Idée.zip n°4 : "Nudge : un marketing de l'incitation douce ?"
Nudge (littéralement "coup de pouce") est le titre du livre de Thaler et Sustein, les deux économistes à l'origine du concept. Ce livre propose des solutions pour mettre l'économie comportementale au service des politiques publiques.
Après le marketing de la persuasion et son contraire, celui de la permission, une voie médiane émerge dans le monde anglo-saxon : le marketing de l'incitation douce ou nudge marketing ! Nudge (littéralement "coup de pouce") est le titre du livre de Thaler et Sustein, les deux économistes à l'origine du concept. Ce livre propose des solutions pour mettre l'économie comportementale au service des politiques publiques.
Les auteurs partent du constat que nos comportements ne sont pas régis par la rationalité théorique qui sous-tend l'économie classique. Notre nature humaine nous conduit souvent à emprunter des raccourcis simplificateurs. De plus, les circonstances du choix et notre environnement social ont une influence redoutable (voir Idée.Zip n°1 et 2). Seul problème : nous n'en sommes la plupart du temps pas conscients, même pour des décisions essentielles (mariage, éducation, retraite, santé...).
La complexité de certains choix nous conduit bien souvent à privilégier la facilité insouciante, ou bien à nous figer dans la torpeur et la non-décision ...
Aider le consommateur-citoyen à faire les bons choix
La thèse des auteurs est que pour aider des individus à faire les bons choix (ceux qui préservent leurs intérêts et ceux de la collectivité) il faut comprendre leurs processus de décision. Pas ceux qu'ils expliquent en les rationalisant, mais les arbitrages réels, qui s'observent en contexte. C'est là que se trouvent les clefs pour remettre chacun intuitivement sur la bonne voie.
Par exemple, en réponse à un questionnaire plus de gens acceptent de figurer sur la liste des donneurs d'organe lorsque l'option cochée par défaut est d'être donneur, bien qu'ils aient la possibilité de refuser (opt-out). Cette présentation réduit les non réponses des gens qui hésitent au moment de remplir, remettent le choix à plus tard et finissent par l'oublier. Les auteurs qualifient leur approche de paternalisme libertaire : au service du bien commun, tout en maintenant la liberté de choix de l'individu.
Changer les comportements en agissant indirectement sur le contexte
Les potentialités des nudges ne sont pas passées inaperçues chez les politiques : les gouvernements d'Obama et Cameron ont intégré des équipes spécialisées "Behavioural Insights Teams" pour élaborer leurs politiques publiques. Les nudges peuvent être mis en oeuvre selon deux tactiques :
- Les tactiques implicites, fondées sur les inclinaisons naturelles de l'individu. Elles construisent leur efficacité dans le design circonstancié de l'offre. Par exemple, associer l'arrivée du premier salaire avec une ouverture automatique de compte-épargne permet d'augmenter le nombre d'épargnants plus efficacement qu'une campagne de sensibilisation.
- Les tactiques explicites (affichées) s'appuient sur l'acceptation par l'individu d'une contrainte pour prévenir ses faiblesses, tel Ulysse qui se fit attacher au mat du navire pour résister aux chants des sirènes. Elles s'appuient aussi sur la création de facteurs de motivation externe : le système de bonus-malus encourage l'achat de véhicules verts. Les leviers sociaux sont eux utilisés pour propager les bons comportements. Par exemple donner à un foyer un retour d'information sur sa consommation d'eau et lui fournir un élément de comparaison avec celle de maisons voisines similaires lui permet de mesurer l'effort à faire pour réduire sa consommation.... Et par mimétisme de s'engager dans cette démarche en ayant les moyens de la piloter.
De nouvelles ouvertures pour les études ?
Cette approche par nudges considère la décision comme une interaction entre un contexte et un individu. Ce qui était considéré hier comme un biais d'étude à contrôler (le contexte ou le regard des autres) devient aujourd'hui un objet d'étude à potentialiser. Sustein et Thaler appellent cela déconstruire l'architecture du choix.
Reconstruire un environnement favorable permet de modifier l'inclinaison initiale de l'individu sans faire appel à sa rationalité. Quand un discours normatif peine à faire changer les comportements, les nudges peuvent faire la différence : tout est souvent question de mobilisation de l'attention au bon moment. Par exemple pour inciter à réduire la vitesse sur une route dangereuse, si le panneau ne suffit pas, les bandes rugueuses au sol seront un nudge efficace.
Les marketeurs de demain : architectes du choix responsable ?
Le marketing peut se prévaloir d'être déjà grand utilisateur de nudges : le design du packaging ou de l'e-mailing commercial par exemple. Ces nudges sont plus au bénéfice des marques que des consommateurs.
Pourtant, les études vidéo-ethnographiques que BVA mène in situ permettent de trouver de sources de création de valeur partagée en observant les usages au quotidien. Ainsi, identifier des nudges orientés dans l'intérêt du consommateur et de sa communauté, c'est inspirer l'innovation utile :
- L'innovation fonctionnelle remet l'expérience utilisateur et l'ergonomie au coeur de la proposition des marques. Nos études de parcours clients par exemple conduisent souvent à un re-design de l'offre pour rendre l'expérience plus simple, plus ludique ou simplement plus agréable. Sans parler des opportunités de nouveaux services identifiées autour de l'usage du produit (coaching alimentaire, aide à l'observance médicale, modes d'emploi interactifs, soutien au sevrage...)
- L'innovation sociétale crée de la valeur au bénéfice des communautés et de leurs parties prenantes. Elle peut provenir de la mise en réseau des utilisateurs, de la mutualisation des contenus, de la création d'occasions d'échanges et de rencontre. Mais aussi de l'animation d'outils aidant à la diffusion de bonnes pratiques et valorisant les comportements citoyens (maitrise des dépenses de santé, éco-gestes...)
Pour identifier ces sources d'innovation, nous avons redéfini les focales de l'orientation client pour passer du point de vue client/consommateur à celui d'utilisateur et de circonstance d'usage. Et finir en ouvrant le champ à la communauté. Car c'est en comprenant la logique d'ensemble de l'écosystème des marques que l'on peut imaginer comment y mettre en place des cercles vertueux.
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