Géomarketing : mature, mais pas assez démocratisé 3/3
L'arrivée récente des données Iris 2000 de l'Insee donne un coup de fouet aux outils géomarketing. L'offre se segmente, se précise, et les entreprises commencent à évaluer toutes les possibilités de cette technique qui allie cartographie et marketing. En s'appuyant sur les bases de données statistiques et comportementales, les logiciels et autres systèmes d'information géographique (SIG) sont de plus en plus perfectionnés.
Logiciel et extensions
À LIRE AUSSI
- Géomarketing : mature, mais pas assez démocratisé 1/3
- Géomarketing : mature, mais pas assez démocratisé 2/3
- Offre : D interactive se concentre sur la modélisation
- Étude de cas : Chez Visual le géomarketing n'est pas bien vu
- Étude de cas : Pour McDonald's, l'expansion passe par le géomarketing
- Étude : L'état de l'art du géomarketing
- Géomarketing : mature, mais pas assez démocratisé 1/3
- Géomarketing : mature, mais pas assez démocratisé 2/3
- Offre : D interactive se concentre sur la modélisation
- Étude de cas : Chez Visual le géomarketing n'est pas bien vu
- Étude de cas : Pour McDonald's, l'expansion passe par le géomarketing
ArcView, le logiciel de base de la suite, serait utilisé par deux millions de personnes dans le monde (500 000 licences), selon l'éditeur. Le prix de 15 000 francs pour un poste inclut une aide en ligne délivrée par une plate-forme téléphonique de six téléacteurs dédiés. Avec les extensions (Spatial Analyst, Network Analyst, 3D Analyst, etc.), le coût grimpe. Mais ce sont surtout les données qui coûtent cher dans une telle offre. « Si l'on veut toutes les agglomérations françaises, il faut compter 500 000 francs », avertit Fabrice Phelep. ArcIMS vaut 90 000 francs sans les données. Un développement spécifique a été réalisé avec Atos. Esri revendique une position de quasi-standard dans l'univers de SIG. Environnemental System Research Institute (Esri), la société américaine (Esri France étant une société indépendante et non une filiale) pointe à la 49e place du classement mondial des éditeurs de logiciels et travaille sur les systèmes de cartographie depuis 30 ans, 10 ans pour l'entité française. L'éditeur collabore étroitement avec les fournisseurs de données à travers le catalogue ArcData, dans lequel il référence l'IGN, TéléAtlas, NavTech, GéoSignal, l'Insee, Spot, Michelin et Dun & Bradstreet. Cette offre place donc Esri à la fois dans les éditeurs de SIG et dans la catégorie des prestataires de services. GeoConcept, logiciel SIG de l'éditeur du même nom, est construit sur un principe similaire, avec un noyau et des modules qui étendent ses capacités. Outre les possibilités de faire de la 3D et de l'analyse spatiale, GeoConcept a développé des applicatifs verticaux : transport & logistics (optimisation des tournées intégrées) ou sales & marketing (importation des données, géocodage, analyses). Ce module permet d'effectuer des scénarios (analyse du taux de pénétration de mes points de vente en Bretagne, par exemple), de les mémoriser et de les rappeler automatiquement. Internet fait l'objet de toutes les attentions de l'éditeur français. « On accède aux cartes via le serveur cartographique Web Access Map (WAM). On peut, par exemple, avoir la ville de Paris en fond d'écran », raconte Sabine Tostain, ingénieur avant vente. Une orientation multimédia offre des films en format AVI (Microsoft) et des liens vers une base de données.
Naissance de la BGI, ou Business GeoIntelligence
En toute logique, l'éditeur propose une offre ISP avec Web server, l'hébergement par GeoConcept du serveur web cartographique. Les avantages de ce genre de solutions sont nombreux : mutualisation et forfaitisation des coûts, pas de frais de maintenance, mises à jour automatiques. « Le client demande à faire héberger la cartographie sur notre serveur et il bénéficie d'un droit d'utilisation. Il lui est possible d'y intégrer ses propres données », ajoute Sabine Tostain. D'après Marie Alba, responsable marketing corporate, le SIG de base vaut environ 13 000 francs, la version expert (avec cartographie mondiale) 29 000 francs. Le module Web Server coûte, quant à lui, 3 000 francs par mois pour un poste. « Lors de notre tour de France, pour présenter la technologie GeoConcept, on nous a posé beaucoup de questions sur tout ce qui a trait au Web », évoque Marie Alba. Encore davantage tournée vers Internet, si c'est possible, on trouve l'offre d'Asterop. Christophe Girardier, le P-dg, est un ancien d'ADDE. Il connaît bien le petit monde du géomarketing et n'hésite pas à faire entendre une voix politiquement incorrecte. « Les SIG sont d'abord faits pour éditer des cartes et résoudre des problèmes d'ordre institutionnel. Tous les éditeurs ont des structures de gestion propriétaires de leurs bases de données : c'est la terreur des directeurs informatiques ! Il y a un vrai décalage entre le message envoyé par les éditeurs et la réalité des utilisateurs », analyse-t-il. Selon lui, les logiciels de cartographie seraient toujours difficiles à déployer, chers et réclamant une formation importante. Il est vrai que toutes les offres de services associées émanant des éditeurs et des prestataires de services ne plaident pas en faveur de logiciels faciles à installer ni à manipuler... Leurs concurrents sont parfois d'accord sur ce point. « Les deux obstacles principaux au développement du géomarketing sont la disponibilité et le coût des données, d'une part ; des outils logiciels propriétaires et lourds, d'autre part », avoue Marina Dédéyan Taïb. Pour le P-dg d'Asterop, la cartographie ne s'arrête pas à visualiser des données sur une carte. Il existe des phénomènes d'interaction spatiale qui évoluent en fonction du comportement des consommateurs. Cette dimension spatiale est pour lui l'affaire du data mining ou business intelligence. C'est pourquoi Christophe Girardier se dit prêt à « repenser complètement le concept du géomarketing ». Il a d'ailleurs déjà trouvé le sigle, qu'il espère voir adopté par le marché : la BGI, ou Business GeoIntelligence.
Un nouveau concept ?
« Nous avons défini de nouveaux concepts d'analyses géostatistiques avec l'Inria », ajoute Christophe Girardier. Utilisé tel quel ou comme plate-forme technologique pour développer des applications personnalisées, le logiciel vaut de 20 000 à 40 000 francs pour un utilisateur, entre 250 000 francs et 1,3 million pour un système global, le tout en client léger (sur le navigateur Internet). Asterop a décliné son produit de trois manières : géomarketing en ligne, Intranet customisé pour les grands comptes, mode ASP. Christophe Girardier est persuadé d'être en avance sur le marché des prestataires "GéoIntelligence" et voit grand pour les prochaines années. Alors que le chiffre d'affaires de sa société n'était que de 8 millions de francs en 2000, il prévoit 52 millions de francs (9 ME) pour 2001, 330 millions de francs (50 ME) pour 2002 et 920 millions de francs (140 ME) pour 2003 ! Asterop est également en train d'ouvrir des filiales aux Etats-Unis et en Europe, et a signé un accord de distribution exclusif au Japon avec Kokusaï Kogyo Co (KKC), « le premier acteur japonais des systèmes d'information géostatistiques », selon Asterop. Troisième étage de la fusée géomarketing, les sociétés de conseil. Elles se positionnent sur l'accompagnement des clients dans leur apprentissage du géomarketing. GeoXPAND, par exemple, auteur d'une récente étude sur ce sujet (voir Marketing Direct n° 53, p. 30 et en fin de ce dossier), propose un "moteur de recherche spatial sur le Web", consultable en mode ASP. Il est disponible en payant un abonnement annuel, en fonction du nombre de requêtes, soit 30 000 francs pour 1 000 000 requêtes, puis 2 000 euros (13 200 F) les 50 000 supplémentaires. « Il ne s'agit pas de recréer le géomarketing, mais d'être un partenaire des entreprises », précise Franck Bleuzen, P-dg de geoXPAND. Le prestataire a également toute une gamme de services, tels que l'aide à la création d'un cahier des charges, le développement de système ad hoc autour d'un SIG, la gestion des bases de données. GeoXPAND propose d'ailleurs son catalogue de bases de données géomarketing sur le site web, www.geoscore.com, qui couvre déjà une cinquantaine de pays.
Des entreprises encore trop frileuses
Par ailleurs, geoXPAND vient de lancer geoXpand.com, son portail international, qui donne accès à une gamme de bases de données couvrant cinquante pays. Il propose de la cartographie, des données socio-démographiques B to C, des données B to B, des modèles numériques de terrain (cartographie 3 D). La société d'études a conclu des partenariats avec NavTech, Dun & Bradstreet, Claritas, l'IGN et la société allemande Macon qui commercialise des fonds de carte. Sur le portail, on peut aussi trouver des services à valeur ajoutée : recherche de clients potentiels, développement de réseaux de vente, modélisation de scores spatiaux, etc. La cible visée par ce portail : les grandes entreprises à fort développement international. Alcatel et Carrefour Europe, par exemple, font partie des utilisateurs de geoXPAND. Autre société d'études, Mercuriale veut « apporter valeur ajoutée et services autour des logiciels de SIG », selon Olivier Fouqueré, son directeur général. Le pôle études est dédié au marketing opérationnel (implanter, analyser, cibler, optimiser), le pôle applications a développé des systèmes de SIG, comme GéoMarket Explorer et GéoMarket Implantation, à partir des trois technologies existantes (ArcView d'Esri, GeoConcept et MapInfo). « Si les sociétés ne veulent pas du logiciel standard, nous leur proposons une solution packagée à leurs besoins », précise Olivier Fouqueré. Parmi les sociétés de conseil, citons encore le Cabinet Régis Barbier, mais aussi Claritas, Experian et même Esri. On le voit, il paraît difficile de cantonner les acteurs de ce marché dans tel ou tel segment, les éditeurs proposant du service et les prestataires vendant des logiciels. Cependant, malgré l'abondance de l'offre, et les efforts faits pour rendre les outils géomarketing simples d'utilisation, les entreprises y viennent encore timidement. « Il y a encore beaucoup de directeurs marketing qui ne savent pas ce que l'on peut faire avec une carte », affirme Fabrice Phelep. En résumé, si les offreurs de solutions géomarketing sont fin prêts pour aider leurs clients à marier cartographie et marketing, ces derniers semblent encore un peu frileux face à ces technologies. L'arrivée d'Internet et des données plus précises de l'Insee devraient aider les systèmes géomarketing à se répandre dans les entreprises
INVESTISSEMENTS : Le coût d'une solution géomarketing
Une solution géomarketing est composée de plusieurs postes plus ou moins onéreux. Le logiciel de SIG à proprement parler vaut entre 13 000 et 15 000 F, sans les multiples options qui peuvent faire monter les prix jusqu'à 50-70 000 F. Viennent ensuite les données à intégrer au système informatique. Là, tout est possible suivant les objectifs de l'entreprise. On peut débuter à 50 000 F pour aboutir à une note de plusieurs centaines de milliers de francs. Troisième composant : les prestations annexes. Conseil, études, accompagnement, formation : le coût de ces services diffère bien sûr selon la prestation demandée. Experian prend comme exemple une étude sur un point de vente de Toulouse. Celle-ci va demander de quelques jours à quelques minutes s'il existe une connexion directe à une base de données. Il en coûtera environ 10 000 F au propriétaire du magasin. Mais, s'il veut étudier 40 points de vente, et 20 de plus dans les six mois à venir, il devra payer le développement, l'accès direct à la base, la maintenance du système, le conseil. Total : autour de 500 000 F. Si l'enseigne veut étendre cette étude à la France entière, il lui faudra débourser plusieurs millions de francs.
DONNÉES : Accord entre l'IGN et TéléAtlas
TéléAtlas, société de cartographie privée, et l'Institut géographique National (IGN) ont signé un accord sur l'intégration de données géographiques IGN, dont certaines données de la base Géoroute, dans les produits cartographiques de TéléAtlas. Il s'agit d'un contrat d'exploitation de données, comportant la cession des droits, qui permettra à TéléAtlas de compléter son offre cartographique. Aujourd'hui, TéléAtlas revendique une base de données routières couvrant 51 % de la population française. Cet accord avec l'IGN permettra à la société de digitaliser l'intégralité du réseau routier français. La base cartographique sera également enrichie avec la numérotation des rues (adresses, habitations, bâtiments) pour toutes les agglomérations supérieures à 10 000 habitants. Par ailleurs, TéléAtlas annonce aussi un partenariat avec Maporama, "leader européen de la cartographie et de l'information géocentrique en ligne", d'après cette société. Il s'agit ici de réaliser une cartographie de l'Espagne mise en ligne par Maporama. Le portail maporama.com fournit aux entreprises ou aux particuliers des plans de villes ou des itinéraires via le Web.
DONNÉES : Un nouveau prestataire dans l'univers de la donnée localisée
Cartosphère est une filiale d'Esri France dont le métier est double, selon Mathias Fliti, responsable commercial : « Nous proposons une plate-forme européenne et mondiale de distribution de données localisées et l'édition de produits à valeur ajoutée à partir des bases des producteurs de données. » Ces derniers ont pour noms IGN, TéléAtlas, NavTech et GéoSignal. Par exemple, pour un client qui a besoin d'une solution géomarketing sur trois pays européens, sur certaines agglomérations et avec un géocodage à la rue, Cartosphère va identifier le besoin, regarder les logiciels à utiliser et définir les critères de la solution proposée. La filiale d'Esri France agit comme conseil et propose une expertise en données localisées, une diffusion de bases de données géographiques, des prestations d'assistance à la maîtrise d'ouvrage. Avec un chiffre d'affaires de 13 MF en 2000 pour quinze personnes, cette filiale est rentable et Cartosphere espère bien « voir son chiffre d'affaires évoluer de manière très importante en 2001 ». Enfin, un site (www.cartosphere.com) est en cours de création.
SOLUTION : Complex Systems passe le géomarketing au crible
Le spécialiste de l'analyse de données, Complex Systems, élargit le spectre de ses interventions vers le géomarketing avec la solution Crible. Développée avec Uniservices Informatique, spécialiste du traitement d'adresses en marketing direct, Crible se veut "une solution géomarketing à part entière, élaborée à partir des données socio-démographiques de la base Insee, utilisées au niveau local le plus fin". Crible permet de faire du scoring, c'est-à-dire d'attribuer une note à une cible en fonction de critères déterminés. Les applications sont diverses. « Sélection du Reader's Digest ou Dial s'en servent, par exemple, pour réactiver leurs clients inactifs. Ils nous confient un échantillon de leur clientèle, qui comprend seulement les adresses, et nous bâtissons un modèle de score à appliquer sur le fichier des inactifs », détaille Hélène Ivanoff, directrice associée de Complex Systems. Crible est élaborée à partir de données internes à l'entreprise, des données Insee et du fichier des anciens clients des 3 Suisses (5 millions d'adresses). Par exemple, Crible Adresses permet de louer des adresses VPC, sélectionnées à partir d'un score combinant plusieurs centaines d'informations socio-démographiques et sensibles aux produits de vente par correspondance. D'après Complex Systems, ce fichier 3 Suisses serait garanti avec un taux de NPAI de moins de 3 %. Pour faire fonctionner Crible, les deux sociétés associées ont besoin d'un échantillon de 10 000 clients récents avec identifiant, prénoms et adresses complets. Uniservices Informatique s'occupe du traitement des adresses et Complex Systems de la phase de modélisation. D'après Complex Systems, la réactivation d'inactifs coûte 20 centimes par adresse.
GLOSSAIRE : Le géomarketing décrypté
ASP : Application Service Provider, éditeur de logiciels qui propose d'héberger l'application sur ses serveurs contre le paiement d'un forfait pour les consultations. Base de données : Ensemble de données, classées par fichier, relatives à un thème déterminé et associées à un logiciel permettant leur entretien et leur utilisation efficace. Cartographie : Ensemble des études et des opérations - scientifiques, artistiques et techniques - intervenant à partir des résultats d'observations directes ou de l'exploitation d'une documentation, en vue de l'élaboration de l'établissement de cartes, plans et autres modes d'expression. Données cartographiques : Informations renseignant sur les objets observés à la surface de la Terre, y compris leur position géographique, leur forme et leur description. Géocodage : Traitement qui consiste à attribuer des coordonnées X et Y à des données qui ne sont pas dans un format spatial. Le géocodage par adresse postale, qui nécessite une carte des voies, permet d'attribuer aux coordonnées des adresses postales ainsi représentées par une série de points. Institut Géographique National (IGN) : Etablissement public, à caractère administratif, ayant pour vocation de réaliser l'équipement géographique de base du territoire national. Iris 2000 : Pour les communes de plus de 5 000 habitants, l'Iris 2000 est la zone géographique minimale, d'un seul tenant d'environ 2 000 habitants, définie par l'Insee, pour la diffusion à tous publics des comptages, listes et tableaux du recensement 1999 et du fichier logements. SIG : Système d'Information Géographique. Ensemble organisé intégrant différents éléments pour la saisie, le stockage, la manipulation et l'analyse de toutes les informations géoréférencées. Sources : IGN, Insee et GeoNet.