Banque-Assurance : les quatre lois de l'innovation
Sous la pression de nouveaux entrants et des évolutions du secteur, innover devient pour la banque/assurance une obligation marketing et un art à apprendre.
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Les banquiers et les assureurs ne peuvent plus se reposer sur leurs
lauriers. Les nouveaux entrants internationaux montrent, depuis plusieurs
années déjà, leurs ambitions sur le marché global européen, dont la France est
une région. Récemment, ce sont les banques sans guichets qui ont fait monter
les enchères. Le groupe financier hollandais ING avait déjà surpris dès son
arrivée, en 2000, avec une politique de prix agressive. Et si, en France,
l'assureur anglais Prudential, avec sa banque en ligne Egg, est tombé sur un
os, son entrée tonitruante, en octobre 2002, sur le marché hexagonal a fait
tressaillir nos institutions. Ces chamboulements, côté banque, ne sont pas les
seuls à faire des remous. Le phénomène d'imbrication des métiers de banquier
et d'assureur, commencé dans les années 90, n'a de cesse de s'amplifier. « Le
discours ambiant était alors de dire que les banquiers allaient se “casser la
figure”, relate Christian Parmentier, vice-président de l'Adetem, l'association
nationale du marketing et coanimateur du groupe Banque Finance Assurance.
Aujourd'hui, les banques totalisent, par exemple, 60 % de part de marché sur
l'assurance vie. » Sur la garantie des accidents de la vie (GAV), les banquiers
aussi se sont taillés la part du lion et ont su s'approprier rapidement une
bonne part de marché de ce produit d'assurance lancé en 2000.Mais la réponse
défensive des groupes d'assurance face aux percées des banques ne s'est pas
faite attendre. Les banques d'assureurs se développent. Dès octobre 2000, AGF,
filiale du groupe allemand Allianz, a ouvert la marche avec le lancement de la
Banque AGF. Le groupe mutualiste Groupama a ensuite développé Groupama Banque,
détenue à hauteur de 40 % par la Société Générale. Enfin, fin 2002, Axa a
racheté Banque Directe à BNP Paribas, s'offrant ainsi le ticket d'entrée pour
le marché bancaire. A ces jeux de concurrence croisée, s'ajoute un dernier
facteur : l'inexorable concentration du secteur. La fusion, en juin 2003, du
Crédit Agricole et du Crédit Lyonnaisajoute un nouveau chapitre à cette
tendance.
Relever le challenge
Cette situation de
marché oblige ses acteurs à apprendre une nouvelle gymnastique : l'innovation.
Aujourd'hui, innover devient vital pour garder sa place auprès d'une autre clef
du marché : le client. Les particuliers, surtout sur l'offre bancaire, sont
aujourd'hui mieux informés. Le Net a apporté une nouvelle image de la bourse,
devenue accessible à un grand nombre. De plus, le développement des services en
ligne permet, aujourd'hui, de “piloter” sa banque et ses opérations courantes.
Un autre rapport à la banque s'instaure. Du côté des assureurs, le débat de la
relation client s'engage. Un combat délicat, lorsque l'on sait que « les
clients ne peuvent comprendre les contrats, puisqu'il s'agit d'une matière
juridique d'une effroyable complexité, analyse François Mathieu, responsable
marketing client grand public de la Maaf. C'est vrai que les assureurs ont une
relation vide avec leurs clients, qui se réduit à des échanges contractuels,
pour les factures, et en cas de sinistres. » Qu'il s'agisse de garder un client
mieux informé ou d'accompagner un client peu intéressé, les banques et
assureurs se doivent ainsi de créer une vraie relation client. Innover pour
réveiller, étonner et conquérir son client, tel est le challenge à relever.Un
défi qui prend particulièrement du sens, dans de très grandes entreprises
souvent moins promptes à innover de par leur manque de flexibilité et de
réactivité. « Dans ce type de grands groupes, l'innovation est indissociable
d'un bouleversement, d'une mutation, d'une ouverture, ainsi que d'une
implication du marketing, comme de tout le reste de l'entreprise. Car, toute
innovation a un impact sur tout le processus du traitement du client, et sur la
machine administrative et informatique. Dites à un banquier que ça fait partie
de son métier d'innover, de se remettre en question : c'est une démarche qui
n'est pas encore ancrée dans les mentalités ! », lance Stéphane Dieutre,
associé du cabinet conseil en management de l'innovation eXperts. De plus, si
l'innovation est nécessaire, elle doit aussi se répercuter sur toute la chaîne
d'intervenants. Et, là encore, les banques-assurances ont une spécificité à
gérer : comment fédérer des réseaux géographiquement ispatchés, parfois non
salariés ou organisés en directions régionales indépendantes ? La faculté à
innover dépend alors de la capacité du groupe à mettre de la créativité à tous
les niveaux et de l'implication dans tout le réseau. Un second challenge. « En
réalité, le plus difficile pour le lancement d'une nouvelle offre, c'est bien
souvent de simplifier la démarche pour le réseau », confirme Patrick
Descharmes, Dga de l'agence de marketing opérationnel Uniteam. Malgré ces
freins contextuels au changement, force est de constater que la
banque-assurance n'est pas le dernier des secteurs à innover. Mais l'innovation
ne s'y fait pas forcément, d'autant que les contraintes réglementaires
empêchent toute réelle rupture en termes de produit. « Le service proposé par
la Société Générale, qui consiste à donner la possibilité aux clients de
choisir eux-mêmes le code de leur carte bancaire, est une réelle innovation »,
note Stéphane Dieutre. Il est vrai que l'innovation marketing est plus fine et
se distille à différentes étapes de l'activité banque-assurance. La dernière
bataille du secteur, sera gagnée par ceux qui sauront muer, passer du statut
d'offreur de produits et services à celui d'interprète et d'accompagnateur de
besoins. Les “bancassureurs” ou les “assurbanquiers” n'ont plus le choix.