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Le regain d'intérêt

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Après les campagnes visant à toucher un maximum de prospects en un minimum de temps, après l'explosion des coûts de la relation client sur des centres internes de réception d'appels, le métier de la téléprospection évolue aujourd'hui vers une stratégie de troisième génération. Cette fois-ci, l'objectif est de conquérir durablement la clientèle. L'émission et la réception d'appels sont inséparables puisque désormais réalisées par les mêmes centres de contacts.

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A près la “relation client”, les entreprises se tourneraient-elles de nouveau vers la téléprospection ? Qui du coup, ferait son entrée sur des secteurs où la télévente ne comptait pas parmi les canaux habituels. « Non, il n'y a pas plus de secteurs “télévendables” aujourd'hui qu'il y a dix ans, répond Marc Gladysz, P-dg de Phone Marketing. Mais la conquête est de plus en plus difficile, les coûts de vente de plus en plus élevés .» D'où l'intérêt des donneurs d'ordres pour tout ce qui peut leur promettre une réduction des coûts de l'acquisition. « Le paysage de la téléprospection a changé, dans la mesure où les donneurs d'ordres se sont rendus compte que l'émission d'appels pouvait être moins onéreuse que la réception, remarque Denise Bengioar, présidente du Syndicat national du marketing téléphonique, des centres d'appels et des médias électroniques et P-dg d'Addibell. Au sein du SMT, il est d'usage de proclamer que “l'émission est le chemin le plus court vers le client ou le prospects”». Et la réception, est-ce le chemin le plus sûr ? « Non, car ce ne sont pas les mêmes campagnes, répond Denise Bengioar. Avant, les grandes campagnes de réception étaient surtout destinées à délivrer de l'information. Ou encore à gérer le mécontentement.» L'objet de la réception d'appels était alors de traiter le litige, de s'excuser... et d'en rester là. Si l'on veut aller plus loin dans la démarche, on se rend compte que ce qui manque, c'est la transformation de tout appel entrant en communication additionnelle, y compris à partir d'un litige. Les services clients des opérateurs télécoms sont exemplaires de cette démarche : quand un client appelle pour un problème, c'est une occasion de lui proposer des services complémentaires, dans une logique de meilleure rentabilisation du centre de contacts. Certaines entreprises ont créé des centres d'appels intégrés avec un objectif de réception d'appels, tout en en confiant l'émission aux outsourceurs. Mais aujourd'hui, la tendance est différente. « Dans télémarketing, il y a marketing, remarque Denise Bengioar. C'est un ensemble d'appels où l'on revient à la dimension prospection, prise de rendez-vous ou prise de commandes. » Ce raisonnement peut aussi être inversé : la téléprospection, ce n'est pas obligatoirement l'émission d'appels. « La conquête en réception n'est pas nécessairement plus chère qu'en émission d'appels. Surtout quand vous ne pouvez pas extraire une cible. Vous n'allez pas appeler tous les foyers français un par un, cela coûtera trop cher. Vous avez alors intérêt à utiliser un média de masse comme la télévision avec un numéro d'appel gratuit », répond Marc Gladysz. Les dix premiers acteurs du métier affichent tous à peu près le même équilibre entre l'émission et la réception d'appels, respectivement 40 % et 60 %. Mais en réception d'appels, il y a beaucoup d'opérations dans le cadre de la relation client, des opérations “non-commerciales” comme, par exemple, des numéros gratuits pour diffuser des informations institutionnelles. Alors, la réception apparaît comme un marché plus large.

La troisième génération des centres d'appels


« Avant, la téléprospection était considérée uniquement en termes de campagnes, avec pour objectif de générer un maximum de rendez-vous pour la force de vente. Il n'y avait pas de notion de permanence dans la démarche », analyse Bernard Caïazzo, P-dg de Client Center Alliance. Ensuite, il y a eu l'époque du “service clients” généralisé. Cette seconde génération des centres d'appels s'était surtout installée directement dans les entreprises, avec une activité par nature permanente. « Aujourd'hui, nous en sommes à la troisième génération des centres d'appels, insiste Bernard Caïazzo. Pour poursuivre la conquête sur des marchés de plus en plus difficiles, les entreprises recherchent des moyens pour intégrer des forces de vente à distance à côté des forces de vente face-à- face. Les téléopérateurs sont alors considérés comme une force supplétive venant soutenir l'activité des vendeurs. Du coup, leur activité devient permanente. C'est le cas notamment dans le secteur automobile, dans celui des maisons individuelles, d'une partie des services bancaires... et aussi du commerce inter-entreprises. » Bernard Caïazzo note aussi que cette force de vente supplétive peut commercialiser en direct les produits de faible valeur. Par exemple, des contrats de garantie juridique, qui ne coûtent qu'une cinquantaine d'euros par an, ne produisent pas assez de marge pour rentabiliser une commercialisation par les réseaux classiques. Mais, vendus par les centres d'appels, ils viennent augmenter la rentabilité des gammes principales de l'assureur. Dans certains cas, il est même conseillé de séparer les forces de vente : par exemple, les assurances auto ou les extensions de garantie. Elles pourraient être vendues au moment de l'acquisition du véhicule mais, alors, l'acheteur s'attendrait naturellement à ce que ces options lui soient offertes. Il est plus intéressant de les proposer par le biais d'un centre d'appels, après la vente.

La déréglementation et l'ouverture des marchés


« Sur tous les secteurs concernés par la déréglementation et l'ouverture des marchés professionnels, on trouve des clients potentiels pour la téléprospection », affirme Patrice Mazoyer, directeur du développement chez B2S. A commencer par l'énergie, la téléphonie, etc. D'un côté, il y a des entreprises traditionnelles qui, pour partie, n'avaient même pas de réseau de vente à l'époque du monopole, se limitant à des agences pour recevoir une clientèle d'emblée acquise. Et de l'autre côté, les nouveaux arrivants sur le marché qui cherchent à toucher une clientèle professionnelle. Les deux ont besoin d'établir une relation téléphonique, que ce soit pour la conquête ou pour la reconquête des anciens clients partis ailleurs. Si Gaz de France s'intéresse aujourd'hui au recrutement par téléphone, il ne fait que suivre le même chemin que les autres entreprises qui n'ont pas de réseau de vente. Autre changement dans la téléprospection : la taille des entreprises qui y font appel. « Le télémarketing est un vieux métier qui se découvre aujourd'hui de nouvelles vertus, et de nouveaux adeptes, estime Manuel Jacquinet, P-dg de Colorado, une société de conseil spécialisée dans la relation client. Aujourd'hui ce sont des PME et des TPE, des typologies de clients qui auparavant avaient quelques réticences envers le télémarketing, le trouvant trop cher pour des résultats pas assurés. Faut-il croire qu'il est devenu moins cher aujourd'hui ? Non, pas beaucoup moins cher... mais disons un peu plus abordable. » Le changement vient de la possibilité désormais d'en mesurer les bénéfices. Ce qui permet de considérer ce dernier comme un investissement, et pas simplement comme un coût. Pour une campagne de 500 heures, combien de prospects vont être qualifiés ? Il y a maintenant des ratios par métier pour des centres spécialisés, il y en a un peu moins pour des généralistes.

Professionnalisation des télé-opérateurs


A partir de là, il est possible de s'engager dans l'optimisation des coûts des commerciaux, des visites commerciales, en combinant forces de vente et commerciaux terrain. Cette optimisation passe par un travail soigné des argumentaires et des campagnes de relance pour les rendre plus fines, plus efficaces. C'est aussi la professionnalisation des téléopérateurs qui de fait sont aussi mieux payés. Dans la télévente, c'est souvent 30 % et plus au dessus du Smic. Mais il a fallu du temps pour installer ce média et ce n'est pas encore terminé. D'ailleurs, les aspects sociaux de l'exercice de la téléprospection ont aussi progressé. « L'évolution de la législation a ici une influence directe sur la qualité du travail, sur la qualité d'accueil, et c'est très bien, estime Denise Bengioar. Notre syndicat a été à l'origine d'un avenant à la convention collective établissant les règles de temporisation des appels. C'est la reconnaissance formelle du stress subi par les opérateurs et l'instauration de la pause obligatoire, très importante pour la qualité de leur travail. » Marc Gladysz ne dit pas le contraire... et rappelle que cette évolution de la convention, notamment pour les temps de pause, « n'a pas apporté beaucoup de changement pour ceux qui avaient déjà mis ces temps de pause en application dans leurs entreprises. Mais peut-être que ce changement a un certain impact sur quelques acteurs de petite taille. » En ce qui concerne les techniques proprement dites, elles n'ont pas véritablement évolué. Toujours selon le patron de Phone Marketing, « les stratégies du télémarketing restent aujourd'hui les mêmes qu'hier : l'outil téléphone seul ou combiné avec le mailing, pour la prise de rendez-vous ou la télévente. Et les erreurs sont aussi les mêmes qu'hier. » Par exemple, celle de n'utiliser que le téléphone sur les marchés des grands comptes, là où la cible est difficile à atteindre et où il est impératif de préparer l'appel par un mailing, et pourquoi pas un teasing.

Les nouvelles technologies peinent à s'imposer


Quant aux outils, les nouvelles technologies s'intègrent dans la téléprospection avec des succès divers. Par exemple, dans l'univers des laboratoires pharmaceutiques, il est possible d'utiliser la téléprospection pour contacter les médecins afin de leur proposer des rendez-vous de présentation d'un nouveau médicament sur Internet. L'avantage pour le laboratoire réside dans l'économie des coûts et du temps. Mais l'inconvénient de la méthode est dans le faible taux de rendez-vous réalisés. Une fois sur deux, le médecin n'est pas présent à l'heure convenue pour ce “face-à-écran” : il a tendance à négliger le rendez-vous et à privilégier ses patients dès qu'une file d'attente se forme devant sa porte. « L'objectif n'est pas de substituer le “face-à-écran” au “face-à-face”, mais plutôt de les alterner ", précise Marc Gladysz. Enfin, l'interrogation sur une substitution des méthodes est caractéristique de la réflexion sur le télémarketing : est-ce que le centre d'appels participe à l'acte de vente ou bien est-ce qu'il réalise l'acte de vente tout entier ? La réponse dépend du secteur et surtout de la valeur du produit (cf. “Des territoires à conquérir”).

Neuf Telecom prospecte en réception


« Nous pensons que la téléprospection est un bon outil de conquête dans les secteurs des télécoms et des nouvelles technologies, car la valeur moyenne de la vente permet cette approche. On ne pourrait pas vendre des voitures ou des maisons par téléphone. Tant que le prix élevé du produit impose un déplacement, le client a besoin de voir le produit avant de s'engager », estime Paola Fabiani, responsable des ventes directes chez Neuf Telecom. Selon elle, ces secteurs qui s'ouvrent à la concurrence, ont besoin de la téléprospection : « Le nombre de coups de fil que l'on peut passer est très supérieur au nombre de visites que nous aurions pu réaliser. Et pour un commercial “terrain”, il faut additionner le coût de la voiture, le coût du déplacement, les délais entre deux rendez-vous. Pour les secteurs grand public, le télémarketing est incontournable ! » Neuf Telecom mène des campagnes d'émission et de réception d'appels. La réception sur des numéros gratuits est surtout soutenue par des spots télévision. « L'émission représente environ un tiers de nos activités téléphoniques, explique Paola Fabiani. C'est un levier supplémentaire pour augmenter le chiffre d'affaires, pour atteindre les objectifs. » Pour ses campagnes de téléprospection, Neuf Telecom loue des fichiers auprès des spécialistes de ce marché et utilise également ses propres bases de prospects. Depuis six mois, l'entreprise effectue de plus en plus de campagnes avec B2S.« Nous cherchons ensemble les moyens d'optimiser nos ventes, et le résultat de notre partenariat est plutôt probant », analyse Paola Fabiani.

De la relation client vers la télévente ?


La relation client, longtemps considérée comme l'opposé de la téléprospection, est-elle en train de perdre de son importance ? C'est ce que pourrait suggérer la nouvelle édition du livre "Centres d'appels" de Bernard Caïazzo, patron de Client Center Alliance. Comme le montre cet extrait du manuscrit : « ...Depuis plusieurs années, je compare la situation des centres d'appels services clients à celle d'un hypermarché qui recevrait dix mille clients par jour pour les renseigner et leur rendre service sans jamais songer à vendre un produit. Pour caricaturer encore plus, nous pourrions ajouter que le pire serait, dans cette image d'hypermarché passif, d'imaginer des vendeurs courir dans les parkings après les clients pour essayer de leur vendre un produit qui ne leur a pas été proposé pendant que les clients étaient à l'intérieur du magasin. Lorsque dans un centre d'appels, cinq à dix mille clients appellent par jour pour se renseigner ou pour obtenir un service, nous sommes dans une situation de centre de coûts. Il faut même ajouter que c'est une situation injuste puisqu'un client de faible rentabilité, pour votre entreprise, peut appeler dix fois et vous coûter plus cher qu'il ne vous rapporte. D'un autre côté, un client très rentable peut n'appeler que très rarement.» Plus loin, l'auteur détaille sa vision de complémentarité entre le centre d'appels et les forces de vente : « Chaque fois qu'il s'agit de conclure directement avec un client à distance pour de la télévente, par exemple, il y a transaction entre le centre client et le client… Cette mission peut s'exercer aussi bien en émission d'appels qu'en réception d'appels... Il n'y a pas d'opposition entre la mission d'interaction et la mission de transaction. Dans l'interaction, c'est le vendeur en face à face qui concluera la vente parce que le produit ou le service crée suffisamment de valeur et de marge pour rentabiliser le contact... Dans la transaction, la vente est conclue par le centre client parce que la marge générée ne justifie pas le contact en face à face... »

 
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Alexis Nekrassov

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