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[Design Branding] Les marques familiales

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Bon sang ne saurait mentir et sur cet adage, de grandes familles ont fait leur fortune. Depuis une décennie cependant, " les filles et fils de " occupent la scène médiatique et commerciale de manière systématique, au point de se demander si on n'assiste pas à un nouveau phénomène...

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Petit rappel...

Une marque est l'ensemble des signes et des attributs d'image qui donnent à un produit ou à un service une valeur qui dépasse ses qualités intrinsèques objectives. Il s'agit de son capital émotionnel, de sa réputation, de tout ce qui la rendra attractive auprès de ses audiences (publics, médias, influenceurs).

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L'individu devient sa propre marque...

Avec la montée en puissance du " personal branding ", il n'y a plus de pudeur à parler de marque pour une personne vivante. Aujourd'hui, chacun peut se faire conseiller pour gérer son image et la faire fructifier au mieux. C'est un capital précieux. Avec le développement des réseaux sociaux, ce capital d'image peut être facilement diminué ou augmenté. Les personnes célèbres, ou qui aspirent à le devenir, engagent des professionnels pour gérer leurs profils sur Facebook ou Instagram. Dans son dernier roman " Vernon Subutex ", Virginie Despentes nous explique la machine infernale à démonter une réputation via les réseaux sociaux. Il y a des gens qui sont payés pour ça.

Tout est marque, nous sommes tous des marques à partir du moment où nous avons quelque chose à proposer, et que nous le rendons public (même restreint).

... à condition de la construire en cohérence

La grande nouveauté, c'est que l'acquisition d'un début de notoriété (et donc d'une visibilité monnayable) suffit à construire une marque. On l'a vu avec l'explosion de la télé-réalité, un accélérateur de notoriété et donc, un moyen de bâtir rapidement sa propre marque. Sauf que... La marque ne fait que mettre en valeur le produit.

Et le produit, parfois, laisse à désirer. En clair si une personne devient rapidement célèbre pour sa seule exposition médiatique, cela ne suffira pas. Si le Stevie du loft avait suffisamment d'esprit pour installer sa marque, Loana, elle, n'a pas su résister à la déchéance de son corps. Nabilla suivra le même destin funeste. À cet égard, la création de l'empire Kardashian (et par extension Jenner) est remarquable. C'est un rare exemple de marque construit sur pas grand-chose, si ce n'est une famille fantasque (avant de devenir fantastique). La famille Kardashian ? Le précurseur de la " marque & fils" moderne.

Une marque peut-elle se transmettre ?

Dans l'industrie, on dit souvent que le père fonde, que le fils développe et que le petit fils dilapide. Peut-on le vérifier dans l'industrie du spectacle, par exemple ? Quelquefois oui. Kirk Douglas fut le premier acteur du clan. Mickael Douglas, en y mettant le temps, n'a pas trahi l'héritage du père en menant une carrière honorable. Mais pour Cameron Douglas et ses problèmes de drogue récurrents, cela semble mal parti.

Une marque a toujours un fond, une promesse centrale, un ADN qui se transmettra de génération en génération et qui permettra aux produits de vivre sur le long terme. Volvo est solide, Disney magique, Sony innovant. Une " marque & fils" forte obéit aux mêmes lois.

La famille Noah : un ADN conservé

Prenons l'exemple des Noah. Le grand-père était footballeur, le père tennisman et le petit-fils basketteur. L'ADN est dans le sport et le spectacle, même si dans leur cas, on observe le contraire de ce que nous décrivions plus tôt. Le petit fils Noah qui joue en NBA n'a pas fait que vivre sur ses acquis de marque familiale, il les a développés.

Non seulement, un Noah peut-être un bon sportif (le grand-père Zacharie), un bon sportif qui fait du spectacle (le père Yannick) mais un bon sportif qui fait du spectacle et gagne énormément d'argent (le petit-fils Joakim). Les " marques & fils ", tout comme les marques, peuvent être endommagées ou carrément détruites.

Quelle légitimité pour l'héritier ?

On est en droit de se demander pourquoi les " fils et filles de " ont autant de succès d'autant que dans les conversations de comptoir, c'est désormais devenu une rengaine : " ah oui, c'est encore un fils de, un bon à rien, un pistonné ". Oui, mais ça marche. Vous êtes breveté, labellisé, il n'y a plus qu'à dérouler.

Ca marche ? Pas toujours. Les ayants-droit de la marque de famille sont parfois incapables de supporter la pression. Un peu comme dans l'automobile. La sortie de la Twingo avait marqué les esprits si bien qu'à chaque nouvelle version, on ne peut s'empêcher d'établir des comparaisons avec le modèle d'origine. Sera-t-elle aussi bonne et aussi belle que son ancêtre ? C'est un peu la même chose pour les marques de famille.

Les héritiers sont scrutés, regardés à la loupe avec une telle férocité qu'ils peinent souvent à développer leur propre personnalité.

Les dynasties royales : des marques qui durent

Les familles royales sont aussi concernées. Le prince George est un parfait produit de la royauté britannique et tout le monde s'en réjouit. Dans l'Émirat de Dubaï, on a simplement réglé le problème. Sur la dizaine de fils qu'il a eu, le monarque Maktoum a choisi Hamdan (photo), le plus beau et le plus sportif et l'a nommé prince. Une façon originale de sélectionner son produit pour qu'il ne trahisse pas la renommée de la marque familiale. Les anglo-saxons pourraient appeler cela le " celebreeding ".

La diversification est envisageable...

Dans le monde du marketing, l'extension de marque, ça ne marche pas à tous les coups. Et l'extension d'une " marque & fils " alors ? Une marque familiale qui a brillé dans le sport ou la politique peut-elle se réincarner dans le spectacle ? Ou inversement ? Le risque encouru est toujours très grand, d'autant qu'en France, on n'aime pas les gens qui changent de métier. Un acteur ne fait pas de politique.

Aux Usa, cela semble moins problématique. Après tout Ronald Reagan (photo) était devenu le quarantième président des Etats-Unis. Sans doute parce que chez l'oncle Sam, tout est spectacle, en particulier la politique. Bernard Tapie fut chanteur, homme d'affaire, présentateur de télévision, patron sportif, responsable politique mais il a tellement dilué son image qu'il a perdu toute crédibilité. La " marque & fils " Tapie a vécu.

... mais le renforcement est préférable.

Dans le monde des marques, on dit souvent qu'il faut rester centré sur son domaine de prédilection et constamment le faire évoluer. C'est un principe qui fonctionne bien avec les " marques & fils " de la société du spectacle les plus connues, comme les Fratellini [célèbre famille d'artiste de cirque dont la renommée débuta au début du XIXème par le trio fraternels de clowns, NDLR].

Le gage de la réussite, c'est souvent la capacité de ces familles à exister sur le long terme, parce que ce qu'elles ont à vendre est fragile : c'est leur image. Et on le sait, une image, au fil du temps, jaunit, se racornit.

En conclusion...

Si le phénomène des marques de famille ne semble pas nouveau, il touche aujourd'hui des secteurs plus surprenants comme le sport, la télévision et la philosophie. Il a pris aussi des proportions démesurées liées à la surexposition médiatique. Vous aimez les Zidane? On va vous donner du Zidane, sa vie, son oeuvre, sa descendance !

Toute personne célèbre jouissant d'un fort capital de sympathie sera désormais jugée à l'aune de sa progéniture. Telle est la nouvelle donne : "On attend d'une star qu'elle procrée des stars."

L'auteur : Olivier Auroy, directeur général corporate de CBA

L'auteur de ce dossier est Olivier Auroy, directeur général corporate de CBA., une agence spécialisée dans la stratégie de marque, l'identité corporate et le brand design.

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