Des études pour dynamiser les sites web
Malgré la morosité du secteur Internet, les sites rescapés de l'éclatement de la bulle ont tout intérêt à passer au scanner des études quantitatives et qualitatives pour mieux répondre aux attentes des internautes. C'est une condition sine qua non de la pérennité de la plupart d'entre eux.
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Pour évaluer les sites internet, la mesure d'audience ne suffit plus.
Longtemps, les administrateurs de sites, marchands ou autres, se sont contentés
d'une analyse des logs (connexions) pour savoir combien d'internautes étaient
venus naviguer et d'où ils venaient. Mais, si brandir des chiffres a pu suffire
pendant la période d'euphorie interactive pour séduire les investisseurs, il en
est autrement aujourd'hui, alors que le secteur du on line souffre de son image
écornée et de la déprime économique généralisée. Néanmoins, la mesure
d'audience continue d'être un outil efficace pour effectuer un premier
diagnostic et les entreprises se servent de logiciels de comptage, dits "site
centric", dont le plus répandu est Webtrends. Il est possible aussi de faire
réaliser des mesures à distance par des sociétés qui posent des tags
(étiquettes) sur les pages puis analysent les visites. Parmi les prestataires
les plus connus, on peut citer Xiti, Weborama ou eStats. Par ailleurs, le
nombre de cabinets spé- cialisés dans l'analyse "user centric", à base de
panels, s'est rétréci comme peau de chagrin avec le rachat de NetValue par
Nielsen NetRatings. Pour affiner l'évaluation de leur site et lui procurer une
nouvelle dynamique, les webmasters ont tout intérêt à utiliser des études plus
poussées que le simple comptage. Deux types d'études sont généralement
distingués : les quantitatives et les qualitatives. Les premières servent à
interroger les internautes grâce à des questionnaires véhiculés par des
fenêtres de type pop up. « Mais ce format est de plus en plus envahi par des
publicités, et les internautes ont tendance à les fermer. Le taux de
transformation de ce type de questionnaire était de 20 %. Il est tombé à 5 % »,
déplore Jérôme Labbé, directeur de Taylor Nelson Sofres Interactive (TNSI). Le
département interactif de TNS propose également à ses clients un access panel
de 10 000 internautes connectés à domicile, volontaires et qualifiés. En
parallèle, un autre panel rassemble des décideurs informatiques paneuropéens.
Réalisé à l'origine pour Microsoft, il fait aujourd'hui partie de la panoplie
d'outils de la société d'études. Pour TNSI, les avantages du "quanti" en ligne
sont le coût, inférieur aux campagnes téléphoniques et aux entretiens en face à
face, et également son caractère moins intrusif que le téléphone.
Visites et commentaires enregistrés en même temps
Les
études qualitatives, ou "quali", sont composées de réunions de groupes et
d'enquêtes individuelles. Les focus groupes sont plutôt utilisés pour le
lancement de sites. Les tests d'ergonomie, par exemple, servent à valider
l'architecture du site. Les entretiens individuels peuvent avoir lieu en mode
on line (chat dédié) ou off line. Les enquêtes comportementales, plus fouillées
encore, constituent l'objectif de TNSI pour 2003. Par ailleurs, la société
prévoit de constituer prochainement un access panel de 50 000 internautes
connectés depuis leur domicile ou leur travail. Autre acteur majeur de ce
marché des études appliquées au Web, Ipsos Médiangles propose deux approches.
La première est méthodologique. Les Web Workshops d'Ipsos sont des études quali
constituées de sessions de trois heures avec des groupes de huit personnes qui
alternent les phases collectives et individuelles. « Nous observons leur
manière de visiter les sites et analysons leurs parcours dans les pages. Nous
enregistrons aussi leurs commentaires lors de ce surf. Visites et avis des
testeurs sont compilés sur un même fichier », détaille Louis Rougier, directeur
général d'Ipsos Médiangles. Pour recruter les participants à ces études
qualitatives, l'institut puise dans un vivier de 40 000 internautes, qui ne
sont pas des experts du Net et sont renouvelés à chaque test. Le volet quanti
n'est pas négligé, avec les études Web Impact. Leur objectif : recruter des
visiteurs par pop up en sortie de site. Avantage : on a la certitude que les
internautes ont navigué dans les rubriques. Ce questionnaire en ligne demande
environ un quart d'heure pour être complété et permet de décrypter la
perception du site par les internautes, tout en recueillant les profils des
dits visiteurs. « Nous comparons ensuite ces résultats avec une base de cent
sites qui possèdent les mêmes critères », précise Louis Rougier. L'analyse est
divisée en quatre items : ce que les internautes cherchaient sur le site et
qu'ils ont trouvé ; ce qu'ils cherchaient et n'ont pas trouvé parce que cette
information n'existe pas ; ce qu'ils cherchaient et n'ont pas trouvé, alors que
la donnée est présente sur le site ; ce qu'ils ne cherchaient pas, mais sont
contents d'avoir trouvé.
Pop up en sortie de site
Chaque rubrique reçoit ensuite un niveau de satisfaction : visitée et bien
perçue, visitée et mal perçue, non visitée et bien perçue, non visitée et mal
perçue. Pour les sites de marques, Ipsos a mis au point Web Impact Marques, qui
permet de comparer les résultats entre deux échantillons : en interrogeant une
partie des visiteurs avant qu'ils n'accèdent au site, et une autre partie en
sortie de visite. Outre les départements interactifs des instituts de sondage,
certaines Web agencies ont elles aussi développé des filiales consacrées aux
études. C'est le cas de FullSix (ex Grey Interactive) avec FullSix Research.
Cette équipe d'une dizaine de personnes est constituée de spécialistes des
études traditionnelles, qui ont adapté leurs méthodologies au média Internet.
L'institut dispose de deux outils d'études quantitatives, Web Insight et Full
Satisfaction. Le premier est un questionnaire standardisé d'une quinzaine
d'items. Il permet de qualifier l'audience, en sachant qui vient et d'où il
vient sur le site étudié. Full Satisfaction suit la même logique, mais ajoute
des questions sur les sites concurrents. « Nous avons travaillé pour une banque
dont le site recevait beaucoup de visiteurs, mais ceux-ci ne s'inscrivaient
pas. Une des réponses a consisté à créer un pop up concernant uniquement les
internautes, qui n'avaient pas terminé de remplir le formulaire d'inscription
», détaille Jean-Pierre Berst directeur du département études et ancien de
Médiamétrie et CSA. Outre les spécialistes des études, les gestionnaires de
sites peuvent faire appel à des agences de communication interactive. Wunderman
Interactive, par exemple, peut réaliser des études au moment de la conception
des sites, comme WebEval, qui se concentre sur la navigation et l'ergonomie via
des entretiens en face à face. En revanche, pour les sites déjà en ligne,
l'agence préfère faire appel à un prestataire spécialisé, comme Taylor Nelson
Sofres pour le site d'Unilever. « L'analyse d'audience fait partie du contrat
de base. Mais nous faisons aussi de petits sondages en ligne de quatre ou cinq
questions afin de comprendre les chemins empruntés par les internautes pour
venir sur le site », explique Xavière Tallent, directrice générale de Wunderman
Interactive.
Les études en région
Chez The Net Group,
agence indépendante composés de spécialistes du marketing direct et
d'informaticiens, des réunions trimestrielles sont organisées chez le client «
afin d'analyser en détail et scientifiquement les statistiques de visite du
site », indique Vincent Meade, directeur général. Pour lui, les outils
d'analyse comme Webtrends sont trop généralistes, c'est pourquoi l'agence a
créé ses propres logiciels. Une fois ce constat effectué, The Net Group passe
aux recommandations pour une refonte du site. Les réunions trimestrielles
peuvent aussi servir à réaménager les rubriques. Enfin, les administrateurs de
sites web provinciaux n'ont plus à aller jusqu'à Paris pour évaluer leurs
sites. Certaines sociétés régionales, comme le Topo Marketing Group, installé à
Lille et Paris, se proposent de réaliser diagnostics et recommandations pour
leurs clients locaux. Ce groupe nordiste est composé de Cegma Topo, société
d'études marketing comportementales, de Présence, spécialisée dans le "mystery
shopping" (visiteurs mystères), de Performa, pour la formation et les
ressources humaines, de Field End Solution, centres d'appels, et de Top On
Line, pour la communication et le marketing interactif. « Pour les études en
ligne, nous nous appuyons sur l'expertise de Cegma Topo », précise Benjamin
Desrumaux, responsable commercial. Parmi les produits proposés, on trouve des
questionnaires de satisfaction en ligne ou par e-mail, ce qui permet de
constituer des panels de consommateurs identifiés. Top On Line propose aussi
des études de comportements durant la navigation et des tables rondes.
Pourtant, malgré l'existence de nombreux prestataires en termes de fournitures
d'études quanti et quali, ces outils indispensables à la redynamisation des
sites sont encore peu utilisés. « Certains responsables des études dans les
entreprises commencent à réfléchir au Web », estime Benjamin Desrumaux. Pour
Xavière Tallent, « il s'agit d'un gros marché en devenir. Par exemple, il
existe encore très peu d'études ergonomiques, seuls 5 à 10 % des clients
réalisent des tests sérieux. » Mais Jean-Pierre Berst conclut de manière plus
optimiste : « Internet va révolutionner le marché des études en raison de sa
rapidité et de son coût. »
Budget : Le coût des études
Mettre en place une étude quanti ou quali est certes moins cher sur le Net que dans le monde réel, mais ces outils de gestion des sites ont néanmoins un coût. Chez Taylor Nelson Sofres, un audit sur l'ergonomie vaut de 10 000 à 12 000 euros, un focus groupe de 4 000 à 6 000 euros, un questionnaire de vingt-cinq questions testé sur mille individus de 10 000 à 15 000 euros. Chez Ipsos Médiangles, les études quali valent environ 6 000 euros par session, et il faut compter deux à quatre sessions pour un diagnostic complet. Le produit Web Impact (étude quanti) vaut environ 9 000 euros. Chez FullSix Research, le questionnaire Web Insight est un investissement de 5 000 à 7 000 euros ; Full Satisfaction revient, lui, à 12 000 euros. Pour Performance Interactive, il faut compter entre 25 000 et 75 000 euros pour l'audit d'un site et les études ad hoc. Une étude de veille complète chez Cybion vaut entre 15 000 et 40 000 euros, en fonction du nombre de sites à surveiller.
Benchmarking : La veille pour optimiser le e-commerce
Une des premières études à réaliser lorsque l'on se situe dans la sphère marchande, c'est une veille concurrentielle. Cybion, créée en 1996 par Carlo Revelli et Joël de Rosnay, s'est spécialisée sur ce créneau. Elle réalise pour les grands comptes des études de marché, à la fois dans le Web "visible" (les sites accessibles à tous) et le Web "invisible" (newsgroups, bases de données privées). « Nous ne réalisons pas d'enquêtes. Notre matériau, c'est l'information existante », précise Bertrand Heynard, directeur général. Cybion peut ainsi faire un benchmarking des sites concurrents, afin de déterminer les meilleures pratiques et ce qu'il faut éviter. L'étude Netlinking permet de clarifier les liens entre le site et ses affiliés ou d'autres sites qui renvoient vers lui. Cette veille peut aider à optimiser la stratégie e-commerce des sociétés, en validant le potentiel du marché visé et en analysant l'ensemble des sites comparables ainsi que la version du site en lui-même. Une veille concurrentielle sur le Net prend environ un mois. Bertrand Heynard conseille de la renouveler tous les trois à six mois : « Tout bouge très vite sur le Web, il y a sans arrêt de nouveaux acteurs et de nouvelles offres. » Le directeur général de Cybion ne considère pas la veille comme la panacée, mais comme un moyen de se situer par rapport à son marché et d'améliorer ses performances. « Il ne suffit pas d'exister sur le Net pour avoir du trafic », rappelle-t-il.