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« J'agis comme un révélateur »

Eminence grise de Bernard Arnault, la méthode du consultant Jean-Jacques Picard repose sur des choses simples : être sincère et savoir lire entre les lignes.

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Gourou, conseil, dans quel mot vous reconnaissez-vous ?


Dans aucun. Je déteste ces mots. Je voudrais en trouver un qui veuille dire "donne son avis". Un avis, c'est léger contrairement à conseil qui a l'air de dire "je détiens la vérité". Dans la mode, c'est très difficile d'analyser les raisons du succès d'un créateur. Ce ne sont pas les idées et la réflexion qui manquent, mais ils se sentent seuls face à des décisions. Je vais les provoquer, les pousser dans leurs retranchements, leur livrer mes convictions intimes. J'agis comme un révélateur.

Quel est votre savoir-faire essentiel ?


Celui de mettre des talents en contact les uns avec les autres. Le bon P-dg avec le bon créateur et le bon service de presse. C'est du marketing créatif qui nécessite d'entendre les gens et surtout d'entendre ce qu'ils ne disent pas.

Vous êtes désormais un incontournable de la mode ?


Oui. Parce que je suis le seul. Pas forcément parce que je suis le meilleur. Mais sur certains secteurs, je suis le plus doué. Sur le lien entre créateur et groupe, sur les priorités en termes d'impératifs de création. J'arrive à faire comprendre à un créateur pourquoi il doit être présent dans Le Figaro, non pas parce que c'est un journal de droite, mais parce que les gens qui s'intéressent à la Bourse le lisent et que ce sont une clientèle privilégiée de LVMH.

Votre histoire d'amour avec Bernard Arnault est une affaire qui dure ?


J'ai été longtemps l'associé de Lacroix. Ensuite, Bernard Arnault m'a demandé de venir dans son groupe. J'ai eu un peu peur de LVMH qui me semblait loin de moi, très financier. Finalement j'ai accepté à condition de rester free-lance. Je lui ai dit « je vous donne ma liberté en échange de Lacroix » qui reste l'une des signatures les plus connues en notoriété spontanée. Pendant neuf ans, je me suis frotté difficilement à gestion d'une maison de Haute Couture et à sa cuisine. La mode c'est aussi de la finance. P-dg et créateur sont des races très opposées, je fais un travail de médiateur.

Ne seriez-vous pas tenté de dupliquer votre savoir-faire au design ?


Ça me ferait un peu peur car je n'ai de sensibilité que pour la mode. Et surtout pour le côté très purement humain de ce métier. Les dernières collections, je ne m'en souviens pas précisément. Ce qui m'est un peu égal. Mon intérêt, c'est de sentir le créateur car je sais tout de suite s'il est en forme et de quoi un défilé est annonciateur. Je ressens les gens plus que les vêtements. Je suis direct. J'ai horreur du baratin et de la langue de bois, si je n'aime pas, je le dis. Les créateurs savent bien s'ils ont réussi ou non une collection. La vraie sincérité est rare et j'estime que c'est la seule manière de dire que j'aime les gens.

Sur quoi repose votre succès ?


Sur l'intuition, la conviction, la clairvoyance. Quand je suis habité par une conviction, je crois que j'impressionne et les gens me suivent.

On raconte que vous vous heurtez régulièrement avec Bernard Arnault ?


Nous nous sommes beaucoup accrochés depuis quinze ans, mais je crois que ce qu'il apprécie, c'est le fait que je lui donne toujours un avis sincère et loyal, quitte à batailler. Si je lui livre une déception ou un enthousiasme, il me semble qu'il en tient compte. Il sait que je lui parle avec sincérité. Mais je sais aussi qu'un jour, il ne trouvera plus d'intérêt à mon usage. Il changera alors d'interlocuteur. Mais il refuse qu'on dise que je suis son "conseil".

Comment parle-t-il de vous ?


A cette question, il a répondu que j'avais inventé un métier. C'est plus ce que je suis que ce que je fais qui l'intéresse.

Vous êtes également conseiller de Ganz ?


Non, j'ai seulement une mission très intuitu personae de 3/4 mois sur le magazine Femme. C'est la première fois que je rentre dans les cuisines d'un féminin. Isabelle Lefort, la rédactrice en chef, m'avait demandé d'être le garant de la ligne rédactionnelle, de faire en quelque sorte une pré-lecture. Maintenant qu'elle est partie, je me retrouve avec une mission que je peux difficilement honorer. J'attends donc une nouvelle proposition d'Axel Ganz.

Quel est l'aspect de votre métier de consultant que vous aimez le moins ?


Le plus cruel dans nos métiers de consultants, c'est que souvent, après des heures de discussion, je m'aperçois que la personne la plus responsable de la "maladie" est celle qui m'a sollicité.

Valérie Mitteaux

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