La fonction marketing prend du galon 3/4
Coller au plus près des attentes du consommateur final, lecteur, auditeur, téléspectateur, nécessite de plus en plus pour les médias de savoir faire évoluer leurs marques. Bien rodé au niveau publicitaire, le marketing éditorial fonctionne, en revanche, de manière très hétérogène selon la culture d'entreprise des différents groupes présents sur la scène médiatique. L'heure est au développement d'outils de veille en tout genre, avec le risque de, peut-être, laisser en route la nécessaire créativité qui fait des médias un produit pas tout à fait comme les autres.
UN MARKETING ÉDITORIAL EN DÉVELOPPEMENT
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On est loin de la
batterie d'études en tout genre menées par les grands du Paf, mais aussi par
les groupes de presse qui s'appuient pour beaucoup sur les outils développés
par leurs régies publicitaires. Prisma Presse, dont la réputation de groupe
"marketé" n'est plus à faire, en est l'exemple le plus ancien. Comme le
rappelle François Dalbard-Martin, directeur des études, cela remonte au
lancement de Prima, premier du genre à avoir été lancé en test dans quelques
régions « comme une lessive ». Et d'ajouter : « Il n'y a pas de service
marketing chez Prisma Presse. Il y a un service études qui travaille à la fois
pour la rédaction et la publicité. Nous considérons que c'est un plus : le
service pub pouvant disposer de données comme les mesures d'audience ou autres
qui peuvent servir aux rédactions, et vice versa. Le service marketing, c'est
l'éditeur lui-même, qui sait où il veut aller. Les études sont là pour lui
éviter de s'engager dans une mauvaise direction. » Géo Ado, par exemple, un
des derniers bébés du groupe allemand, en est un bon exemple. L'initiative en
revient à la responsable de la rédaction, Isabelle Bouillot, qui avait déjà
mené un certain nombre d'études de son côté avant d'apporter le projet au
service études. Pour Prisma Presse, dont la ligne maîtresse est d'être leader
sur ses marchés, les études sont là pour suivre l'évolution des titres auprès
de leur lectorat. « En principe, quand tout va bien, chaque titre doit faire
l'objet de deux groupes quali une fois par an, un groupe de lecteurs réguliers
en province et un groupe de lecteurs irréguliers à Paris car les Parisiens
sont, par nature, plus critiques, explique François Dalbard-Martin. Il s'agit
de quali car le quanti, j'en ai fait 15 ans, je sais ce que l'on obtient et je
sais la difficulté que l'on a après à l'interpréter. » Initiateur du vu-lu,
largement repris aujourd'hui, le groupe teste régulièrement les mensuels
Capital, Management, Géo, Ça m'intéresse, National Géographic, par courrier
auprès des abonnés, complété par une étude annuelle sur les acheteurs au
numéro. Pour les autres titres, cela pourra être un face à face de lecteurs
recrutés en kiosque. « Je suis le directeur d'études le plus heureux de France,
dit, en clin d'oeil, François Dalbard-Martin. Non pas que l'on fasse beaucoup
d'études, non pas qu'elles soient très sophistiquées - elles le sont souvent
moins que chez les autres -, mais, à la différence des autres, chez nous, on
s'en sert. » Côté publicité, hors les études classiques, le groupe semble moins
adepte que ses concurrents des grandes études de secteurs ou de marchés
destinées à soutenir les titres. « Jusqu'à présent, notre puissance en
diffusion suffisait à expliquer nos magazines. Compte tenu de l'état de santé
des féminins, nous allons en refaire sur ce secteur et nous travaillons aussi
sur les cadres », explique François Dalbard-Martin. Chez Interdeco Expert, qui
gère à ce jour quelque 80 titres de Hachette, mais aussi d'autres groupes de
presse, les choses évoluent doucement en matière de marketing éditorial. « Un
des projets du groupe est d'être une force de proposition éditoriale, d'où la
volonté de se doter d'outils de veille », annonce Bruno Schmutz, directeur
d'Interdeco Expert. Depuis juillet dernier, le groupe a signé un accord avec
Universal McCann, qui a commencé à développer un certain nombre d'études sur la
perception des médias par les Français. Un premier groupe quali s'est tenu en
septembre dernier. L'objectif est de réunir une soixantaine de groupes au
total, au rythme d'un par semaine. « C'est une sorte de bain socioculturel, qui
va au-delà de nos études ad hoc chargées de répondre à des questions très
précises sur les titres », note Bruno Schmutz. Interdeco Expert disposera des
premiers rapports à la fin de l'année. Côté organisation, les deux fonctions de
marketing éditorial et publicitaire sont regroupées à l'intérieur d'Interdeco
Expert depuis l'arrivée d'Olivier Chapuis à la présidence du groupe. « On
aurait pu l'appeler Hachette Expert, mais comme les études éditoriales ne sont
pas communiquées à l'extérieur, à la différence des études publicitaires, il y
avait un sens à ce que ce soit Interdeco, structure dédiée à la publicité, qui
soit la marque communiquant notre expertise médias », poursuit Bruno Schmutz.
Ce sont des équipes différentes qui ont en charge les deux fonctions et le
rapport est de 20 personnes dédiées à la publicité contre 5 au marketing
éditorial. Ces dernières n'ont pas en charge l'éditorial des titres extérieurs
à Hachette. « Le marketing éditorial est une fonction qui existe encore peu,
qui n'est pas formalisée comme telle dans le groupe Hachette, explique Bruno
Schmutz. La fonction de veille marketing, c'est-à-dire d'alerte permanente sur
les marchés français et étrangers qui permet de générer des projets, est plutôt
prise en charge par les éditeurs eux-mêmes. Nous avons ensuite une fonction de
validation et de cadrage. » Les lancements d'Isa ou de Bon Voyage en sont une
bonne illustration. Ils sont entièrement nés de concepts imaginés par leurs
éditeurs, Isabelle Catlan, déjà à l'origine de Jeune et Jolie il y a 14 ans,
pour le premier et Patrick Mahé, pour le second. Ces deux titres, comme tout
l'ensemble du portefeuille de magazines de Hachette, peuvent également
bénéficier des études ad hoc qu'Interdeco a continuellement sur le feu. Une
étude sur les trentenaires, menée récemment pour Biba, pourra profiter à Isa,
par exemple.