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OuiPub : la face cachée de l’expérimentation

Depuis 2022, l'expérimentation OuiPub est menée dans 14 zones en remplacement du dispositif StopPub. Dans ces zones, il ne s’agit plus de refuser explicitement de recevoir des catalogues et des prospectus. Il faut désormais afficher son désir de recevoir ces imprimés si essentiels pour de nombreux Français confrontés à la crise de pouvoir d’achat.

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Cette expérimentation, issue de la Convention Citoyenne pour le Climat, livrera ses premiers résultats en fin d’année 2024, avant une éventuelle généralisation de la mesure à l’ensemble du territoire. Il faut pour cela que le Gouvernement et les Parlements votent une nouvelle Loi. Une décision qui aurait un impact potentiellement négatif pour une frange de la population, mais aussi par extension pour les enseignes, le commerce local, la filière papier et, paradoxalement, pour l’environnement. Voici pourquoi.

L'expérimentation comporte de nombreux biais

Les 14 zones dans lesquelles est menée l'expérimentation OuiPub ne sont pas représentatives de l’ensemble du territoire. La population y est souvent plus jeune et urbaine, mais aussi plus connectée et donc réceptive aux canaux digitaux utilisés alternativement à l’imprimé publicitaire, qui est principalement distribué dans des zones périurbaines et rurales. Par ailleurs, la population n’a pas été suffisamment informée de l'expérimentation.

Ainsi, de nombreuses personnes désirant recevoir les prospectus n’ont pas apposé l’autocollant OuiPub sur leur boîte aux lettres, alors même qu’en période de crise du pouvoir d’achat, de nombreux consommateurs cherchent à comparer les prix et les offres entre les enseignes…

Depuis 20 ans, StopPub fonctionne très bien

Dans les zones d'expérimentation, OuiPub remplace StopPub, un dispositif qui a fait ses preuves depuis 20 ans, que ce soit auprès des différents acteurs économiques impliqués que des consommateurs : selon les territoires, environ 30% d’entre eux ont apposé une mention StopPub sur leur boîte aux lettres, et ils sont 83% à s’en déclarer satisfaits. Le dispositif a par ailleurs été renforcé en 2020 par la loi AGEC, avec une hausse des amendes pour ceux qui distribuent encore des prospectus dans les boîtes aux lettres concernées.

Pourquoi dès lors remplacer ce dispositif ? Pourquoi changer les règles du jeu pour une filière qui a, depuis 20 ans, pu mettre en place une vraie économie circulaire et durable ?

L’imprimé publicitaire : une filière responsable

Car l’un des principaux arguments mis en avant pour défendre OuiPub est la nécessité de diminuer le “gaspillage” associé à la distribution de catalogues et de prospectus dans les boîtes aux lettres. Or, la filière française du papier est responsable : aucun arbre n’est coupé en France pour faire du papier ! Et là où beaucoup voient dans l’imprimé publicitaire mis à la poubelle un déchet, il s'agit en réalité d’une ressource.

70% du papier est recyclable jusqu’à 7 fois, et 80% de la fibre de papier est utilisée pour produire à nouveau du papier ou du carton… Carton qui aujourd’hui sert comme innovation dans la construction de maison pour ne citer que cet exemple

Paradoxalement, la bascule des budgets vers le digital, moins visible mais croissante, implique une multiplication des outils numériques pour une communication équivalente, engendrant une augmentation de la consommation énergétique et un double impact environnemental.

La baisse du nombre de prospectus met en péril toute une filière

Au-delà de la gestion des forêts, de la production du papier et de son recyclage, la filière comprend également les infographistes, imprimeurs et distributeurs d’imprimés publicitaires, soit près de 300 000 emplois directs. Une industrie dont la survie repose sur le maintien d’un certain volume d’imprimés produits et distribués. Or, dans les zones d'expérimentation, anticipant un trop faible nombre de personnes apposant l’autocollant OuiPub, ou une distribution devenant trop complexe et coûteuse, de nombreuses enseignes ont décidé de stopper la distribution de catalogues et de prospectus, reportant les budgets sur le digital où règnent les GAFAM et autres acteurs étrangers.

On sacrifie ainsi une filière qui crée des emplois locaux et paye des impôts en France au profit d’acteurs internationaux qui monopolisent le marché publicitaire en ligne et pour des bénéfices écologiques incertains mais des conséquences RSE certaines, remettant en cause notre souveraineté économique.

L’impact environnemental caché du virage digital

Toutefois, au-delà des impacts économiques et sociaux évoqués, un aspect moins visible concerne l'impact environnemental de ce basculement des budgets publicitaires du print vers le digital. Bien que moins tangible, cet impact est de plus en plus pris en compte par les retailers qui mesurent les conséquences écologiques de leurs actions de communication. Historiquement, il suffisait d’un levier print pour présenter une offre; aujourd'hui, il faut mobiliser au moins six leviers digitaux pour communiquer la même information.

Moins de prospectus : un handicap pour les enseignes locales

Le catalogue et le prospectus sont des canaux promotionnels majeurs, permettant aux enseignes d’écouler leur stock et de générer du trafic en magasin, ou encore de faire connaître leur offre par rapport à la concurrence. Du côté des consommateurs, c’est un moyen de bénéficier de prix plus attractifs et d’avoir une vision plus exhaustive des différentes offres des enseignes.

De facto, la digitalisation des canaux publicitaires prive une partie de la population éloignée du numérique de l’accès à la promotion. Pire, elle prive également les enseignes d’un levier efficace : dans les zones d’expérimentation, certains magasins ayant abandonné le prospectus ont vu leur chiffre d’affaires diminuer de moitié !

Quant aux acteurs qui décident de transférer leurs budgets publicitaires sur le digital, cela les oblige à subir la concurrence frontale des acteurs du numérique comme Amazon, Shein ou Temu, qui inondent le Web de publicités et n'hésitent pas à vendre à perte pour gagner des parts de marché en France, là où de nombreuses enseignes ferment faute de pouvoir rivaliser.

En conclusion, pour soi-disant défendre l’environnement, on sacrifie une filière locale responsable, privant par ricochet des enseignes en difficulté d’un outil efficace, le tout afin de favoriser des e-commerçants étrangers dont l’activité est loin d’être vertueuse pour l’environnement…

C’est pour défendre la filière papier et les commerçants de proximité que Pub Audit, agence spécialisée dans le géomarketing et la communication locale auprès de 150 enseignes, a mis en place le Cercle d’Alliés, et participe à l’information des citoyens, de nos représentants politiques et aussi des professionnels du retail et du marketing via son podcast Parlons Local.

Pour en savoir plus, retrouvez notre série de podcasts « Parlons local ».

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