La fonction marketing prend du galon 1/4
Coller au plus près des attentes du consommateur final, lecteur, auditeur, téléspectateur, nécessite de plus en plus pour les médias de savoir faire évoluer leurs marques. Bien rodé au niveau publicitaire, le marketing éditorial fonctionne, en revanche, de manière très hétérogène selon la culture d'entreprise des différents groupes présents sur la scène médiatique. L'heure est au développement d'outils de veille en tout genre, avec le risque de, peut-être, laisser en route la nécessaire créativité qui fait des médias un produit pas tout à fait comme les autres.
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"Le triomphe du marketing", titrait le Figaro Entreprises. "Le marketing,
pilier de la réussite", surenchérissait Libération. Le 18 novembre dernier, ces
titres ne saluaient pas, comme on pourrait l'imaginer, l'énième success story
d'un poids lourd de l'agroalimentaire ou des cosmétiques, mais le succès de la
radio ado. A l'issue de la dernière vague Médiamétrie qui, pour la première
fois, prenait en compte les auditeurs de 13 ans, et après vingt ans de
suprématie sur les ondes nationales, RTL cédait la place à NRJ en audience
cumulée. L'accession de la station musicale à la plus haute marche du podium a
fait les vagues que l'on sait. Mais elle a surtout été l'occasion de mettre en
avant, auprès du grand public, l'importance de la place du marketing dans les
médias. Une évidence quand on le regarde à la loupe publicitaire, mais qui
l'est moins sous l'angle éditorial. Pour expliquer le succès de NRJ, on a
largement mis en avant le marketing d'antenne développé pour réaliser des
programmes musicaux sur mesure, constamment testés par un panel d'auditeurs.
Des auditeurs également fidélisés par une politique de proximité sous forme
d'informations locales. Et des auditeurs auxquels la station a donné la parole
en direct sur ses ondes via l'émission phare de Maurad, "Accord parental
indispensable" ; une première pour la radio, qui rejoint ainsi ses confrères
dans la tendance actuelle qui consiste à faire de l'auditeur un acteur de
l'éditorial. Quoi de mieux pour fidéliser ce consommateur-zappeur que de le
mettre en scène en lui laissant la parole ? Les généralistes, comme une partie
des musicales, ont ainsi dans un bel ensemble reformaté leurs grilles pour
redécouvrir le concept de libre expression. Un concept qui n'a rien de vraiment
nouveau pour les plus anciens, bercés aux émissions des Anne-Marie Peysson et
autres Ménie Grégoire sur les ondes de RTL et également décliné, à sa manière,
il y a plus de vingt ans par France Inter via "Le téléphone sonne". Objectif :
permettre à l'auditeur de s'approprier le produit radio. « C'est une des
illustrations de l'importance prise par le marketing dans ce média et qui, au
lieu d'être utilisé comme il doit être, à savoir un outil de soutien à la
réflexion, est devenu une sorte de passage obligé et de protection des
directeurs de réseaux pour leur éviter toute prise de risque,
s'insurge
Jean-Philippe Olivieri, directeur général des Indépendants. La plupart des
réseaux ne font plus de la radio, mais des produits, et se développent en
copiant les uns sur les autres. On ne vise plus le long terme, mais le prochain
sondage. Or, comme le disait Philippe Labro, « la radio, c'est un paquebot, pas
un pédalo ! ». » A part dans le paysage radiophonique, avec ses 85 stations et
380 fréquences locales, le réseau Les Indépendants comptabilise 5 745 000
auditeurs de 13 ans et + et s'est imposé comme la deuxième offre musicale à
l'issue de la dernière vague Médiamétrie de novembre. Un score qui doit
notamment à une stratégie de géomarketing développée de manière pointue depuis
deux ans. « On utilise toutes sortes d'informations, l'Insee, les sondages
Médiamétrie faits ville par ville et toutes les sources qui permettent de
suivre l'évolution du paysage local, pour que nos stations collent vraiment à
leur public, explique Jean-Philippe Olivieri. Cela va jusqu'au plan technique,
jusqu'à la manière d'orienter les émetteurs en fonction de la population qu'ils
visent, vers le centre des villes ou la périphérie, par exemple. » Cette
démarche de géomarketing se répercute totalement sur le contenu des programmes.
Les Indépendants ont ainsi fait appel depuis début novembre à Laurent Romeschko
pour animer la météo, mais traitée par le M. Météo de France 2 de manière
totalement locale. Adversaires de la sursegmentation, Les Indépendants ont
globalement regroupé leurs 85 stations autour de deux formats plutôt larges :
les jeunes adultes et les adultes. « La tendance du marché est de segmenter au
maximum par tranches d'âge pour éviter la cannibalisation, alors que l'on peut
aimer à la fois Britney Spears et les Beatles, estime Jean-Philippe Olivieri.
D'autant plus qu'avec ce système, finalement, les radios en arrivent quand même
à se marcher dessus. Chez nous, selon l'univers de concurrence, s'il y a, par
exemple, quatre radios jeunes diffusées dans une ville, on s'orientera vers une
radio adulte. »