«Conquérir de nouveaux clients ne suffit plus»
Sommaire du dossier
Comment se porte le marché des centres de contacts aujourd'hui?
- Avec 260 000 emplois au total, le secteur a su traverser la crise avec, comme l'année dernière, une croissance des effectifs de 4 %, ce qui représente 10 000 emplois de plus par an. Grâce à l'Observatoire des métiers de la relation client, créé par la Mission nationale de la relation client, ces chiffres seront plus précis à l'avenir.
Il est nécessaire de distinguer les centres d'appels internes et externes car leur activité et leurs problématiques diffèrent. Lors des assises de la relation client, qui se sont tenues en octobre 2010, nous avons fortement mis en avant les problématiques de relations entre grands comptes et prestataires. Nous voulons encourager la création et la mise en place d'un modèle économique stable et vertueux pour la relation client, permettant des modes de délégation d'activité entre annonceurs et prestataires qui soient responsabilisants et fondés sur la satisfaction du client final.
Quelle est l'approche des entreprises en termes de gestion de l'externalisation?
- Il faut rappeler que, dans notre activité, les centres internes restent majoritaires. Ils regroupent 80 % des effectifs. Dans la banque et l'assurance, par exemple, les entreprises préfèrent conserver l'ensemble de cette activité en interne pour des raisons de confidentialité des données, mais aussi parce qu'elles la considèrent comme à forte valeur ajoutée pour leur coeur d'activité.
En fait, les entreprises de ces secteurs font surtout appel aux prestataires pour gérer les appels en période de pointe et en dehors des horaires classiques. Pour des raisons d'organisation des équipes, elles éprouvent plus de difficultés à apporter de la flexibilité au client final. En effet, les prestataires ont des ressources et une variété de missions qui permettent de gérer la variabilité de la demande des clients, dans l'année, la journée, la semaine, et qui permettent d'apporter une relation client à tous les moments attendus par les clients, y compris le dimanche, en soirée et sur le canal de leur choix.
Quelles sont les entreprises qui externalisent le plus leur relation client?
- Celles qui ont le plus grand nombre de clients et celles qui commencent à partager de plus en plus de valeurs. Elles répartissent mieux l'activité avec leurs prestataires pour mieux appréhender les pics et mieux répartir les risques. Les opérateurs télécoms bénéficient d'une plus grande expérience car ils ont dû externaliser dès 1995, pour répondre à la croissance des volumes d'appels.
Comment se passent les relations entre les prestataires et les entreprises?
- Elles s'améliorent. Les entreprises réalisent que les prestataires peuvent apporter de la valeur. Certains sous-traitants ont d'ailleurs créé des directions de la valeur. Ces nouvelles entités ont pour but de faire respecter les bonnes pratiques en termes de process, de formation, de gestion des compétences et de ressources humaines. L'enjeu, pour les prestataires, est d'innover et de progresser au service des clients finaux, mais aussi de créer de la valeur avec plus de flexibilité, d'expertise et de formation.
La qualité des prestations a-t-elle évolué?
- La mauvaise image des «outsourceurs» ne correspond pas à la réalité. Au cours de la dernière décennie, la majorité des centres a amélioré les conditions de travail avec des espaces de travail plus vastes, des équipements plus sophistiqués et un environnement plus favorable dans des villes ayant compris la richesse de ces métiers de service (Amiens, Rouen, Reims, Poitiers, Laval, Orléans, Tours...).
La plupart des centres sont installés en province et, de fait, les salariés ont plus aisément accès aux infrastructures comme les écoles, les services publics, les commerces, etc. De plus, les technologies progressent et favorisent la qualité de la prestation.
Les conditions de travail des téléconseillers ont été améliorées grâce à de meilleurs process, bases de connaissance, formations. Autre élément important, les managers sont mieux formés qu'auparavant. Globalement, les prestataires ont élevé le niveau de qualité et d'exigence auprès de leurs équipes avec deux normes qui valident leurs efforts: la norme NF service et le label de responsabilité sociale.
Ces efforts favoriseront-ils le développement de l'externalisation?
- Si les outsourceurs apportent des avantages en termes de qualité et de prix par rapport aux centres internes, il n'y a pas de raison. La vraie question est comment mieux partager la valeur créée, sachant que les services produits en interne coûtent plus cher? Il faut savoir qu'actuellement, le coût horaire en interne se situe entre 50 et 60 euros contre 28 à 30 euros en externe, et 14 à 15 euros à l'offshore. Cette réflexion est menée depuis les Assises de la relation client, événement qui devrait apporter des résultats concrets sur l'harmonisation et la professionnalisation du secteur d'ici deux ou trois ans.
Aujourd'hui, que demandent les entreprises clientes aux prestataires?
- En l'espace de dix ans, l'expertise des prestataires a énormément évolué. Aujourd'hui, la segmentation des services est plus forte qu'il y a quelques années. Autrefois, il fallait juste conquérir de nouveaux clients. Maintenant, il faut également les retenir, les fidéliser et leur proposer de nouvelles offres, faire des gestes commerciaux, inventer de nouveaux services, etc.
Quelles sont les différentes étapes de vie du client?
- Dans notre activité, nous distinguons quatre étapes. La première consiste à faire découvrir et à créer du trafic pour conquérir un prospect. Une fois qu'il est devenu client, il faut le servir, via le service client, en répondant à toutes ses demandes d'information, ses réclamations et ses questions relatives à l'assistance technique. La troisième étape consiste à fidéliser et réaliser de la croissance, à réactiver les clients passifs, effectuer de l'anti-churn ou de la rétention, mais aussi à mener des enquêtes de satisfaction.
La satisfaction client, devenue de plus en plus importante, se mesure grâce aux nouveaux indicateurs, comme le NPS (Net Promoter Score) qui indique le taux de recommandation d'un client. La dernière phase correspond à la reconquête et au recouvrement d'un client qui se détache et quitte la marque. En parallèle de ces étapes, il faut aussi être capable de proposer tous les canaux utilisés par les clients, laisser le libre choix du canal et savoir gérer ces nouveaux lieux de fréquentation que sont les réseaux sociaux.
Le profil des téléconseillers a-t-il évolué? Leur demande- t-on de nouvelles compétences?
- Oui, car les formations sont beaucoup plus longues et préparent à une double compétence. Les téléconseillers se forment au métier en apprenant à communiquer, à informer et à vendre. Ils suivent aussi régulièrement des formations sur les produits pour acquérir une meilleure connaissance de la marque, de son savoir-faire, de ses services, etc. On leur demande aussi de gérer des demandes de plus en plus complexes et de toutes les traiter, dès le premier contact, pour éviter d'envoyer le client vers un autre service.
Quelle est la politique des entreprises en matière de formation continue?
- Je constate que la formation se développe de plus en plus. C'est une nécessité car les services et les produits évoluent rapidement. Les exigences des consommateurs changent aussi très vite. Et ils le font savoir. En outre, certains manient très bien le Web 2.0 et sont parfois mieux informés et plus tôt, que les téléconseillers. Ce phénomène a fait éclore de nouveaux métiers. C'est le cas, par exemple, du modérateur de contenus que l'on voit notamment apparaître chez les e-commerçants. Celui-ci doit agir davantage sur les réseaux sociaux et ne plus se cantonner à dialoguer en instantané. Nous envisageons de former nos téléconseillers à ces nouveaux modes d'interaction. Par ailleurs, ils devront suivre des formations à d'autres modèles d'écriture, revoir l'orthographe, mais aussi apprendre le langage SMS et chat, pour se mettre au niveau des consommateurs.
Face à ces évolutions, quelle sont la mission de l'AFRC?
- LAFRC s'est donné quatre objectifs pour l'année 2011. Dans un premier temps, l'association veut améliorer l'image des services client à distance et changer la perception de l'opinion publique sur les services clients en France. L'AFRC doit aussi participer à l'amélioration de la qualité de la relation client par la formation et promouvoir la norme EN 15838. Créer de l'emploi durable et participer à la lutte contre le chômage en étant un secteur modèle en matière de diversité d'accessibilité à l'emploi fait aussi partie de nos objectifs. Enfin, l'AFRC doit innover et imaginer la relation client du futur. Dans ce dessein, elle doit comprendre l'impact du numérique et d'Internet sur les métiers de la relation client, analyser l'implication des consommateurs dans les blogs, forums et réseaux sociaux pour adapter nos organisations et inventer de nouvelles formes de relation client.
Eric Dadian/ Association française de la relation client
«L'association doit imaginer la relation client de demain.»