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De l'observation sociale à l'outil de management

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En France, le marché des études internes est difficile à estimer mais, de l'avis des experts, il est en expansion significative au fur et à mesure que ce type d'outil entre dans les mœurs managériales des entreprises. Et ces études commencent à intéresser les PME.

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«On sent un développement significatif de la demande en études internes depuis deux à trois ans, remarque Muriel Humbertjean, Dga, pôle stratégies d'opinion de TNS Sofres. D'abord, parce qu'elles ont gagné en crédibilité, mais aussi parce qu'il y a de réels besoins. Les entreprises sont ­conscientes qu'il existe un vrai malaise et ont besoin de savoir ce que cela implique en termes de climat social et d'engagement des salariés. » Stéphane Rozès, Dga du groupe CSA, insiste sur la complexité de l'entreprise : « C'est à la fois une communauté et un lieu de contradictions qu'il faut repérer et comprendre. »

Aussi, la pratique des enquêtes internes a-t-elle évolué ces dernières années. « Elle s'est progressivement émancipée de sa vision initiale,l'observation sociale, pour se tourner vers plus d'opérationnel, constate Antoine Solom, directeur du département management et ressources humaines d'Ipsos Loyalty. On en attend aujourd'hui des résultats concrets, des plans d'actions. Bref, une utilité qui justifie la démarche et sa pérennité. » Et Alain Renaudin, directeur marketing groupe de l'Ifop, d'ajouter : « Ces études se développent car elles entrent dans la panoplie d'outils de management des managers, ceux-ci sont désormais formatés, et les entreprises ont pris conscience que le capital humain joue sur les performances économiques de l'entreprise. » Comme elles touchent à des sujets sensibles, ces études demandent beaucoup d'expertise de la part des instituts et de précaution de la part des dirigeants.

« Engager une étude interne est déjà un message envoyé aux collaborateurs de l'entreprise. C'est à la fois un acte de management et un outil de communication, souligne Nathalie Léauté, directeur adjoint du département quantitatif services/industrie de Research International France. Nous touchons ici à des sujets sensibles où les risques peuvent avoir de lourdes conséquences : communication interne en amont mal maîtrisée créant un climat de suspicion, absence d'écoute attentive des salariés conduisant au développement d'une stratégie non adaptée vouée à l'échec. »

Pour Nicolas Monier, Dga de TBWA Corporate, « la restitution est quasi obligatoire. Derrière, il y a une obligation d'actions et toujours une promesse. » L'agence va, d'ailleurs, relancer avec OpinionWay une étude sur la perception de la communication interne par les salariés cadres et non cadres.

Modélisation et benchmarks

L'apparition de la modélisation en matière de management a favorisé l'évolution des études internes. « Les schémas de “business excellence”, de “management par la qualité”… qui sont apparus ces dernières années incluent, pour la plupart, l'évolution du “capital humain”, dont notamment la mesure de la “satisfaction” du personnel comme un élément déterminant de la performance globale de l'entreprise, constate Antoine Solom. La généralisation des enquêtes de satisfaction client, qui aboutit au concept de CRM, a permis d'établir un lien entre un client satisfait et un salarié satisfait, le tout au bénéfice de l'actionnaire. La satisfaction du personnel n'est plus un objectif philanthropique, mais un levier de performance durable. »

La demande est de plus en plus forte pour des indicateurs synthétiques, mais aussi pour des indicateurs qui permettent d'obtenir des informations plus fines, par business unit, ou site, ou département… En même temps, les petites entreprises commencent à recourir aux études internes. Ainsi, en 2004, CSA a lancé “Etudes PME”. Les établissements publics, de leur côté, sont confrontés à des évolutions majeures, l'intégration de la LOLF (Loi organique relative aux lois de finance), nécessitant le renforcement du pilotage des objectifs, le développement de la délégation budgétaire, la construction d'indicateurs de performance ou encore la mise en place d'entretiens individuels.

Pour les aider à intégrer les changements, BVA et IDRH ont développé Evoluscope, une offre associant une étude de climat interne et un diagnostic flash de l'organisation et du management. Toujours dans un souci d'opérationnalité, le recours aux benchmarks et autres références externes se généralise. TNS Sofres y fait appel depuis longtemps. Cofremca Sociovision dispose de son référentiel. Ifop a mis en place, en 2003, une norme annuelle du climat interne dans les entreprises françaises. Depuis sept ans, BVA propose l'Observatoire du travail. Ipsos dispose de RED (Representative Employee Data) qui couvre douze pays européens, les Etats-Unis, le Canada, l'Amérique latine et l'Australie.

Avec Accor Services, Ipsos a initié le premier baromètre de l'implication et du bien-être au travail en France. En 2005, ce baromètre est devenu européen, interrogeant des salariés en Allemagne, Grande-Bretagne, Italie, Espagne, Belgique, Suède et Hongrie. Towers Perrin, cabinet de management en ressources humaines, dispose d'une étude internationale sur l'engagement des salariés, menée sur quatre continents auprès de 86 000 salariés.

Internet se généralise

Grâce à Internet, l'enquête exhaustive avec questionnaire auto-administré tend à supplanter l'enquête par échantillon, à la fois dans une optique de mobilisation du personnel et d'une analyse plus poussée des résultats. Chez TNS Sofres, plus de la moitié des études internes se font déjà via le Web. « Internet a apporté l'exhaustivité là où l'on travaillait par échantillon et ça change tout », s'enthousiasme Muriel Humbertjean. « Internet facilite les enquêtes internes et génère de nouveaux besoins études », constate Thierry Backer, directeur du pôle consumer de Novatris. Natexis Banque Populaire vient de s'équiper d'une plate-forme on line pour disposer d'un outil autonome de consultation de ses salariés.

Ifop aime bien mixer on line et papier. « Le mode de recueil ne doit pas être une source d'exclusion d'une catégorie du personnel », explique Alain Renaudin.

Parallèlement, l'enquête téléphonique n'est pas absente des dispositifs. Son avantage : « elle est plus confidentielle, on maîtrise l'échantillon final et on peut interroger les salariés à échéances rapprochées. Ce mode de recueil est parfaitement adapté au processus de conduite du changement », insiste Antoine Solom. Une approche encore enrichie par le recours à une étude qualitative au cours de laquelle on propose aux salariés de réagir à une restitution partielle des résultats.

Optimiser une convention de cadres. Enquêtes Sofinco et Les Autoroutes du Sud de la France utilisent les études internes pour préparer et améliorer leurs séminaires.

Alors qu'il y a quatre ans, Sofinco traversait de grands bouleversements, une étude interne avait été menée par Cofremca Sociovision afin de comprendre le ressenti des salariés, leur position individuelle, leur relation au management… « L'intérêt des études internes est d'objectiver les choses tout en donnant des indicateurs afin d'entreprendre des actions correctrices. », explique Jacques Chevinesse, responsable de la communication interne chez Sofinco. L'entreprise, qui organise régulièrement une convention de cadres, a également souhaité connaître la perception de cette manifestation. Une première étude a été menée fin 2002, une autre à mi-2003, et une troisième en 2004, réalisées par OpinionWay.

Le questionnaire balayait l'ensemble des items liés à la convention (message, discours, intervenants, lieu, programme…). Une question s'intéressait spécifiquement au degré de plaisir que les cadres avaient eu à vivre ce moment. « Les personnes interrogées disent vraiment ce qu'elles pensent et c'est important pour nous, pour mieux préparer l'événement suivant et ne pas passer à côté de quelque chose, constate Jacques Chevinesse. Comme nous restituons les résultats à la direction générale et aux collaborateurs, ils peuvent constater que nous tenons compte de leur opinion. »

L'enquête a été réalisée auprès de 900 cadres concernés par la convention : 30 à 35 % ont répondu en moyenne. La collecte s'est effectuée par questionnaire papier et Internet. « Il faut convaincre et rassurer les salariés sur le fait que, s'ils répondent de façon électronique, la confidentialité est totale. » En 2006, des projets d'études concernent les médias d'entreprise, et notamment l'Intranet.

Prendre en compte l'opinion des salariés

Les Autoroutes du Sud de la France (ASF) ont aussi fait appel à OpinionWay pour préparer le premier séminaire qui rassemblait l'ensemble des cadres du groupe. « L'objectif de l'étude était de connaître la perception des cadres sur la stratégie de l'entreprise et ses objectifs pour avoir une base qui nous permettrait de bâtir notre séminaire », souligne Xavier Defaux, directeur adjoint de la communication interne chez ASF. Les questions portaient, entre autres, sur la stratégie, l'intérêt pour le travail… La direction générale a pu revenir ainsi sur certains points durant le séminaire. « L'enquête a été très bien perçue par les cadres et a permis de donner un sens au séminaire. » Au total, 600 cadres ont reçu le questionnaire on line et 500 ont répondu. Un réel succès.

Axa fait appel aux études quanti et quali

Chaque année, quelque 90 000 salariés répondent à un questionnaire envoyé par Intranet, soit un taux de participation de 80 %. « Ce baromètre existe dans sa forme actuelle depuis plusieurs années », explique Antoinette Prost, directrice des études RH et du développement durable du groupe Axa. Scope, c'est son nom, comprend tout un corpus de questions administrées à l'ensemble des pays, à des fins de benchmark et d'autres, locales, qui concernent des problématiques spécifiques par pays. La partie “monde” couvre tout le champ de la vie de l'entreprise, depuis sa stratégie, le management, les outils de travail jusqu'à l'engagement des collaborateurs et la reconnaissance.

Parmi les questions locales posées par la France, l'an dernier, figurait celle des attentes prioritaires vis-à-vis de la direction générale et les actions menées en matière de politique RH les plus remarquées.

La France a également mis en place une étude quantitative menée via l'Intranet et réalisée par Ipsos, sur l'encadrement supérieur, afin de l'associer à la direction générale. Les études qualitatives, par groupes ou interviews, sont plus souvent locales et ponctuelles. « Elles ont pour objet d'éclairer des problématiques particulières, liées davantage à l'actualité de l'entreprise », note Antoinette Prost. Pour la France, en 2005, les problématiques ont couvert la gestion du temps (pour savoir comment les cadres géraient leur compte épargne-temps), la gestion des âges. La dernière étude en cours porte sur le projet d'entreprise, “Gagner la préférence”.

 
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Anika Michalowska

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