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Marketplaces et Plateformes collaboratives : le nouveau cadre juridique pour 2018

En 2016, 36.6 millions de français ont effectué un achat sur internet, soit plus de la moitié de la population française. Dans le top 5 des sites de e-commerce visités par nos compatriotes, trois sont des marketplaces : Amazon (1er), Cdiscount (2nd), Vente-privée (5ème).

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Quel nouveau cadre juridique pour les plateformes collaboratives et les marketplaces ?

En 2016, 36.6 millions de français ont effectué un achat sur internet, soit plus de la moitié de la population française. Dans le top 5 des sites de e-commerce visités par nos compatriotes, trois sont des marketplaces : Amazon (1er), Cdiscount (2nd), Vente-privée (5ème).

Pour autant, ce modèle économique faisait l’objet d’un encadrement juridique assez imprécis, la faute à des lois multiples et des décrets d’application publiés ponctuellement sans réelle cohérence ni communication sur leur publication.

Le gouvernement français a donc publié le 7 Octobre 2016 dernier la fameuse « Loi pour une République numérique » qui a eu pour objectif d’améliorer la protection des internautes dans leurs rapports avec les différentes plateformes numériques[1]. On voyait ainsi naître les trois grands principes devant désormais régir marketplaces et plateformes collaboratives : LOYAUTE CLARTE et TRANSPARENCE.

Malheureusement la clarté demandée à ces « opérateurs de plateforme en ligne »[2] manquait à cette grande loi, en l’absence des décrets d’application devant fournir des instructions pratiques.

C’est la raison pour laquelle dans le prolongement de la conférence européenne de Tallin du 29 Septembre dernier où le Président de la République a appelé les partenaires européens à créer « de la transparence sur le comportement des plateformes »[3], trois décrets d’application ont été publiés.

Ces trois décrets (https://www.economie.gouv.fr/transparence-plateformes-numeriques-decrets-renforcent-legislation) sont venus renforcer les obligations de transparence et de loyauté que doivent respecter les plateformes numériques en encadrant :

  1. le contenu des Conditions Générales d’Utilisation (CGU) et de Vente (CGV) ;
  2. les mentions du « relevé » que l’Opérateur doit adresser à chaque utilisateur ;
  3. les obligations en matière fiscale et sociale des plateformes ;
  4. les avis en ligne ;
  5. les bonnes pratiques que chaque plateforme devra, potentiellement, diffuser, par l’intermédiaire de chartes ou de livres blancs.

1 – L’obligation d’information : que mettre dans ses CGU?

La loi pour une République Numérique, en créant l’article L111-7 du Code de la consommation, a créé une définition extrêmement large des « opérateurs de plateforme en ligne ». Cela lui a permis de sensibiliser et de concerner un maximum de plateformes[4], quel que soit leur modèle (moteur de recherche, site de bonnes annonces, comparateurs, marketplace, réseaux sociaux, plateformes collaboratives …).

Elle a ensuite imposé à l’ensemble des opérateurs de plateforme de délivrer aux consommateurs une information loyale, claire et transparente portant sur :

  • Les conditions générales d’utilisation (CGU) de la plateforme
  • Les modalités de référencement, déréférencement et de classement des contenus, produits ou services
  • L’existence d’une relation contractuelle, d’un lien capitalistique ou d’une rémunération s’ils ont un impact sur le classement ou le référencement
  • La qualité de l’annonceur et les droits et obligations des parties en matière civile et fiscale, lors d’une mise en relation d’un consommateur avec un professionnel ou non-professionnel.

Toutefois ces obligations de portée générale nécessitaient la publication de décrets afin de préciser les conditions d’application des articles L111-7, L111-7-1 et L111-7-2 du Code de la Consommation.

C’est désormais chose faite avec les trois décrets du 29 Septembre 2017. Mais concrètement, quelles sont les obligations créées par ce décret ?

Le décret 2017-1434 du 29 septembre 2017 précise l’obligation d’information incombant aux plateformes numériques, dont les marketplaces. Celles-ci ont obligation de créer une rubrique accessible depuis toutes les pages du site, donnant tous les critères et les règles applicables pour le classement par défaut des biens ou services, ainsi que pour leur référencement et déréférencement. Il s’agit implicitement d’encadrer le contenu des Conditions Générales d’Utilisation (CGU).

Le résultat du classement (des produits ou des services) qui a été influencé par l’existence d’une relation contractuelle, d’un lien capitalistique ou d’une rémunération entre l’opérateur de plateforme et le marchand référencé doit être identifié et distingué par tout moyen. En outre, tout opérateur de place de marché en ligne doit faire apparaître sur chaque page de résultats, de manière lisible et aisément accessible, le critère de classement utilisé ainsi que sa définition. En pratique, cela revient, pour une plateforme, à indiquer si l’offre d’un vendeur en particulier est favorisée du fait de la souscription à un forfait spécial (et donc plus cher) ou à cause de liens capitalistiques entre l’opérateur et le vendeur référencé (ex : sociétés d’un même groupe, le vendeur référencé est actionnaire de la start up opérant la marketplace, etc…). On retrouve là les mêmes obligations qui incombent désormais à Google qui doit mettre en évidence les sites internet dont le référencement est boosté par des publicités commerciales ou un lien avec Google Shopping[5].

 

Par ailleurs, ce décret dont l’entrée en vigueur est prévue le 1er janvier 2018, prescrit aux opérateurs de plateformes de mise en relation[6]de se doter de CGU comportant les informations suivantes :

  1. La qualité des personnes autorisées à déposer une offre et leur statut de professionnel ou de consommateur ;
  2. Le descriptif du service de mise en relation, la nature et l’objet des contrats dont il permet la conclusion ;
  3. Le prix du service de mise en relation ou le mode de calcul de ce prix, le prix de tout service additionnel payant (lorsqu’ils sont à la charge du consommateur) ;
  4. Les modalités de paiement et le mode de gestion de la transaction financière ;
  5. Les assurances et garanties proposées par l’opérateur de plateforme ;
  6. Les modalités de règlement des litiges et, le cas échéant, le rôle de l’opérateur de plateforme dans ce règlement.

Il s’agit là de grandes nouveautés puisque si l’opérateur met à la charge du consommateur le coût de sa commission, ou de ses services supplémentaires (assurance, garanties, …) il devra nécessairement informer l’utilisateur du coût de sa commission et de ses services additionnels.

 

Concernant les plateformes collaboratives (CtoC – mise en relation de client consommateurs) :

 

Dans l’éventualité où la plateforme collaborative met en relation des consommateurs ou des non-professionnels entre eux, ces informations supplémentaires doivent être mentionnées dans une rubrique particulière et indiquer :

  1. La qualité de l’offreur : professionnel, consommateur ou non-professionnel, en fonction du statut déclaré par celui-ci ;
  2. Si l’offre est proposée par un consommateur ou un non-professionnel :

>> L’Opérateur doit clairement indiquer aux marchands référencés le fait que se présenter comme un consommateur alors qu’on agit dans le cadre d’une activité professionnelle habituelle ou régulière peut être considéré comme une pratique commerciale trompeuse, punie par un emprisonnement de 2 ans et une amende de 300.000 euros. Les sanctions encourues par l’offreur s’il agit à titre professionnel alors qu’il se présente comme un consommateur ou un non-professionnel doivent être clairement indiquées, notamment le fait que le montant de l’amende peut être porté, de manière proportionnée aux avantages tirés du délit, à 10 % du chiffre d’affaires moyen annuel[7] ou à 50 % des dépenses engagées pour la réalisation de la publicité ou de la pratique constituant ce délit.

 

 On assiste donc enfin à un véritable encadrement de l’architecture contractuelle dont doivent se doter toutes les plateformes, qu’elles soient des marketplaces BtoC ou des plateformes collaboratives entre particuliers (CtoC).

 

2 – Obligation des plateformes collaboratives : Que mettre dans les CGV et dans les fiches produits ?

Il est depuis longtemps acquis qu’une place de marché BtoC doit se doter non seulement de CGU mais aussi et surtout de Conditions Générales de Vente (CGV), auxquelles l’opérateur n’est pas partie, qui viendront encadrer la vente entre le marchand référencé et le client consommateur.

Ceci n’avait pour autant pas été précisé dans le cadre d’une plateforme « CtoC », où l’on pourrait croire que la transaction entre particuliers ne doit pas forcément être contractuellement encadrée.

C’est désormais chose faite puisque le décret dispose que pour chaque offre (de bien ou de service), l’opérateur devra veiller à indiquer dans les Conditions Générales de Vente (CGV) de la plateforme collaborative :

  1. Le prix total des biens ou services proposés,
  2. L’existence éventuelle d’un droit de rétractation (s’il est prévu par contrat car L221-18 du Code de la consommation ne s’applique pas aux vendeurs qui ne sont pas professionnels),
  3. L’absence de garantie légale de conformité des biens (les articles L. 217-4 et suivants ne s’appliquent que dans les relations entre professionnels et consommateurs),
  4. L’application éventuelle de la garantie des défauts vices cachés,
  5. Sous forme de liens hypertextes, les dispositions du code civil relatives au droit des obligations et de la responsabilité civile applicables à la relation contractuelle.

On peut d’ailleurs relever le fait qu’alors que le législateur précise que les marketplaces BtoC doivent impérativement laisser aux marchands professionnels la possibilité de publier leurs propres CGV (preuve qu’il comprend que l’opérateur est extérieur à la transaction réalisée par son intermédiaire), il impose toutefois bien à l’opérateur de plateformes collaboratives de préciser le cadre juridique applicable à une transaction entre particuliers.

 

3 – Le relevé utilisateur : que faut-il vraiment envoyer aux marchands référencés ?

L’opérateur de la plateforme numérique a l’obligation d’informer tous ses utilisateurs de leurs obligations en matière fiscale et sociale[8].

Il s’agit en fait d’une double information :

  1. D’abord, les opérateurs ont l’obligation à l’occasion de chaque transaction effectuée sur leur plateforme, de communiquer aux parties à l’échange impliquant le versement de sommes d’argent, les « informations relatives aux régimes fiscaux et à la réglementation sociale applicables à ces sommes, aux obligations déclaratives et de paiement qui en résultent auprès de l’administration fiscale et des organismes de recouvrement des cotisations sociales ainsi qu’aux sanctions encourues en cas de manquement à ces obligations». Ces informations peuvent être portées sur tout support, y compris par l’intermédiaire de liens hypertextes vers des contenus créés par le gouvernement.
  2. Ensuite, les opérateurs doivent fournir en janvier de chaque année, le désormais fameux « relevé utilisateur », qui récapitule le montant brut des transactions qu’ils ont perçu, par leur intermédiaire, au cours de l’année précédente. Le contenu de ce relevé utilisateur est précisé par le décret.

 

Rappelons d’ailleurs que cette double obligation doit faire l’objet d’une certification par un tiers indépendant, avant le 15 mars de chaque année. 

 

4 – Quelles obligations en matière d’avis en ligne ?

Par ailleurs, le décret n° 2017-143- du 29 septembre 2017, dont l’entrée en vigueur est fixée au 1er janvier 2018, vient préciser les obligations des plateformes numériques qui collectent, modèrent ou diffusent des avis en ligne provenant de consommateurs.

Il détermine le contenu et les modalités d’application des informations claires, loyales et transparentes à fournir au consommateur en vertu de l’article L. 111-7-2 du Code de la consommation. L’avis en ligne y est défini comme « l’expression de l’opinion d’un consommateur sur son expérience de consommation ». Plus surprenant, l’expérience de consommation » est, elle, définie comme un commentaire, « que le consommateur ait ou non acheté le bien ou le service pour lequel il dépose un avis ». Ainsi, est considéré comme un avis en ligne tout commentaire que peut laisser un simple internaute sur son expérience de navigation sur un site marchand, même s’il n’y a rien acheté ( !).

L’information sur les modalités de publication et de traitement des avis en ligne que l’opérateur doit transmettre comprend les points suivants :

  • A proximité des avis :
    • L’existence ou non d’une procédure de contrôle des avis ;
    • La date de publication de chaque avis, ainsi que celle de l’expérience de consommation concernée par l’avis ;
    • Les critères de classement des avis.
  • Dans une rubrique spécifique facilement accessible (dans les CGU la plupart du temps) :
    • L’existence ou non de contrepartie fournie en échange du dépôt d’avis ;
    • Le délai maximal de publication et de conservation d’un avis.

Lorsqu’un contrôle est exercé sur les avis, l’opérateur de la plateforme doit veiller à ce que le traitement des données personnelles soit conforme à la Loi informatique et liberté, ainsi qu’au RGPD à compter du 25 mai 2018. Il doit de plus préciser dans la 1ère rubrique mentionnée par le décret 2017-1434 :

  • Les caractéristiques principales du contrôle des avis au moment de leur collecte, de leur modération ou de leur diffusion ;
  • La possibilité, le cas échéant, de contacter le consommateur auteur de l’avis ;
  • La possibilité ou non de modifier un avis et, le cas échéant, les modalités de modification de l’avis ;
  • Les motifs justifiant un refus de publication de l’avis.

S’il arrive à l’opérateur de refuser la publication d’un avis, ce dernier doit informer le consommateur par tout moyen des motifs du refus.

 

5. Dois-je vraiment diffuser des « bonnes pratiques » (Charte et livres blancs) ?

 

Le décret n° 2017-1435 du 29 septembre 2017 fixe quant à lui le seuil au-delà duquel les opérateurs de plateformes en ligne doivent désormais élaborer et rendre accessibles leurs « bonnes pratiques » en matière de loyauté, clarté et transparence dans les informations transmises aux consommateurs par le biais de leurs plateformes.

Ce texte, qui entrera en vigueur au 1er janvier 2019 précise que toute plateforme dont le nombre de visiteurs mensuels uniques est supérieur à 5 millions doit, dans un délai de six (6) mois à compter du 1er janvier 2019, se doter d’une telle Charte, dont le contenu sera a priori épié.

Ces informations, qui devront fournir des recommandations aux marchands référencés sur la façon de mettre en œuvre ces obligations de transparence et de loyauté pourront a priori être recueillies dans des « Chartes » ou des « Livres Blancs ».

 

*****

 

CGU, CGV, Charte, relevé utilisateur, les obligations applicables aux opérateurs de plateformes en ligne s’empilent, de manière empirique mais pas forcément claire pour les acteurs de ce marché.

C’est la raison pour laquelle le cabinet HAAS Avocats, spécialisé dans l’économie numérique depuis plus 20 ans, a choisi de dédier un département de son cabinet à l’activité des marketplaces et des plateformes collaboratives.

De nombreuses prestations sur mesure y sont ainsi proposées :

  • Fourniture de conseils sur mesure, pour accompagner la société dans son projet ;
  • Accompagnement dans la définition du modèle juridique du projet ;
  • Création de l’architecture contractuelle ;
  • Traitement des contentieux ;
  • Déploiement de la plateforme à l’étranger.

Pour être accompagné dans vos démarches ou pour tout renseignement complémentaire, n’hésitez pas à contacter le cabinet HAAS Avocats ici.

 

 

[1] https://www.haas-avocats.com/ecommerce/cles-juridiques-pour-reussir-marketplace/

[2]https://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do;jsessionid=387D3AC4E883780692E3E0F0C0957C96.tplgfr23s_2?idArticle=LEGIARTI000033219601&cidTexte=LEGITEXT000006069565&dateTexte=20171009&categorieLien=id&oldAction=&nbResultRech=

[3] http://proxy-pubminefi.diffusion.finances.gouv.fr/pub/document/18/22764.pdf

[4] Les plateformes en ligne visées par cet article sont celles proposant un service de communication au public reposant sur : « Le classement ou le référencement, au moyen d’algorithmes informatiques, de contenus, de biens ou de services proposés ou mis en ligne par des tiers ; Ou la mise en relation de plusieurs parties en vue de la vente d’un bien, de la fourniture d’un service ou de l’échange ou du partage d’un contenu, d’un bien ou d’un service ».

[5] http://www.huffingtonpost.fr/2017/06/27/avec-la-sanction-infligee-par-leurope-google-a-bien-plus-a-cra_a_23003964/

[6] Qu’elles soient BtoC, ou CtoC

[7] calculé sur les trois derniers chiffres d’affaires annuels connus à la date des faits,

[8] https://www.haas-avocats.com/droits-des-affaires/obligations-sociales-dune-marketplace-mode-demploi/

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