[Tribune] Quand l'Europe impose des pratiques éthiques au marketing!
Les marques ont jusqu'à mai 2018 pour se mettre en conformité avec le nouveau règlement européen sur la protection des données personnelles. Une contrainte qui pourrait se transformer en opportunité si elles intègrent une dimension éthique à leur nouvelle manière de collecter et d'utiliser les data.
Je m'abonneJusqu'à très récemment, le marketing abordait essentiellement la problématique des données sous l'angle technique: celui du big data et du marketing automation ; en bref, de l'efficacité et du ROI.
Avec la mise en application en mai 2018 du nouveau règlement européen sur la protection des données personnelles, les aspects juridiques s'invitent dans la discussion. Et, entre le renforcement du pouvoir de l'autorité de contrôle et celui des droits des personnes (droit à l'oubli, droit à la portabilité, refus du profilage à des fins Marketing, etc), mais aussi de nouvelles contraintes organisationnelles pour prévenir les risques, notamment de pertes de data, le marketing va être impacté de façon considérable. Avec de lourdes amendes à la clef: jusqu'à 4% du CA mondial (ou 20 millions d'euros pour les petites structures ) excusez du peu! Alors qu'il faut le reconnaître, si la majorité des entreprises sont désormais sensibles au problème, encore très peu se sont mises d'équerre. Il reste encore quelques mois de répit...
Toutefois, il ne faudrait pas oublier que derrière ces données, ce sont des individus, des citoyens, ceux-là mêmes que l'Europe souhaite protéger: et le marketing ne doit en aucun cas oublier la nécessaire dimension éthique du débat.
Selon l'étude Baromètre de l'intrusion Publicis ETO, près de 8 personnes sur 10 se déclarent "dérangées par le fait que des informations soient collectées et enregistrées dans des bases de données".
Lire aussi : [Étude] Comment garantir l'efficacité des campagnes en respectant les préférences des consommateurs ?
Données qui seront renvoyées au consommateur sous forme de messages publicitaires et offres commerciales diverses, certes parfaitement ciblées et sans doute très efficaces, mais d'autant plus oppressantes qu'il aura le sentiment que l'on lui aura dérobé "quelque-chose qui lui appartient".
Données qui pourraient permettre de manipuler ses choix sans qu'il puisse s'en apercevoir: les récentes révélations des agissements du FSB lors de la présidentielle américaine ne peuvent que renforcer ses craintes...
Bien sûr, on reste ici dans le domaine de la rumeur, voire du fantasme: mais la suspicion à l'égard du marketing est telle que les consommateurs sont prêts à l'accuser de tous les maux.
A lire aussi:
Quelle est la maturité des marques sur la protection des données?
Comment se préparer au règlement européen sur la protection des données?
La dimension éthique apparaît donc stratégique pour restaurer l'image du marketing; mais ce ne doit pas être la seule motivation de la profession.
En effet, à l'heure où la tentation peut parfois être forte de flirter avec la ligne jaune -d'autant que la réglementation européenne conserve des zones floues-, il me semble important de se montrer exemplaire - honnête, transparent,... - non seulement pour éviter de se voir dénigrés par les médias ou contraints par la loi, mais simplement pour avoir la satisfaction de faire parfaitement son métier dans le total respect des autres.
D'autant que bien souvent, éthique rime avec efficacité: en finance, le rendement des fonds éthiques se révèle souvent supérieur à celui des fonds classiques. Et c'est de plus en plus le cas pour les initiatives de marketing responsable...
François Laurent est co-président de l'Adetem, l'association nationale des professionnels du marketing.