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A chaque cible son support


Actionnaires, marchés, institutions, les publics de l'entreprise sont divers. Pour communiquer vers chacun d'eux, les entreprises adaptent leurs outils de communication.

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Selon Philippe Morel, consultant et formateur en communication, cette dernière regroupe tous les signes, les messages écrits, oraux ou visuels, émis par une entreprise vers l'ensemble de ses publics, internes et externes. Si l'on s'intéresse maintenant à la notion de communication d'entreprise, elle désigne, selon lui, l'orientation que donne l'entreprise à sa communication pour répondre, d'après une chronologie rigoureuse, à l'ensemble de ses besoins, par tous les moyens mis à sa disposition. Et, parmi ceux-ci, il y a la communication écrite qui a su garder, malgré les supports électroniques (neswsletters, Intranet…), une place privilégiée dans les stratégies. L'entreprise, c'est avant tout un ensemble d'individus. Souvent négligés au profit des clients externes, ou des actions publi-promotionnelles, les salariés ont également le droit d'être informés sur la vie de leur entreprise.

Jusque dans les années 80, le rôle de la communication interne se limitait, la plupart du temps, à la transmission d'informations basiques, et se contentait d'informer le collaborateur sur le fonctionnement pratique de l'entreprise. Dans les années 90, grande période de rapprochements et de fusions où la taille des sociétés n'a cessé de croître, il a fallu trouver un outil pour expliquer aux collaborateurs les décisions des dirigeants et leur stratégie. C'est la période où l'on prend conscience que l'énergie des individus peut être décuplée en les faisant adhérer au projet de l'entreprise. La communication de cette dernière apparaît alors comme l'outil idéal pour optimiser le management et participer à la création d'une culture d'entreprise.

Chez Ajilon, société spécialisée en externalisation de services du groupe Adecco, l'individu constitue son capital travail. « La communication interne est un outil de management essentiel. C'est d'ailleurs la signature de notre société : le savoir-faire n'est rien sans le savoir être ! Aujourd'hui, on reconnaît l'importance de l'individu dans la réussite de l'entreprise. Ceci est d'autant plus vrai dans les sociétés de services : plus les collaborateurs sont épanouis et mieux ils assument leur rôle d'ambassadeur chez les clients. Ecoute, messages clairs, motivation, fidélisation sont les clés de la réussite des entreprises d'aujourd'hui », résume Nathalie Yegavian, directrice du marketing et de la communication. Sa mission : faire connaître l'entreprise à tous les collaborateurs, couvrir son actualité, assurer la promotion des activités…

Pour ce faire, elle utilise plusieurs supports, développés par l'agence Jump qui assure leur cohérence. La direction de la communication envoie trois fois par an au domicile des 1 300 collaborateurs, un journal interne d'informations qui présente l'actualité du groupe. Dans ce huit pages, outre la stratégie d'Ajilon, on retrouve des focus collaborateurs, la présentation des activités, les nouveaux clients, les événements…

Autre outil : le livret d'accueil. Fruit d'un groupe de travail, ce livret se veut le plus complet possible. Composé d'un tronc commun et d'une partie spécifique à chacune des activités, il sert de carnet de bord aux collaborateurs. Ils peuvent ainsi découvrir toutes les informations concernant Ajilon ou encore des éléments à caractère social, administratif… « Il s'agit également d'un outil d'intégration des nouveaux arrivants pour développer très tôt chez eux un esprit d'entreprise », ajoute Nathalie Yegavian.

Troisième support : l'Intranet. Puissant levier pour une communication dynamique, rapide et interactive, il favorise et simplifie l'accès à la communication pour tous les collaborateurs éloignés de leur management. Chez JCDecaux, l'Intranet a également un rôle important dans le dispositif de communication interne. Lancé il y a deux ans, Globe, c'est son nom, donne aux 7 100 collaborateurs du groupe, des informations liées à l'actualité, aux métiers, aux événements…, bref à la vie de l'entreprise. Développé en interne, il est régulièrement animé par les différentes directions et entités du groupe.

« Parallèlement à Globe - l'un des principaux outils de communication interne avec les newsletters qui en émanent -, nous conservons les bases papier pour communiquer auprès des acteurs du marché de la communication externe : c'est-à-dire les agences de publicité, les centrales et les annonceurs. En fonction de certains produits, le papier nous permet en effet d'être plus créatifs », précise la direction marketing Avenir/JCDecaux. De leur côté, les plaquettes tarifaires, brochures commerciales, CGV, qui affichent des codes graphiques assez proches, ou encore les rapports annuels, sont développés par des agences : La Vie est belle, Agence T ou Publicis Consultants…

Etre lu et cru


L'Intranet séduit également Servair, qui a confié à Tagaro !(groupe DDB), le projet d'élaborer l'architecture de son site groupe et de définir son périmètre fonctionnel et ses contenus. Le site, qui devrait voir le jour au premier semestre 2004, devra fédérer l'ensemble des sites intranet existants (centres opérationnels Servair et métiers Servair), faire émerger un sentiment d'appartenance fort, favoriser les échanges entre sites, nourrir le réseau de communication d'informations et d'outils, afin de donner au site groupe la légitimité de la démultiplication. En attendant, l'entreprise a développé depuis longtemps une culture de l'écrit. « C'est un mode de communication que je mets à côté de la communication orale et multimédia, explique Boris Eloy, directeur de la communication de Servair et vice-président de l'Ujjef. Même si l'on consomme beaucoup d'images, l'écrit rassure par son ampleur, par son espace de création plus important et par l'utilisation de codes fédérateurs et institutionnels. »

Pour ses différentes cibles (B to B et interne), Servair a élaboré des outils adaptés aux besoins des lecteurs, qui suivent des principes de séduction. « On travaille sur des supports destinés à être lus et crus, poursuit le dircom. C'est pourquoi il faut travailler en amont sur l'adéquation cible/message/forme. » Envoyé au domicile des 7 700 collaborateurs du groupe, le journal interne Capex se veut un journal de “lecture zapping” : importance de l'image, prises de paroles, retour et partage d'expérience, BD…

Parallèlement, les Editions Tagaro ont édité un livre baptisé Cuisines et Chefs venus d'ailleurs, un ouvrage conçu pour Les Toques du Ciel, association de chefs spécialisés dans la gastronomie aérienne. Disponible sur toutes les lignes long courrier d'Air France, en français et en anglais, et dans les Fnac parisiennes, cet ouvrage brosse le portrait de 46 chefs venus des quatre coins du monde. « Nous voulions montrer qu'il était possible de faire de belles choses avec de l'écrit. Le livre apporte prestige et valorisation : on ne jette pas un livre et on peut développer une relation d'attachement », conclut Boris Eloy.

Adapter les supports à la cible


Si l'écrit est souvent conçu dans une optique de séduction ou d'informations des cibles, il est dans certains cas lié à une obligation. « Les supports écrits sont très prisés : nous sommes obligés de publier nos résultats auprès des financiers, car en étant cotés à la Bourse de Paris et de New York, nous sommes soumis à l'autorité boursière », précise Antoine Crouan, directeur des éditions écrites et audiovisuelles et communication interne au sein de la direction communication groupe de Sanofi-Synthélabo. Le groupe pharmaceutique donne ainsi rendez-vous à ses financiers tous les trimestres dans une lettre d'information, réalisée par Ecocom (groupe Publicis, qui a décroché le budget de communication du groupe au niveau mondial début 2004).

Deuxième cible privilégiée : le monde médical. « L'agence du médicament nous autorise une communication uniquement vers des publics ciblés tels que les médecins, les leaders d'opinion… », ajoute Antoine Crouan. Sanofi-Synthélabo doit donc publier les résultats de ses études menées sur les médicaments ainsi que l'ensemble de ses documents marketing dans des journaux spécialisés.

Troisième axe : le grand public. « Auprès des associations ou du monde de l'environnement, nous mettons en place une communication plus corporate qui prend la forme de mécénat ou d'actions humanitaires », poursuit-il. Enfin, pour l'interne, le groupe publie un bimestriel baptisé Le Dauphin Bleu, tiré à 20 000 ex. en France. « La charte graphique est commune aux différents supports que nous développons. Mais l'émetteur fort reste le Président qui donne le ton et les lignes directrices des différentes publications », conclut Antoine Crouan.

Chez Heineken, l'écrit est au cœur de la communication d'entreprise : le groupe développe deux magazines destinés aux managers, provenant du groupe international (World of Heineken et Horizon), un magazine interne pour toutes les filiales (Bière Le magazine pour Brasseries Heineken ou Hexagone chez France Boissons), un Intranet groupe, un Intranet par filiale, un trimestriel pour les clients réalisé par Textuel (Service bière), un magazine de marketing pour les consommateurs (Culture Bière, 750 000 abonnés), des brochures et des fiches pour les médias… « Même s'il existe une charte graphique groupe, chaque filiale garde son identité visuelle et sa propre spécificité », souligne Corinne Goff, directrice de la communication pour Heineken France. L'excès ne serait-il pas nuisible pour la santé ?

Peggy Cardin

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