« Le courrier est le 7e média! »
POUR NICOLAS ROUTIER DIRECTEUR GENERAL DU COURRIER DE LA POSTE ET PRESIDENT DE SOFIPOST LA PUBLICITE PAPIER EST PROMISE A UN BEL AVENIR. IL ESTIME QUE LE PRINT EST UN MEDIA A PART ENTIERE ET UN COMPLEMENT INDISPENSABLE AUX AUTRES CANAUX DE COMMUNICATION.
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Comment se porte le marché publicitaire? Et celui du courrier?
Après un repli du chiffre d'affaires de 3 % en 2010, les dépenses publicitaires en France sont revenues à leur niveau d'avant-crise, à 30 milliards d'euros. Notre chiffre d'affaires pour le courrier publicitaire atteint 2 milliards d'euros en 2010 et progresse de 4 % au premier trimestre 2011. Nous captons donc 7 % du total des dépenses publicitaires, ce qui équivaut, par exemple, aux recettes publicitaires de TF1.
Vous vous comparez à une chaîne de télévision: est-ce là que se trouve la concurrence?
Oui, les autres médias sont les concurrents du courrier publicitaire. Certes, depuis le 1er janvier, dans le cadre de la réglementation européenne, le marché postal est totalement ouvert à la concurrence. C'est d'ailleurs une date historique pour nous. Pour autant, nos vrais concurrents sont les six autres médias: la radio, la presse, la télévision, le cinéma, Internet et l'affichage. Le courrier est un média à part entière ; un média particulièrement efficace puisqu'il permet de toucher tout le monde et d'atteindre chaque individu chez lui. Il allie la puissance d'un média de masse, car nous desservons quotidiennement tous les foyers, à la finesse d'un média particulièrement ciblé, puisque le géomarketing nous permet de cibler un seul foyer, voire une seule personne. C'est pourquoi le courrier est le média premium de la relation client. Pour le doter de tous les attributs d'un média, nous avons créé une régie publicitaire, avec Mediapost Publicité, et nous allons disposer d'une mesure d'audience, via le GIE BALmétrie.
Qu'est-ce qui vous laisse à penser que les Français l'apprécient tout particulièrement?
Tout simplement parce qu'ils nous le disent. L'étude Kantar TNS Sofres montre que 81 % des Français préfèrent recevoir les communications publicitaires en format papier plutôt qu'en format numérique, que 73 % gardent leur courrier publicitaire adressé et que 69 % relisent au moins une fois leur imprimé publicitaire. L'étude indique aussi que 74 % des Français vont en magasin après avoir reçu un courrier publicitaire.
La toute dernière enquête SIMM (Single In-line Memory Module) nous révèle même que, pour recevoir de la publicité, le courrier publicitaire est le média préféré de 47 % des Français. Les consommateurs considèrent que la publicité sur papier n'est pas intrusive, notamment parce que les boîtes aux lettres ne sont pas saturées, un foyer français recevant, en moyenne, onze courriers publicitaires par semaine. Comparé à la quantité de messages diffusés sur tous les autres canaux, c'est peu! Et si 95 % des Français ouvrent leur boîte à lettres tous les jours, c'est bien que le courrier est un média choisi par le consommateur.
A l'heure d'Internet, vous pensez que le média courrier a encore sa place?
Oui, tout simplement parce que le courrier est un média à valeur ajoutée. La formule «Internet va tuer le courrier papier» est totalement dépassée. Un média ne remplace pas l'autre. Quand la télévision est arrivée, tout le monde a dit que le cinéma allait disparaître. Pourtant, le grand écran existe toujours ; il a même connu des records de fréquentation l'an dernier. Opposer Internet et le papier est donc une vision du XXe siècle, pas du XXIe! Internet possède de formidables et précieuses vertus spécifiques: la communauté, l'instantanéité, la réactivité... Et le courrier a, lui aussi, des qualités propres: il peut fournir une information complexe, impossible à diffuser sur Facebook ou Twitter. On peut le cibler, le qualifier, en mesurer l'efficacité... Le Web et le print ne sont pas opposés, mais complémentaires. Les études montrent que les retours d'efficacité d'une campagne sont cinq à huit fois supérieurs quand elle inclut un courrier.
Aujourd'hui, les annonceurs associent plusieurs canaux pour transmettre un message car ces canaux s'ajoutent et démultiplient l'efficacité d'une campagne de communication. L'enjeu, c'est de faire vivre l'information, d'en gérer la complexité et d'en assurer la pérennité. Les marques savent qu'elles doivent de plus en plus miser sur le multicanal ; le média courrier a donc de beaux jours devant lui!
Existe-t-il encore des marges de progression pour la publicité papier?
Oui. Les banques, les assurances, la VPC sont les principaux secteurs d'activité qui font appel au courrier publicitaire adressé et la grande distribution est la principale utilisatrice de l'imprimé publicitaire. Pour l'ensemble de ces secteurs, nos innovations en matière de courrier publicitaire constituent de véritables marges de progression.
Les autres secteurs représentent, par nature, autant de pistes de développement pour nous. L'autre voie à explorer, ce sont bien sûr les PME, car le marketing direct contribue directement à leur croissance. Nous allons leur en simplifier l'accès car c'est le rôle de La Poste que de simplifier la vie de ses clients.
Pourtant, le volume de courrier va baisser, à court terme...
Certes, les modes et les usages de communication ont profondément évolué sous l'effet de la numérisation de notre société. Les experts ont estimé que les volumes, dans les pays développés, vont accuser une baisse de l'ordre de 30 % sur la période comprise entre 2008 et 2015. Mais ce sont les courriers non personnalisés et sans valeur ajoutée en termes de relation client qui vont disparaître. Il s'agit donc d'un type précis de courrier. C'est pourquoi nous allons, dès cette année, valoriser les courriers relationnels. Ils permettront aux grands expéditeurs de factures ou de relevés de comptes de fournir des informations à valeur ajoutée à leurs clients: un histogramme de leurs consommations, les offres les mieux adaptées à leur consommation, les coordonnées de leur conseiller clientèle... Ces courriers vont devenir de véritables leviers de fidélisation.
Nicolas Routier/La Poste
« Le Web et le print ne sont pas opposés mais complémentaires.»
Quid du courrier publicitaire?
Notre média offre de nombreuses opportunités d'innovations et de croissance. C'est pourquoi nous avons décidé de «réinventer le courrier», de ne plus être seulement un transporteur de messages, mais de devenir un véritable média, efficace et apprécié, sur trois marchés en plein développement: la communication commerciale, la relation client et la logistique de proximité. Ces trois marchés représentent 73 milliards de chiffre d'affaires et nous y réalisons 15 % du nôtre.
Sur chacun de ces trois marchés, nous allons proposer le meilleur du papier et le meilleur du numérique, en donnant aux entreprises, comme aux particuliers, le choix des solutions, en fonction de leurs usages et de leurs besoins du moment.
Grâce à cette stratégie, Internet devient résolument une dimension du courrier, et le courrier un acteur majeur d'Internet. Comme le courrier est une activité rentable, nous avons les moyens d'autofinancer nos innovations et notre stratégie de croissance. Nous avons donc de bonnes raisons de croire fermement en l'avenir du courrier!
Quand on dit que la filière papier n'est pas écologique, que répondez- vous?
C'est une idée reçue et, pardonnez-moi, un peu stupide! La déforestation est due à une gestion irresponsable de la forêt, pas à l'industrie papetière. Si nous consommons du papier issu d'une exploitation responsable et certifié de la forêt, nous contribuerons à son développement! Pour que la forêt française, qui ne cesse de se développer depuis 50 ans, vive, il faut l'entretenir, donc l'exploiter, de façon responsable. Dit-on du pain qu'il tue le blé? La forêt est cultivée de la même manière. Les troncs sont utilisés d'abord pour la construction, l'ameublement, le chauffage... L'industrie du papier utilise les coupes d'éclaircies, les chutes... J'ajoute que le papier est recyclable et, grâce à l'écocontribution, assume le coût de son recyclage. Enfin, le courrier ne représente que 15 % du papier consommé. Le papier est une matière première comme les autres et, comme toutes les matières premières, c'est son usage responsable qui importe. Erik Orsenna a fort opportunément rappelé très récemment que le papier constitue un véritable minerai pour le XXIe siècle.