Comment les géants des réseaux sociaux font leur pub
S'il est fréquent d'analyser les budgets publicitaires des marques sur les réseaux sociaux, il est moins courant de connaître les investissements publicitaires réalisés par les réseaux sociaux pour leur propre compte. C'est désormais chose faite, en exclusivité, par Kantar Média.
Je m'abonneKantar Media s'est intéressé aux dépenses des géants sociaux aux États-Unis, et aux quelque 117,9 millions de dollars qu'ils ont consacrés l'année dernière en publicité. Premier constat: deux d'entre eux se tenaient, en 2016, bien au-dessus du reste des dépenses en jeu.
Sans grande surprise, le géant au 1,9 milliard d'utilisateurs mensuels, Facebook, qui dépasse désormais le simple réseau social pour devenir un véritable conglomérat hybride, occupe la première place de ce classement. On retrouve ensuite LinkedIn, qui a également dépassé le statut de réseau social depuis son acquisition par Microsoft, fin 2016.
Les chiffres montrent clairement que la percée de Facebook coïncide avec une escalade massive de sa publicité. Mark Zuckerberg a ainsi plus que triplé ses dépenses (jusqu'à 80 millions de dollars) entre 2015 et 2016. Au cours de cette même période, LinkedIn a enregistré une augmentation massive de ses dépenses publicitaires, qui ont été multipliées par 5 (jusqu'à 22 millions de dollars). À noter toutefois que ces montants sont toujours beaucoup plus bas que ceux de Facebook.
À l'inverse, Twitter a réduit son budget publicitaire de deux tiers en 2016. Le géant social a abandonné la publicité télévisée, en faveur de l'écosystème digital, plus abordable. Quant à Snapchat et Pinterest, ils ont fini l'année avec une hausse de leurs investissements, mais rien de comparable face aux niveaux budgétaires des deux leaders.
Les choix publicitaires et médiatiques de Facebook illustrent très clairement les objectifs de marque de Zuckerberg: faire de son réseau un outil du quotidien, aussi omniprésent dans la vie des gens que l'électricité. On ne s'étonnera donc pas de l'utilisation intensive qu'il fait de la télévision, média de masse par excellence.
En 2016, LinkedIn a également fait un test sur le marché de la télévision... tenant du pari audacieux: 80% de leurs dépenses investies en publicité télévisée (soit 1,7 million de dollars) ne l'ont été que sous la forme d'une seule annonce, diffusée pendant les Oscars.
C'est là que la campagne de Linkedin a divergé de Facebook: alors que Facebook s'efforçait de faire appel à la masse globale, LinkedIn a réalisé une approche d'inspiration ciblée qui présentait un astronaute sur un vaisseau spatial, accompagné du slogan, " Vous êtes plus proches que vous ne le pensez" (voir la vidéo ci-dessous). Un spot se référant à la façon dont LinkedIn a aidé la NASA à découvrir son prochain astronaute en proposant 3 millions de candidats qualifiés. Une image vivante et puissante, un parti pris pour LinkedIn qui cherche à aider les gens à révéler leur potentiel.
En plus de la publicité TV, LinkedIn a concentré le reste de son budget publicitaire sur internet display, afin de toucher des publics spécifiques - des professionnels dans des secteurs donnés.
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Facebook et LinkedIn démontrent ainsi que deux titans de l'industrie peuvent atteindre des objectifs de marque avec des stratégies bien différentes. Le premier convoite une audience massive, l'autre, un public bien défini.
En plus d'opter pour différents supports publicitaires, Facebook et LinkedIn ont choisi de mettre en évidence différents aspects de leurs services. LinkedIn met l'accent sur la promotion de son site et application web - LinkedIn en ligne. Alors que Facebook investit plus sur un produit spécifique au sein de sa marque, notamment Facebook Live.
Pour ce nouveau service de partage de vidéos en herbe, Facebook a encore fait le choix du support télévisé pour la majeure partie de sa publicité. La TV: le canal parfait pour atteindre le public mondial du Live. Un tel choix est une indication claire de l'importance du Live pour l'évolution de Facebook qui pourrait, à terme, ne plus servir uniquement de 2e écran sur lequel les gens commenteraient des émissions, mais bel et bien définir une nouvelle génération de télévision.
En fait, Mark Zuckerberg se décrit comme "obsédé" par les vidéos en direct et leurs chiffres d'engagement spectaculaires (10 fois plus de commentaires que les vidéos standards). La télévision, aujourd'hui déplacée sur le web et les réseaux sociaux, est clairement devenue en 2016 une tendance au potentiel de croissance exponentiel. Il ne fait plus aucun doute que les formats vidéo vont bientôt dominer le web.
Preuve de ce nouveau positionnement du réseau, Nicola Mendelson, VP EMEA Facebook, a également mentionné l'avenir de Facebook. Pour elle, Facebook serait "définitivement" mobile dans le futur, et évoluera probablement son format pour être exclusivement vidéo.
Pendant ce temps, LinkedIn met en évidence sa solution d'e-learning, en plus de fournir des livres blancs et des guides pratiques pour informer ses communautés. Une façon de démontrer son positionnement précis sur l'apprentissage et son engagement à devenir le lieu idéal pour le développement professionnel. Cette direction, cohérente, va, d'une part de pair avec l'acquisition de la société d'e-learning Lynda.com, d'autre part avec l'envie, pourquoi pas, d'"ubériser" le marché en proposant une nouvelle forme d'université en ligne, boosté à l'intelligence artificielle, pour déterminer en fonction des CV les compétences manquantes sur un profil et des suggestions de formation. Tout un programme.
Il est facile de peindre Facebook et LinkedIn de la même manière. Ils sont tous deux pionniers dans leurs champs respectifs. Cependant, un coup d'oeil rapide sous le capot révèle deux moteurs de marketing entièrement différents, tous deux couronnés de succès. Facebook veut être roi. Sa philosophie est claire - fournir un service dont vous avez besoin tous les jours et sans lequel vous ne pouvez plus vivre. Ce qui explique que les fonctionnalités se développent sur tous les fronts (e-commerce, outil de communication professionnel etc.)
LinkedIn vise un objectif moins tentaculaire... Le bureau du coin avec la vue, qui relie les professionnels et les entreprises et les aide à se développer. Ce qui lui réussit, semble-t-il.
Quid de la France?
Pour l'heure, les investissements publicitaires des géants sociaux en France sont plus timides et restent essentiellement cantonnés au leader Facebook (incluant la plateforme Facebook + Instagram). Néanmoins, 2016 marque sans doute un tournant, s'affichant comme la première année où des investissements publicitaires ont véritablement vu le jour en France. S'il faut toutefois noter que les investissements publicitaires sont très modestes et incomparables avec ceux réalisés aux US (40 fois inférieurs), les prises de paroles de ces géants sont à prendre en compte, mais restent essentiellement axées sur la publicité extérieure et sur Internet.
Facebook France mise sur du branding général pour son site et son application, mais aussi sur des produits/thématiques différent(e)s, notamment Facebook Développement, qui s'adresse aux professionnels, et leur propose de développer l'application à leur image. Dans la même lignée, on retrouve la promotion de Gameroom, et la dimension ludique de l'application. Contrairement aux pratiques américaines ont sent que l'accent est davantage mis sur le développement et l'appropriation par les marques de la plateforme.
En Juin 2016, quelques semaines après son rebranding, Instagram s'est illustré en lançant sa toute première campagne de communication en exclusivité pour la France, démontrant ainsi l'importance stratégique de l'Hexagone pour la firme de Mark Zuckerberg.
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Grâce à un dispositif d'affichage traditionnel (Out Of Home "OOH") et digital (Digital Out Of Home "DOOH"), couplé à de l'Internet et du cinéma, le réseau dédié à l'image a choisi de célébrer ses utilisateurs francophones en mixant plusieurs photos d'instagrameurs pour n'en former qu'une seule. Une opération nommée #OnlyOnInstagram et signée par l'agence de publicité Marcel.
Snapchat pour sa part, a lancé sa première campagne d'affichage en France à peu près à la même période qu'Instagram. Cette campagne, plus classique, a été déployée dans une vingtaine de gares et dans le métro parisien. Les affiches, très épurées et sans signature "Snapchat", mettaient en avant des filtres géolocalisés de Paris et parfois le logo de l'application sur un fond jaune très lumineux (celui de la marque).
En conclusion
Les géants sociaux sont-ils en train de devenir les rois de la com' publicitaire? Il semblerait que la maturité ne soit pas la même en France et aux États-Unis, et que les stratégies soient différentes. Cependant, une chose est sûre: le virage est pris et les campagnes devraient peu à peu se diversifier encore plus et s'intensifier dans les années à venir. Des campagnes sans doute moins généralistes, faisant la part belle aux fonctionnalités phares comme le Live, la réalité augmentée ou des "Snap codes" et autres variantes....
Désormais, rien n'est trop beau, ou trop cher, pour séduire!
L'auteur
Marie Dollé, responsable des contenus chez Kantar Media, est spécialiste en stratégie de contenu digital. Elle intervient également à l'ESP - École Supérieure de Publicité.