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À contre-courant des pratiques des éditeurs en ligne, vous commercialisez au même prix les versions print et digitale de vos magazines ?
Ce modèle de diffusion payante est complètement cohérent avec notre stratégie de valeur. Les contenus digitaux ne sont pas des sous-contenus. L'exigence est la même : nous ne cédons pas à l'info low cost, facile et non vérifiée.

Comment l'éditeur que vous êtes intègre-t-il les impératifs d'audience ?

Notre stratégie de valeur sert l'efficacité publicitaire, comme le montre l'enquête de TNS Sofres1. Il faut que le marché comprenne que ce n'est pas le nombre, mais la qualité des personnes auxquelles vous vous adressez qui compte. Ce que nous perdons en puissance, nous le gagnons en cohérence et en valorisation de nos marques. Les annonceurs achètent la prescription et nous vendons de la capacité d'influence. Plus que le nombre de clics, nous privilégions la qualité de l'engagement, qui repose sur la qualité de nos contenus. Nous ne sommes pas dans une approche quantitative, mais dans une logique d'affinité et de création de valeur. Et cette différence crée la préférence.

"Les contenus digitaux ne sont pas des sous-contenus."

Cette stratégie de valeur se retrouve dans votre approche publicitaire : vous rejetez le modèle du CPM ?
Nous considérons que nous sommes dans une stratégie partenariale et de valeur, et non de volume, ce qui tire les prix vers le bas sous la pression d'acteurs comme Google. Nous commercialisons des packs thématiques2 qui correspondent à la valorisation de nos marques. De la même manière qu'une marque de luxe paiera plus cher pour figurer sur Madison Avenue ou Les Champs-Élysées, elle paiera plus cher son espace publicitaire chez nous, non pas parce que nous proposons une audience massive mais parce que nous lui offrons un contexte exigeant et une caution de marque.


Le hors-média est-il un levier de croissance important chez Condé Nast ?

Notre stratégie, c'est de nourrir notre influence pour ensuite développer la transaction, on line ou hors-média. C'est pour cette raison que nous avons pris une participation dans Vestiaire Collective en septembre 2013, site de dépôt-vente en ligne dédié au luxe, ou bien encore que nous développons des activités d'extension de nos marques. La diversification est une conséquence de notre stratégie de valeur. Parce que nous faisons autorité dans nos domaines et que nous possédons un portefeuille de marques homogène, nos publics nous font confiance sur des thématiques qui sont une autre forme d'éditorial. AD est un peu votre "marque pilote" en la matière...

Nous avons en effet lancé cette stratégie avec AD : l'exposition AD Interieurs en est à sa cinquième édition et nous comptons déjà 35 000 visiteurs. Outre les conférences AD Talk, lancées il y a trois ans, nous créons AD Collection pour la première fois cette année. Elle réunira, sous la forme d'une exposition au Quai d'Orsay, 550 oeuvres uniques contemporaines. Nous déployons cette stratégie hors-média pour nos autres titres, comme GQ, qui a lancé une "Académie du style GQ" en septembre dernier, et qui prévoit de créer une "GQ Style Night" l'an prochain. Cette stratégie est internationale : le groupe vient d'ouvrir un premier lounge d'hôtel en Inde et projette d'ouvrir une école de formation à Shanghai. Dans quelle mesure cela change-t-il votre business model ?

Parce que le business model traditionnel fondé sur la prescription s'érode, il nous faut trouver de nouvelles façons de générer des revenus additionnels et de faire rayonner nos marques médias. Le hors-média est un réel moteur de croissance. À titre d'exemple, 40 % de la marge du magazine AD proviendront en 2014 des opérations hors-média. Plus globalement, cette diversification représente 9 % du chiffre d'affaires de Condé Nast International, et 6 % en France. Nous misons, à terme, sur un objectif de 15 %.

1 Selon l'étude TNS Sofres, la qualité des contenus rejaillit sur la performance publicitaire, que ce soit en termes de notoriété des marques (83 %, contre 72 % pour les titres hors Condé Nast), d'attention qui leur est portée (59 %, contre 49 %) et d'incitation à l'achat (89 %, contre 85 %).

2 Condé Nast commercialise trois packs : 20 000, 40 000 ou 80 000 euros.

Maud Vincent

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