total des opérations d'incentive générées en France. En outre, l'émergence de prestataires- à forte dominante conseil -de plus en plus spécialistes sur ce secteur porteur est dynamisé par une demande accrue de la part des entreprises. C'est pour répondre à cette attente que Pierre-Olivier Caries a créé, en 2003, Stonfield, société de conseil en performance d'équipe. Cet ancien chef d'entreprise à la tête d'une soixantaine de commerciaux s'est toujours heurté à une certaine indigence de l'offre en matière de motivation. «Déplacer une cinquantaine de vendeurs sur un même lieu, c'est déjà très cher. Alors on est en droit d'exiger un minimum de valeur ajoutée dans le montage des prestations», insiste-t-il. Son credo, c'est la conjugaison du conseil avec la communication événementielle. Stonfield, qui emploie aujourd'hui une vingtaine de personnes (production événementielle et pool de consultants), compte tout de même parmi ses clients un certain nombre de grands comptes: Alsthom, Renault, Cetelem, Panasonic, IBM.

Au-delà des options retenues, la complexité de tous les dispositifs ne réussit pas à masquer la trop grande technicité et l'effet «cosmétique» de certaines opérations de motivation. Dans ce cas, mieux vaut donc se donner les moyens d'écouter ses collaborateurs avant de les soumettre à un flot d'injonctions décousues sans rapport avec leur quotidien. Bref, une affaire de considération.

Retrouvez les précédents articles parus sur ce sujet:
Retour à la proximité (MM 106, septembre 2006)
Adapter les mécanismes aux cibles (MM 97, septembre 2005)
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MURIEL JAOUEN

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