Marcel Saucet : "Vers une explosion du street-marketing dans les prochaines années"
Le fondateur du cabinet spécialisé en street-marketing LCA donne ses conseils pour réussir ses opérations et livre sa vision sur le futur du street-marketing.
- e-marketing : « Guerilla marketing », « street-marketing » : quelles réalités recouvrent ces deux termes ?
Marcel Saucet : C'est un consultant en marketing, Jay Conrad Levinson, qui utilise pour la première fois l'expression « guerilla marketing » comme titre pour un de ses livres sorti en 1984. Cette même année, Apple fait la pub TV la plus chère de l'histoire. À l'époque, les budgets marketing étaient en train d'exploser. L'analyse de Levinson est la suivante : plus le budget est élevé, moins il est dépensé intelligemment. Il préconise donc de réduire les budgets pour stimuler la créativité, de faire mieux avec moins. C'est ce qui s'appelle le guerilla marketing. Le street-marketing est une de ses nombreuses déclinaisons.
Il faut savoir que le street-marketing est un concept paradoxalement très français. Aux États-Unis, on parle toujours de « Guerilla marketing », pas de street-marketing, les Américains ne font pas la différence. Pour eux, il s'agit toujours de trouver de forts concepts créatifs peu cher : « cheap and creative ».
- Comment faire pour mesurer le ROI d'une opération de street marketing ?
Pour mesurer l'efficacité d'une opération de street-marketing, il faut qu'il y ait à un moment donné une collecte d'informations. Il suffit de créer un canal de contact spécifique à l'opération pour connaître précisément l'impact de la campagne. Cela peut être un numéro téléphonique dédié, comme pour la campagne « Need a new barbecue » (photo ci-contre) , la création d'un compte twitter spécialement pour l'opération, ou la redirection vers une page web spécifique. Le buzz ne sert à rien s'il n'est pas quantifiable. Si on ne sait pas ce que coûte une opération, ni ce qu'elle rapporte, ce n'est pas une opération marketing.
- Le street marketing s'adresse-t-il à des toutes les marques ?
Le street-marketing est un concept finalement assez récent et novateur. Les premières marques ayant utilisé cette technique de marketing étaient soit des marques ayant un caractère innovant, soit des marques ayant de gros moyens comme McDonald ou Coca-Cola, qui allouaient leurs queues de budget marketing à des opérations de street-marketing. Depuis le temps que j'évangélise le street au sein de la profession, je constate qu'il y a de plus en plus de marques conventionnelles qui se mettent à en faire, et à très grande échelle. Par exemple, au sein de mon cabinet LCA Conseil, nous avons réalisé des opérations pour la ville de Brive-la-Gaillarde, pour une marque d'assurance, et même pour une marque de luxe. Or, ce ne sont pas les acteurs qu'on attendait sur ce type d'opérations. Toutes les marques, quel que soit leur secteur, de la plus petite à la plus grande, peuvent utiliser le street-marketing.
- Est-il nécessaire qu'une opération de street-marketing soit intégrée dans un plan de communication plus large ?
La rue peut être envisagée comme un point de départ pour une campagne plus large. Une opération de street-marketing peut ainsi être relayée sur d'autres médias : TV, presse, réseaux sociaux, blogs, etc. Cela implique de travailler en amont avec les agences de relations presse. Effectivement, il est beaucoup plus intéressant d'un point de vue financier de l'intégrer dans un plan global 360°.
- Quel est la clé pour réussir une opération ?
>Dans le guerilla marketing, l'investissement majeur se fait dans la réflexion : il faut dépenser de l'argent pour la phase préparatoire, pour trouver la bonne idée. La phase de brainstorming est extrêmement importante. La quantité d'idées émises prime sur leurs qualités. Il faut émettre des centaines d'idées, pendant des journées entières, puis les analyser de façon scientifique avant de trouver la bonne. Pour le banc de Kit Kat , ce sont plusieurs centaines d'idées qui ont été émises et travaillées avant d'arriver à celle-là.
- Et dans la mise en oeuvre opérationnelle ?
La mise en oeuvre de l'opération de street-marketing doit rester peu coûteuse. Pour cela, il ne faut pas hésiter à faire perdurer l'opération dans le temps une fois le concept établi, ce qui fait baisser les coûts opérationnels. En Chine, un club de yoga a fait appel à un contorsionniste installé dans une boîte pour distribuer des cartes de visite. L'effet est saisissant ! Dans cette campagne, ce n'est pas le nombre de flyers distribués qui importe mais la façon très captivante dont ils le sont.
- Quels sont les écueils à éviter ?
Les difficultés sont généralement liés à la légalité. La majorité des opérations ne la respecte pas, ce qui ne pose pas problèmes quand il n'y a pas de poursuites, mais cela peut entraîner de fortes amendes dans le cas contraire. Certains annonceurs utilisent même l'illégalité comme un tremplin pour faire du buzz, comme la marque Zoo York aux Etats-Unis, qui a lancé des cafards vivants sur les gens de Wall Street.
Autre point important : la mesure de l'efficacité de l'opération. Si la créativité est un critère essentiel, il faut toujours apprécier les idées dans une perspective de ROI et éliminer celles qui ne permettent pas une mesure efficace de l'impact auprès des consommateurs.
- Quel est le futur du street-marketing ?
Il y a quelques années, les opérations de street-marketing n'étaient que des opérations de queues de budget. A partir du moment où les agences ont pu mesurer son impact commercial et apporter la preuve de sa rentabilité, la demande a explosé. Il y a eu un changement de mentalité chez les annonceurs. Je pense qu'il va vraiment y avoir une explosion du street-marketing dans les prochaines années grâce à la forte imbrication du offline et du online. Les barrières entre le digital et le physique sont de plus en plus poreuses.
Une des forces du street-marketing réside dans sa capacité à surprendre l'individu en transformant un mobilier urbain auquel il est habitué. La rue est à la fois un espace et un moment très particulier dans la vie quotidienne. C'est un territoire qui n'est pas conçu pour la publicité, où le consommateur est alerte, et qui possède pourtant un potentiel de créativité infini.
Pour aller plus loin...
Street Marketing: The Future of Guerrilla Marketing and Buzz, Praeger Publishers Inc, 2015. 194 pages, 36,04€.
Rédigé dans un anglais abordable, le dernier livre de Marcel Saucet a reçu le prix américain "Best Book 2015" dans la catégorie business. A l'origine pensé comme la traduction de son précédent livre, "Street Marketing : Marketing de rue et objets connectés", il est devenu un ouvrage à part entière, et s'adresse aux marques cherchant à mieux connaître le guerilla marketing et ses applications. Pratique, synthétique et didactique.
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