La motivation, enjeu de cohésion
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Motiver. Les managers n'ont que ce mot à la bouche. Motiver. Certes. Mais
motiver qui, motiver pour aller vers quoi, motiver par quel discours, quels
comportements ? « Motivation et interactivité sont les deux tartes à la crème
des patrons. Mais aujourd'hui, le premier objectif de la motivation, c'est de
ne pas démotiver », affirme Jean-Marc Danna, directeur général stratégie et
création de l'agence d'événements Carré Bleu Marine. La tension de
l'environnement économique, la violence des pratiques sociales au sein des
entreprises, le diktat de la bulle financière ne font qu'alimenter un sentiment
de défiance des salariés, largement amorcé par les errances de l'idéologie
managériale des années 80. Alors, chantent les patrons, il faut “remotiver”.
Comme certains se donnent 100 jours pour redonner confiance à une nation
moralement délitée, les managers et quelques-uns de leurs consultants
s'empressent de semer des mécanismes sensés regonfler l'enthousiasme de leurs
troupes. Mais souvent sans prendre le temps de comprendre les attentes, de
circonscrire les poches de dysfonctionnement, d'associer les cibles internes à
la construction des objectifs. Ni sans toujours savoir vers où aller. « Les
politiques de motivation ne doivent pas être tirées par l'urgence commerciale.
Les entreprises doivent comprendre l'intérêt de mettre en place des dispositifs
“à marée haute”, quand l'entreprise se trouve portée par une conjonction de
facteurs positifs », explique Olivier Bailloux, directeur du planning
stratégique de Publicis Dialog.
A l'écoute des attentes
De même, pourquoi ne pas se donner les moyens d'écouter ses collaborateurs avant de les soumettre à un flot d'injonctions sans rapport avec leur quotidien ? Les entreprises hésitent encore à initier des audits internes pour mesurer le niveau de motivation de leurs équipes et identifier les éléments susceptibles de les redynamiser. Nathalie Perigois, consultante au sein d'Opteaman, cabinet conseil spécialisé en ressources humaines, déplore l'inaptitude des staffs à reconnaître au prosaïque sa dimension structurante. « Il faut savoir entendre les choses même lorsqu'elles sont à mille lieues des concepts idéalisés. Lorsque les salariés insistent sur la paie, les horaires, les tickets-restaurant, le transport, la sécurité, ils expriment des arguments tout à fait respectables. Les directions ne sont pas toujours prêtes à l'admettre. »
La rémunération, première revendication des salariés ?
La sécurité statutaire et salariale reste un élément déterminant de la motivation. S'il est de bon ton chez les employeurs de clamer que l'on ne motive pas par la paie, les enquêtes régulièrement menées rappellent que la revendication première des employés relève, à l'unisson, de la rémunération. Aussi la motivation ne doit jamais s'inscrire dans une démarche de substitution, encore moins d'opposition à l'assiette salariale. Attention donc au double discours, beaucoup plus répandu que le bon sens le laisserait augurer. « Certaines entreprises réputées pour la dureté de leurs pratiques sociales sont connues pour mettre en place de forts dispositifs de stimulation. Une politique de motivation ne remplace pas une politique sociale », lance Olivier Bailloux.
L'innovation participative, levier de motivation
Le Français Hutchinson, leader mondial de la transformation des élastomères pour l'automobile et l'industrie (25 000 salariés), est adepte depuis quinze ans de l'innovation participative, dont la finalité consiste à promouvoir le développement et la formalisation d'idées susceptibles d'apporter des améliorations dans les processus, le fonctionnement, l'organisation et le management de l'entreprise. Pour ce faire, l'industriel a institué, dans ses 19 pays d'implantation, une grille d'incentive. Chaque innovation vaudra ainsi une gratification de 300 euros (trois cartons de six bouteilles de champagne en France). Si l'idée est dupliquée, une prime de 3 000 euros sera partagée entre les auteurs et ceux qui la reproduisent. Un “prix du président” octroie chaque année à ses lauréats une récompense de 16 000 euros ainsi que deux bonus de 8 000 euros. « Hutchinson s'est notamment construit sur le rachat de nombreuses PME, en France, en Europe, en Amérique latine, aux Etats-Unis. L'innovation participative constitue un excellent levier de cohésion à l'échelle du groupe. Au total, 70 dossiers sont déposés chaque année », précise Michèle Valadaud, responsable marketing et innovation.
Pour les DAF et les DRH, l'argent ne fait pas la motivation
La rémunération ne serait pas le premier facteur de motivation des salariés. C'est la conclusion d'une enquête réalisée par Accountemps Intérim, filiale de Robert Half International Inc spécialisée dans le recrutement temporaire en comptabilité, finance et banque. Conclusion à manier avec la plus grande circonspection, puisque le cabinet a travaillé sur un échantillon de directeurs financiers et de DRH (*) auxquels on a demandé de s'exprimer au nom des salariés. Selon 39 % des managers français interrogés, les cadres souhaitent voir leur salaire augmenter (le ratio atteint 58 % lorsqu'il est question de cerner les attentes des employés). Pourtant, la rémunération ne serait pas perçue comme le principal facteur pouvant inciter les salariés à quitter leur emploi. Selon 52 % des directeurs financiers et DRH en France, il s'agit plutôt du manque d'opportunités de carrière en interne. Mêmes ratios aux Pays-Bas (45 %), en Irlande (40 %) et en Belgique (36 %). La rémunération n'est citée qu'en deuxième lieu (17 %), devant le manque d'adhésion à la culture d'entreprise (16 %). Quant à savoir quels avantages les salariés aimeraient avoir s'ils avaient le choix, les avis divergent d'un pays à l'autre. Ainsi, en Belgique, 57 % des managers citent au premier chef la voiture de fonction, alors qu'elle ne séduirait que 16 % des Français et 10 % des Britanniques. (*) 1 400 directeurs financiers et DRH (Australie, Belgique, France, Allemagne, Irlande, Nouvelle-Zélande, Pays-Bas et Royaume-Uni).
Quatre leviers de motivation
Nathalie Perigois, consultante au sein d'Opteaman, cabinet conseil spécialisé en ressources humaines, identifie quatre leviers de motivation au sein des entreprises : • Réduction de la monotonie du travail. « Il faut faire appel à des compétences plus nombreuses et plus sophistiquées, afin de créer une identité solide entre le salarié et sa mission. » • Renforcement de l'autonomie. « La responsabilisation constitue l'une des conditions les plus sûres de l'implication et de la fidélisation. » • Communication sur ce que l'on attend de chacun, en termes de mission, d'objectifs et de performance. « Les salariés, plus que jamais, ont besoin de se situer au sein de l'entreprise et par rapport à leurs collègues. » • Mise en place d'un management capable d'un réel leadership. « Pour mettre les autres en mouvement, les aptitudes managériales ne suffisent plus. Il faut exercer de l'ascendant sur ses équipes. »