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Anaïs Harmant (ManoMano) : "La technologie libère la créativité"

Publié par Clément Fages le - mis à jour à
Anaïs Harmant (ManoMano) : 'La technologie libère la créativité'

ManoMano, de par son statut de pureplayer et son positionnement sur le marché de l'aménagement du domicile, sort doublement renforcé de cette crise inédite. Mais rien n'était acté, et Anaïs Harmant et ses équipes ont dû faire honneur à l'une des valeurs de la marque : l'audace. Quand débute la crise, elle décide de maintenir toutes ses campagnes, confiante dans la capacité des médias hors-ligne à performer. Des certitudes développées chez M6 Mobile, Disneyland Paris ou Microsoft, et qui font d'elle la Personnalité Marketing de l'Année selon les lecteurs de Marketing / e-marketing.fr.

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Marketing : Vous avez été nommée Personnalité Marketing de l'Année 2021 par nos lecteurs. Félicitations ! Qu'est-ce que cette récompense change pour vous ?

Anaïs Harmant : J'ai été particulièrement surprise de remporter cette élection. Je tiens à féliciter les 9 autres candidats, qui ont tous beaucoup travaillé pour en arriver là. En tant que femme, c'est encore plus important de le rappeler. Depuis la cérémonie (le 23 novembre 2021, ndlr), j'ai reçu beaucoup de messages de félicitation, et j'ai aussi été particulièrement sollicitée pendant la campagne. Mais je ne suis pas seule, et je dois beaucoup à nos équipes. 30 personnes travaillent au marketing de ManoMano et ont contribué au doublement de notre chiffre d'affaires en 2021. Je profite donc de ce prix pour les remercier et remercier mes anciens managers qui m'ont fait confiance, et pour dire à vos lecteurs qu'il faut faire confiance à aux équipes, investir pour développer leur potentiel, leur donner les moyens d'agir et surtout qu'il faut les récompenser pour les fidéliser !

Que faites-vous pour fidéliser vos équipes, vous qui êtes également en charge du développement de la marque employeur ManoMano ?

C'est un enjeu de taille : nous avons recruté 180 personnes en 2021, et nous cherchons à embaucher 1000 personnes dans les 18 prochains mois, sur des secteurs du marketing et de la tech qui sont sous tension. Pour séduire, nous avons mis en place la possibilité de faire du full remote et de travailler de n'importe où. Nous avons une politique parentale avantageuse, alors que nous ciblons particulièrement les jeunes parents ou les futurs jeunes parents. En France, nous bénéficions aussi de notre statut de scale-up, ce qui n'est pas le cas sur tous nos marchés. Nous devons développer une relation de proximité, humaine, tant dans nos communications de marque que dans notre approche managériale. C'est un enjeu car nous avons décidé d'intégrer une partie de nos métiers, tant dans une logique de maîtrise des coûts que pour que ces personnes aux compétences diverses et qui interviennent tout au long du customer journey puissent se rencontrer, échanger et in fine améliorer l'expérience offerte à nos clients et générer plus de ROI. Et quand rien ne justifie d'internaliser, comme par exemple en matière d'achat média offline, où nous ne dépensons pas assez, nous faisons appel à des agences.

Vous incarnez le marketing moderne : un branding créatif sur des médias classiques, et un suivi strict des performances grâce au digital et à la data. Que répondez-vous à ceux qui trouvent que les métiers du marketing deviennent trop technologiques ?

Que la technologie permet de valider de nombreuses pratiques : quand je suis arrivée chez ManoMano, une entreprise experte dans le suivi de la performance des actions en ligne, j'ai dû m'imposer pour prouver l'efficacité des campagnes offline. Chez M6 Mobile, j'ai appris la puissance du média TV. Chez Disneyland, j'ai appris à défendre mes idées sur la base de chiffres. Cela m'a été très utile chez Microsoft, qui est " ROI-driven " et dispose d'une forte culture marketing, et plus encore pour entrer dans le moule chez ManoMano. Avant de faire de la télévision, nous avons utilisé pour la première fois la radio afin de faire du branding. Six mois plus tard, nous avions pris dix points supplémentaires de notoriété, ce qui a validé la pertinence de cette approche. Technologie ou pas, certaines pratiques marketing fonctionnent toujours et continueront à fonctionner à l'avenir. C'est certain, il y a beaucoup de complexité dans les outils et l'utilisation de la data. Aussi, il faut savoir faire preuve de pragmatisme pour être efficace. Il faut éviter les artifices et se concentrer sur des outils simples et une stratégie claire pour ne pas perdre les équipes et rendre trop complexe la résolution des éventuels problèmes.

Pour vous, la technologie n'est pas l'ennemi de la créativité, comme on peut l'entendre chez certaines critiques de l'achat programmatique ?

Au contraire ! En validant l'efficacité de certaines campagnes, la technologie permet de débloquer des budgets supplémentaires pour travailler avec des agences comme Remind PHD, Marcel et Labelium et investir encore plus dans la création. Ces dépenses peuvent sembler conséquentes par rapport à notre taille, mais elles se justifient par nos enjeux de croissance. Nous continuons toutefois à optimiser ces investissements, en ne travaillant par exemple qu'avec une agence sur tous nos marchés, et à suivre étroitement leurs performances. Quand notre campagne a été diffusée pour la première fois au Royaume-Uni en début d'année 2021 à l'occasion de l'émission d'Oprah Winfrey consacrée à Meghan et Harry, laquelle a rassemblé une dizaine de millions de téléspectateurs, nous avons observé que c'était le spot qui avait généré le plus de visites sur le site de l'annonceur parmi tous les spots diffusés sur les écrans publicitaires de cette soirée. La créativité est donc particulièrement payante ! En 2020, Kantar avait ainsi comparé l'efficacité de nos publicités et celle d'un concurrent. Si notre part de voix TV en matière de pression publicitaire était de 65%, la part de voix TV en matière d'efficacité était de 92% !

Quels sont les éléments créatifs qui vous distinguent selon vous ? Est-ce votre ton décalé et humoristique ?

Il y a l'humour, mais aussi le fait d'être dans la réalité des gens. On se veut la marque de bricolage et d'aménagement de la maison la plus proche de vous. Nous ne sommes pas une marque aspirationnelle, nous sommes dans les problématiques concrètes du quotidien. En moyenne, il y a douze projets de bricolage en suspens chez un Français : une lampe à réparer, une étagère à fixer... Nous voulons vous permettre de réaliser ces projets. Nous sommes une marque de proximité..

Le fait d'éviter le jargon et la technicité dans vos publicités, est-ce une forme de transparence ?

La publicité doit être un divertissement, d'autant plus en ces temps de crise. Mais elle ne doit pas être hors-sol. Plus que de transparence, c'est une forme de "parler vrai". Pas besoin d'enchaîner les superlatifs ou d'en faire trop pour toucher des gens qui ne sont plus dupes. Leur temps d'attention est trop réduit, et les marques se concurrencent trop pour les atteindre. Il faut créer une relation sur la durée et être facilement identifiable, par une mascotte, un logo, un son, un gimmick comique...

Metaverse, NFT, gaming... De nombreuses marques cherchent seulement à rebondir sur les dernières tendances pour être considérées comme cool. Ce n'est pas votre cas ?

Encore une fois, nous préférons nous concentrer sur des choses simples et qui ont prouvé leur efficacité. Je suis par exemple convaincue que le live shopping ou la TV segmentée seront incontournables à l'avenir. Mais ce n'est pas pour autant que nous allons faire dès demain de la TV segmentée : en France, le reach est encore trop faible, et sur des marchés où cette pratique est bien installée, comme le Royaume-Uni, nous avons des enjeux de notoriété tel que nous n'arrivons pas encore à avoir une couverture sur cible satisfaisante en TV linéaire. Rien ne justifie d'utiliser la TV segmentée tant que nous n'avons aucun problème de déperdition ou de surpression sur certaines cibles. De même, le live shopping est un formidable moyen d'engager des audiences tout en leur donnant du conseil. On transforme ainsi l'expérience habituellement offerte sur le digital. Mais il faut que ce soit authentique ! Je pense que ce format est idéal pour parler de bricolage. Mais dans une logique de simplicité, notre enjeu actuel est de réussir à utiliser les réseaux sociaux pour répondre à de tels objectifs, avant de nous lancer sur des formats plus complexes. Quant au metaverse... Chez Microsoft, nous avions déjà de nombreux sujets de ce type, et il faut sovent plus d'une décennie pour démocratiser véritablement de nouveaux usages. Nous devons grandir très vite sur cinq marchés, car la digitalisation se fait maintenant. Nous pourrions avoir un intérêt à faire des opérations engageantes dans les metaverses ou le gaming, mais je dois me focaliser sur les canaux qui offrent le plus d'impact.

Vous n'êtes pourtant pas avares en opérations créatives, à l'image de votre hotline AllôMano pendant le confinement ?

Oui, là encore en cherchant à être simples, concrets et en s'inscrivant dans la réalité des gens. Ce printemps, nous avons aussi organisé une campagne digitale ciblant ceux qui déménageaient, et en nous basant sur le constat qu'en cette occasion, on vit souvent quelques jours, ou même plus, au milieu des cartons. Aussi nous avons créé des cartons qui ressemblent à des meubles en proposant de les distribuer gratuitement à ceux qui en font la demande. Nous avons écoulé une dizaine de milliers de cartons sur les marchés français, italien et espagnol.

Comment orchestrez-vous vos campagnes sur ces différents marchés ?

Sur le média, nous sommes accompagnés par Remind PHD qui a des bureaux dans tous nos marchés européens. C'est un mode de fonctionnement dont j'ai éprouvé l'efficacité chez Disneyland Paris. En matière de création, nous essayons de trouver des références universelles qui parlent à tous. Nous adaptons seulement les messages afin qu'ils correspondent à l'humour particulier du pays. Dans mon équipe, j'ai six ou sept nationalités différentes, et nous nous reposons au minimum sur deux personnes présentes sur le marché ciblé. Tous s'assurent que le concept proposé par l'agence peut se décliner dans le pays visé et qu'il reste percutant. Pour l'anecdote, en allemand, une perceuse s'appelle littéralement une «machine à trous». Il fallait donc revoir notre copie. En l'occurrence, je pense que nos campagnes italiennes sont encore plus drôles que les campagnes françaises. De manière globale, je dirais enfin que l'Allemagne est le marché le plus difficile à adresser, tandis que l'Espagne offre une plus grande marge de manoeuvre pour réaliser des opérations spéciales ou du placement de produits, ce qui ouvre de nouvelles possibilités.

Que peut-on vous souhaiter pour 2022 ?

Le même succès en Europe que celui que nous rencontrons en France !

 
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