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Les nouveaux enjeux du couple agence-annonceur

Contraint à plus de proximité, le couple agence-annonceur n'en subit pas moins la crise. Définir une nouvelle base de collaboration semble inévitable, d'autant que la révolution RSE succède à celle de la digitalisation.

Publié par Clément Fages le - mis à jour à
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Les nouveaux enjeux du couple agence-annonceur
© ©Monkey Business - stock.adobe.com

C'est un serpent de mer qui refait surface à l'occasion des remous occasionnés par la crise sanitaire : quelles relations entre agences et annonceurs ? Grâce à la digitalisation, les agences ont fait preuve de la flexibilité et de la proximité nécessaires pour faire face à l'incertitude du moment. Elles ont souvent été indispensables et intarissables pour guider les annonceurs dans la tempête. Mais celle-ci passée, les sujets de la répartition de la valeur, du calcul de la rémunération et du rôle stratégique des agences sont autant de récifs qui menacent à nouveau. D'un côté, les annonceurs arguent de l'opacité du secteur pour élaguer une arborescence toujours plus dense de prestataires spécialisés. De l'autre, les agences demandent que les relations ne soient plus sabordées par les incessantes compétitions qui dévaluent leur rôle et rendent difficile la conservation des talents. Elles espèrent que la crise aura permis de mettre en avant la difficulté de prendre la barre et de gérer soi-même la création de contenus, la gestion de budgets médias ou, encore, de prendre suffisamment de recul pour concilier clairvoyance stratégique sur le long terme et souplesse opérationnelle sur le court terme.

Cela dit, 32 % de l'activité auparavant confiée à une agence va être internalisée, selon l'étude " Annual CMO Spend Survey 2020-2021 ", de Gartner. Les annonceurs ont la tentation d'embarquer les talents, pour que ces derniers aient une meilleure compréhension de leurs enjeux et un accès facilité à leurs data. Bref, qu'ils opèrent directement, mieux et à moindre coût les leviers marketing. Mais l'internalisation s'avère un processus long et coûteux, souvent réservé aux plus grosses organisations. Il existe des modèles intermédiaires, sans doute renforcés par la crise. " Paradoxalement, cette année sera peut-être notre meilleure année ! Notre petite taille nous permet d'être agiles, et nous remontons la chaîne de décision pour accompagner les équipes plutôt que les remplacer. Nous mettons tout le monde autour de la table, et aidons le client à formaliser ce qu'il sait déjà, mais en prenant suffisamment de recul pour faire sauter les matrices existantes, qui peuvent limiter les réflexions et trop les orienter. C'est un peu de la maïeutique ! ", explique Cyril Pergaud, CEO de The Muzes, agence qui fait sa mue de l'opérationnel au conseil depuis quelques années et accompagne des annonceurs comme L'Oréal, Richemont et Seb.

Intégration et horizontalité

" Nous sommes tentés d'internaliser les compétences en amont, sur la data, par exemple. Mais le digital est si complexe qu'il faut souvent se tourner vers l'externe. Le rôle des agences est alors de conseiller et d'orchestrer ", analyse de son côté Sylvie Noulette, directrice marque et trade marketing chez le spécialiste chinois de l'électroménager Haier. Elle avoue faire pitcher des agences externes tous les deux à trois ans. " Nous externalisons sur le bas du funnel, grâce à des spécialistes de la performance qui opèrent sur Amazon, Criteo ou le SEA. Nous avons aussi une agence créa pour faire les assets principaux, et Havas comme agence média. Mais nous nous tournons de plus en plus vers les publishers pour mettre en place des campagnes performantes sur leur plateforme. Nous avons, par exemple, participé avec Havas à une session organisée par le studio de Teads, où les décideurs et les créatifs étaient rassemblés, ce qui permet un gain de temps considérable et une meilleure compréhension des enjeux de chacun ", conclut-elle. Par ailleurs, son témoignage fait écho à celui de Carlo Baratti, directeur du développement international de l'agence espagnole Making Science, qui attaque le marché français : " Nous développons une plateforme e-commerce et un studio créa, du machine learning et des connecteurs avec Google et Facebook Ads. Nous avons fait le choix du développement horizontal. Les clients veulent rationaliser leur relation avec les agences, et cherchent un partenaire unique plutôt qu'une multitude de prestataires, ce qui accouche souvent d'un monstre style Frankenstein ! Nous entrons par le biais de la performance, avant d'aller sur la data et la créa, le tout en nous fondant sur nos certifications Google, Facebook ou Amazon et notre approche full stack. "

Mais difficile de concilier relation de proximité avec largeur et profondeur en matière d'expertise. De là, les réseaux d'agences tirent leur épingle du jeu, surtout en proposant aux annonceurs un modèle intégré. C'est notamment le cas de The&Partnership, qui accompagne Toyota France : " Le CMO doit travailler avec de plus en plus d'agences pour comprendre le consommateur, l'engager et mesurer la performance... C'est un effort de coordination colossal ! Les agences s'associent en réseau pour créer des attelages couvrant les différents besoins de l'annonceur, mais sans aller jusqu'à notre niveau d'intégration, où toutes ces compétences logent chez le client, pour éviter les silos et être en contact au quotidien avec nos interlocuteurs. Il suffit à Toyota de nous mandater et à nous de nous staffer pour répondre à leur problématique ", explique Matthieu Delcoustal, managing director de The&Partnership, qui a, par exemple, fait une joint-venture avec Wunderman Thompson (WPP) pour monter en compétence sur le CRM. " En évitant les doublons entre agences, notre modèle permet de réaliser de 20 à 30 % d'économie. On ne paie pas deux fois la même expertise. " The&Partnership collabore avec d'autres annonceurs sur des sujets spécifiques, ce qui permet à ses talents d'être confrontés à d'autres problématiques : " Ils travaillent en général à 70 % pour Toyota et à 30 % pour d'autres annonceurs, sur le modèle jour/homme des agences de consulting. " Verra-t-on ce modèle se développer, comme l'espère Matthieu Delcoustal, qui envisage de l'ouvrir en France à d'autres annonceurs en 2021 ? À l'heure d'une deuxième vague épidémique qui renforce plus que jamais le besoin de se digitaliser et d'être flexible, et alors que souffle le vent de la RSE, charriant son lot de nouvelles expertises à intégrer au sein des organisations, la question est ouverte.

" Le modèle évolue et les agences doivent prouver la valeur qu'elles apportent au business de leur client. Ce n'est pas tant que cela une question d'horizontalité ou d'intégration, mais vraiment de valeur ajoutée. Pour en apporter, il faut toujours s'immerger au coeur de l'entreprise et comprendre son ADN pour mener des actions responsables ", avance Julien Quidor dit Pasquet, membre fondateur de l'agence The Good Company, qui milite pour la mise en place de KPI d'impact et lance, début novembre, The Good Proof, une offre destinée à aider les annonceurs à prioriser leurs investissements RSE. Il est rejoint par Vincent Touboul Fachaire, CEO de Goodeed, publisher spécialiste de la publicité solidaire qui se dote lui aussi d'un studio créa : " Il faut en finir avec le modèle d'anti-agence, qui ne crée de la valeur que pour elle et pas pour l'éditeur qui a les inventaires, l'annonceur qui l'emploie ou la société dans laquelle elle évolue en général. "

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