Vers la publicité responsable…
Communication “Responsabilité sociale de l'entreprise”. Un domaine semble échapper à ce mouvement de fond: la publicité. Chez les grands annonceurs, dans les agences et dans les médias, les pratiques publicitaires restent à l'écart de cette réflexion.
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Octobre 2000, The Insider de Michael Mann portait à l'écran l'histoire
vraie de Jeffrey Wigand, ancien dirigeant de l'industrie du tabac qui s'est
élevé contre les multinationales du secteur pour révéler l'addiction créée par
la nicotine. L'industrie du tabac et les 246 Md$ qu'elle s'est engagée à payer
sous l'impulsion des “class actions”, ont depuis lors suscité bon nombre
d'angoisses parmi les industriels. De l'image de la femme à la promotion de la
“surconsommation”, en passant par le droit à l'information sur les risques liés
aux produits, les sujets sensibles ne manquent pas et sont autant de facteurs
potentiels de crise pour les entreprises. Dans le seul secteur agroalimentaire,
les annonceurs ont fait face à l'émergence de deux menaces majeures: D'un
côté, les marques de “junk food” se sont vu reprocher l'influence de leurs
publicités sur la généralisation de la “mal-bouffe” et le développement de
l'obésité, avec à la clé des risques de procès aux Etats-Unis et des risques
réglementaires en Europe. Résultat : suite à des poursuites visant les chaînes
de fast-food, plusieurs entreprises, au rang desquelles McDonald's ou Kraft
Foods, ont dû sérieusement revoir leur positionnement publicitaire. Nos
athlètes françaises vantent depuis lors des menus McDo “verts”, plus
équilibrés, tandis que Kraft Foods a lancé une initiative de lutte globale
contre l'obésité qui prohibe toute publicité pour ses produits dans les écoles,
et ce partout dans le monde. A l'inverse, plusieurs marques au positionnement
“santé” ont été attaquées par les consom- mateurs pour le caractère abusif de
leurs allégations. Ce fut, notamment, le cas de Danone avec Actimel. Avec, au
final des retraits de campagnes et le risque d'une directive européenne
restreignant drastiquement la marge de manœuvre des annonceurs. L'émergence
d'un mouvement anti-publicitaire et sa collaboration avec les associations
féministes, environnementalistes ou parfois avec les associations de
consommateurs, ont multiplié les risques de crises médiatiques et de dépôts de
plaintes. Nike a ainsi fait les frais d'une communication peu prudente sur les
conditions de travail chez ses fournisseurs. L'entreprise a finalement versé
1,5 M$ pour mettre fin à un procès pour publicité mensongère. Dans le même
esprit, bon nombre d'entreprises françaises communiquant sur leurs vertus
environnementales se retrouvent dans la ligne de mire des militants
écologistes. Si les annonceurs se sentent encore protégés par
l'autorégulation, et les agences par leur petite taille, la concentration et
l'internationalisation des budgets rendent aujourd'hui ces risques plus
marqués. Communication et publicité responsables : un mouvement émerge
Quelques entreprises mettent donc en place des démarches volontaires: les
groupes les plus avancés, dans la formalisation de démarches, appartiennent à
des secteurs où la publicité est très réglementée et où des codes de conduite
sectoriels ont déjà été développés. Certains fabricants d'alcool, tels Allied
Domecq, Pernod Ricard et Rémy Cointreau, ont ainsi mis en place des systèmes de
validation préalable de leurs campagnes. British American Tobacco va même
jusqu'à rendre des comptes sur la conformité de ses filiales à sa politique.
Viennent ensuite les annonceurs de la grande consommation : certains ont engagé
des campagnes de sensibilisation à la “consommation durable”, d'autres ont
développé des chartes de bonne conduite, quelques-uns comme Danone ont mis en
place un véritable système de contrôle interne. Au-delà de ces initiatives
individuelles, on constate l'émergence d'une réflexion collective. A l'échelle
internationale, le Programme des Nations Unies pour l'Environnement organise un
Advertising Forum. En Grande-Bretagne, médias et agences de publicité sont
réunis au sein d'un Media Forum. Enfin, en France, plusieurs entreprises
viennent de s'unir pour lancer en janvier un groupe de travail sur le sujet. Il
y a près de dix ans, de tels projets, lancés par les industries lourdes,
avaient accéléré la responsabilité sociale des entreprises. Gageons que ces
initiatives pourront insuffler la même dynamique dans le monde de la
communication.
Communication et Publicité Responsable Initiative animée par le cabinet Utopies, regroupant notamment le PNUE, l'ORSE, Peugeot, Gaz de France, Nature et Découvertes, Ciments Calcia, Crédit Mutuel de Bretagne. www.publiciteresponsable.com