Retail : Comment vous rapprocher de vos clients grâce au digital ?
Près des yeux, près du coeur... Concentrés pendant des années sur l'omnicanal, les retailers utilisent désormais le digital afin d'établir, en ligne, une relation de proximité proche de celle cultivée physiquement avec leurs clients fidèles.
Faire de ses clients des fans, et plus si possible ... C'est le rêve de nombreux retailers, qui ont tout à y gagner, selon les résultats de l'étude des "enseignes préférées des Français" de l'année 2019. Effectuée pour Marketing par le cabinet EY, cette dernière se base sur les témoignages de près de 10 000 clients de 166 enseignes différentes, récoltés au cours du premier trimestre 2019, directement en magasin. Sans surprise, celles qui comptent le plus de fans réalisent les meilleures performances : elles sont 40 à 60 % plus susceptibles d'augmenter la fréquence d'achat et le panier moyen de leurs clients, et croissent, en général, 1,5 à 2 fois plus vite que les autres.
Toutefois, chez Decathlon, "enseigne préférée des Français" cette année, cela dépasse le seul aspect business. Violemment critiqué en février dernier alors qu'il projetait de commercialiser un "hijab" (couvre-tête) destiné à ses clientes musulmanes, le succursaliste n'a pas pour autant perdu de points de popularité. " Pendant cette affaire, des millions de clients étaient avec nous, souligne Xavier Rivoire, à la tête de la communication institutionnelle de l'enseigne. C'est tout l'intérêt d'avoir des fans plutôt que de simples clients. Leur engagement est durable. Ils apprécient nos produits et nos services, mais aussi et surtout notre esprit : rendre le sport plus accessible. " Qu'est-ce qui a permis à Decathlon d'être en tête du classement, avec 51 % des clients désignant l'enseigne comme leur préférée, devant Leroy Merlin (46 %) et Action (38 %) ? Dans le détail, l'enseigne se classe n° 1 sur des critères comme le SAV ou le rapport qualité/prix des produits - prouvant, s'il en était encore besoin, l'importance de ces aspects dans le commerce -, et monte sur le podium quand il s'agit de "confiance", "proximité", "aide à la décision en magasin" et "plaisir lors de l'acte d'achat".
Après des années de focalisation sur l'omnicanalité, l'heure est bien à la création de nouvelles expériences en retail : " Le terme omnicanal est dépassé. Plus personne n'entre dans un magasin juste pour acheter un produit, car, sinon, il irait chez un e-commerçant. Ce que cherche le client, c'est vivre une relation : être accueilli avec un sourire, se voir proposer un café ou regonfler son vélo, reprendre une discussion entamée lors de la dernière visite ... On ne vous pousse pas à l'achat d'un produit ou d'un service, on veut avant tout établir un dialogue. De là naissent les notions de confiance et de proximité ", ajoute Xavier Rivoire. Il cite notamment des décisions comme celle de déréférencer n'importe quel produit à partir du moment où il n'obtient pas une note de 3 sur 5, " et cela dès 20 avis ", ou encore les tests gratuits mis en place par Decathlon afin de prouver que ses produits valent bien ceux de marques comme Nike ou Adidas.
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Amplifier la relation grâce au digital
Reste que selon l'étude menée par EY, l'expérience proposée en ligne est désormais plus importante que celle en magasin en ce qui concerne une majorité de secteurs, à commencer par l'électroménager, la joaillerie, l'ameublement, la mode ou ... les articles de sport. Xavier Rivoire se veut rassurant : " Nous disons toujours que la technologie n'est là que pour enrichir la relation, pour l'amplifier. Sur notre site, vous allez retrouver des conseils, tout comme en magasin. Par exemple, comment monter sur un paddle, l'utiliser, le ranger...". Mais si le digital est bien présent dans le nouveau concept-store Decathlon à Lyon, comment reproduire, en ligne, l'impact d'un accueil physique souriant, avec un café en prime ?
Une relation de proximité "augmentée" ? C'est la voie désignée par les Galeries Lafayette pour gravir les sommets de la préférence client. "Enseigne préférée des Français" dans la catégorie mode multimarque, le retailer devance des pure players comme Asos, Amazon ou Veepee. Pour Nicolas Houzé, directeur général, c'est là le résultat du " travail quotidien réalisé par les équipes pour rendre l'expérience incroyable et ainsi créer un lien fort avec les clients des Galeries. Ce que le digital a plus de mal à faire, car il est plus linéaire et offre un échange plus plat que ce que permet le physique ". Néanmoins, c'est bien le digital qui est au coeur de l'expérience proposée par le nouveau concept-store des Galeries, ouvert en mars dernier sur les Champs- Élysées. À l'heure où l'on nous prédit l'entrée dans l'ère du conversationnel, via le vocal ou les chatbots, les Galeries Lafayette ont décidé d'équiper près de 400 vendeurs, ou "personal stylists", d'un outil leur permettant non seulement de mieux cerner les attentes des clients et de leur faire des recommandations en magasin, mais aussi de poursuivre ces échanges en dehors, via sms ou messagerie.
" Le commerce a évolué : nous avons tous un smartphone, nous allons tous sur les réseaux sociaux ... Dans la vie courante, le digital permet aux clients d'entrer en contact avec toutes nos marques. Il faut donc que l'expérience que nous offrons se digitalise, et que le digital soit utile et non un gadget. C'est l'idée derrière les Galeries Lafayette Champs- Élysées, qui se veut un laboratoire de ces nouvelles pratiques ", commente Nicolas Houzé, tout en revendiquant 200 000 messages échangés entre les vendeurs et les clients de l'enseigne entre avril et juin. Et si les vendeurs ne sont pas disponibles, c'est un chatbot qui prend le relais, en poussant des notifications aux clients lorsqu'un produit est susceptible de les intéresser, ou en répondant aux questions des utilisateurs et en devenant leur "virtual shopper". Selon Levia.ai, la solution derrière cet assistant, 68% des personnes exposées à cet assistant s'abonnent à sa "newsletter conversationnelle", tandis que le taux de conversion de l'assistant vers le site lors des suggestions de produits est de 35 %.
Mais l'aboutissement de cette "proximité digitale" est peut-être à chercher du côté de la multiplication des "programmes relationnels" dont se dotent de plus en plus d'enseignes. Là encore, l'exemple de Decathlon est explicite. L'abandon de son programme de fidélité en mai 2018 lui a permis de recentrer ses efforts et, surtout, d'adapter sa générosité, comme le détaille Xavier Rivoire : " Offrir 5 euros pour 200 euros d'achat à tout le monde, ça n'a plus de sens. Mais offrir, après quelques visites, la gratuité sur les services de l'atelier pour faire réparer ses skis, son vélo ou sa trottinette, en fonction de son profil, ça, c'est utile. Nous pouvons cibler les récompenses et offrir les services les plus adaptés, car nous connaissons mieux les pratiques de nos clients grâce aux notes laissées sur les produits. "
Programme fidélité ou relationnel ?
Fidéliser via un programme relationnel qui ne dit pas son nom, c'est la méthode choisie par de nombreuses marques et enseignes. Elles intègrent, par exemple, à leur application des mécaniques gamifiées, quand elles ne proposent pas à leurs clients d'utiliser un "wallet" mobile, afin de garder à portée de main ou de notification leurs offres personnalisées. Picard, Jacadi et le groupe Boardriders (Quiksilver, DC Shoes ou Billabong), ou encore Lacoste, Intersport et certaines marques de luxe, ont ainsi adopté la solution de Captain Wallet pour nouer une proximité quasi quotidienne avec leurs clients. " Depuis le RGPD, certains retailers ont perdu de 30 à 40 % de leur base opt-in, et le wallet, avec un taux de rétention de 80 à 90 %, permet de garder le contact plus facilement. De plus, grâce aux données des clients fidèles, les offres sont plus précises et, grâce aux notifications sur mobile, elles sont aussi plus utilisées. On observe une hausse des paniers moyens de 7 % en moyenne ! ", remarque Axel Detour, CEO de la solution Captain Wallet, qui collabore de plus en plus avec les acteurs de la grande distribution.
Dans un contexte post-EGalim, ces derniers se tournent également vers la gamification pour remplacer les traditionnelles promos et opérations fidélité. Avec les "défis fidélité" d'UntieNots, les porteurs de carte de Carrefour Belgique et d'Auchan France profitent de promotions personnalisées sur les produits qui les intéressent le plus, s'ils achètent le plus de produits de la marque dans un temps imparti. À la clef, un ROI de 7 pour chaque euro de générosité distribué, avec des paniers moyens mensuels en hausse de 10 à 12 % et une visite supplémentaire enregistrée chaque mois. Soit des résultats aussi intéressants que ceux enregistrés par le Groupe Casino avec la solution concurrente Lucky Cart, qui offre, elle, une chance de remporter le montant de son Caddie.
Seule obligation ? Avoir téléchargé l'application Casino Max. De quoi ouvrir à l'enseigne le champ des possibles, comme l'indique Alban Schleuniger, directeur marketing digital de Casino : " La dématérialisation de nos programmes de fidélité et relationnels nous offre un meilleur feedback et un meilleur suivi des actions. Elle nous permet d'échanger directement avec 500 000 clients chaque jour sur les applications des enseignes du Groupe Casino. On sait ce qu'ils font sur l'application, s'ils interagissent avec nos offres, s'ils viennent en magasin et s'ils passent en caisse. En moyenne, les utilisateurs viennent 12 fois par mois dans l'application, et nous enregistrons chez eux des montants de panier 15 % plus importants. "
Au-delà du fait d'établir une relation avec ses clients via Casino Max, l'enseigne n'oublie pas pour autant de remplir les autres impératifs d'un retailer : les utilisateurs voient leur expérience en magasin fluidifiée grâce au scan express, qui est disponible dans 100 % des magasins, tandis que " des bornes ont été installées dans 80 magasins pour le paiement in-app, qui permet de faire ses courses sans passer en caisse, 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7 ". La dématérialisation des coupons de fidélité, adoptée par 280 000 utilisateurs, puis celle des tickets de caisse prévue en septembre prochain, contribuent à réduire l'impact environnemental du distributeur. Et alors que Monoprix a décidé d'arrêter ses catalogues en début d'année et que Franprix devrait suivre au deuxième semestre 2019, à quand le tour de Casino ?
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