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Quel avenir pour les études qualitatives en ligne ?

Il y a encore deux ans, le monde des études s'enthousiasmait devant l'utilisation d'Internet pour des focus groups en ligne et prévoyait la migration des techniques traditionnelles de groupe vers le on line. Depuis, Internet a pris sa place - mais sa juste place - comme un moyen supplémentaire qui a ses atouts et ses limites dans les études qualitatives.

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Nombreux sont les responsables marketing et études qui, comme François Laurent, Marketing Europe Research & Media Director de Thomson Multimédia, sont réfractaires à l'utilisation d'Internet pour les études qualitatives. « Internet apparaît inadapté aux études qualitatives. On est loin d'une dynamique de groupe. » A côté d'attitudes aussi tranchées, on constate des comportements plus nuancés qui voient dans Internet une nouvelle opportunité études. « Pour nous, Internet est un mode de recueil de plus, une nouvelle opportunité offerte qui ne vient pas se substituer à d'autres méthodes plus traditionnelles. Pas question, en conséquence, d'être déçus ou emballés, estime Nathalie Leauté, directeur de clientèle IT-Telecom-New media de Research International. C'est vraiment un nouvel outil qui permet de nouvelles approches. » Pas question, donc, d'y voir une solution miracle pour toutes les problématiques. « Que ce soit par réunion de groupe virtuelle ou par questionnaire ouvert, le qualitatif en ligne restera toujours moins approfondi que les études de groupe ou les entretiens en face à face. Sur Internet, il manque la dimension non verbale, la dynamique du groupe, les échanges interpersonnels... Le qualitatif en ligne est plus adapté aux études opérationnelles, aux feedbacks consommateurs qu'aux études stratégiques », précise Daniel Bô, P-dg de QualiQuanti. Qui souligne, en revanche, l'intérêt d'Internet pour le recrutement de participants à des réunions de groupe (6 à 8 personnes) ou pour des screen-tests (50 à 200 personnes). Pour Loïc Choquet, directeur associé de Market Audit, « Internet est un outil très utile de recherche de cibles rares pour l'organisation de groupes ou d'entretiens menés ensuite de façon classique. » Autre avantage d'Internet dans ce cadre, le renouvellement du parc des répondants. « Internet apporte des gens neufs, qui font preuve de beaucoup de spontanéité et d'implication », reconnaît Van Terradot (Novatest). La technique donne aujourd'hui la possibilité au client de suivre en simultané les entretiens semi-directifs réalisés dans les locaux d'un institut. « A tout moment, grâce à un espace client sécurisé et à l'utilisation de l'application Net Meeting, les responsables études peuvent, à leurs heures perdues, écouter et voir en direct leurs consommateurs parler de leur marque, de leur produit, de leur campagne de communication, confie Yann Aledo, directeur associé d'OpinionWay. A l'instar des terrains quantitatifs téléphoniques qui mettent à disposition des salles d'écoute, cette technique multimédia on line ajoute l'image au son et vise à améliorer le confort du client. » La richesse des réponses apportées aux questions ouvertes dans une enquête ad hoc quanti est la bonne surprise du on line. Mais, de tous les types d'études qualitatives que l'on peut faire sur Internet aujourd'hui, les groupes différés on line, encore appelés "asynchrones", soulèvent un véritable engouement et apparaissent comme une innovation. Pour Research International ou Novatest, ce type de groupe (qui peut durer sur une semaine, voire plusieurs) est particulièrement adapté dans le cas de cibles professionnels et sur des problématiques pointues. « Les gens prennent leur temps pour répondre », précise Van Terradot. Reste que l'avenir du quali on line ne pourra se faire que par l'innovation : innovation technologique d'une part, qui permettra d'abattre le blocage du clavier (un jour, on parlera au lieu d'écrire) et innovation par les méthodes, d'autre part. « Il faut repenser les méthodes et créer des procédures spécifiques à l'Internet », constate Georges Guelfand, fondateur de QCG (Qualitative Consulting Group). Ce qui nécessite de vrais investissements en R&D de la part des instituts.

Pour bien exploiter les études qualitatives en ligne


Jouer sur la quantité et la richesse des points de vue : il est parfois intéressant d'avoir 100 réactions courtes et spontanées à un projet plutôt que 10 réactions approfondies. On peut compenser le moindre approfondissement des entretiens par la multiplication des témoignages et leur diversité (notamment géographique). Construire des enquêtes avec un grand nombre de questions ouvertes qui soient proches de l'entretien semi-directif. Avec un questionnaire de 60 questions, dont 25 ouvertes, il est possible de recueillir une richesse considérable d'expériences et de perceptions. Idéalement, il faut que le questionnaire donne l'occasion à l'interviewé d'en apprendre sur lui-même et sur ses pratiques. Tirer parti des faibles coûts de recueil de l'information et de la rapidité des retours pour faire des études qui n'auraient pas été réalisées sinon : on peut, par exemple, tester un projet en cours de création, bénéficier d'insights et relancer le processus. La légèreté de la méthode encourage à conduire plusieurs mini-quali successifs et à évaluer étape par étape l'optimisation d'une offre. Recueillir des réactions en situation au domicile des interviewés : le fait d'interroger les consommateurs chez eux peut avoir de nombreux avantages (disponibilité, recueil de l'avis de l'ensemble du foyer, interrogation par rapport à une expérience vécue à domicile). Jouer sur un double dispositif : enquête semi-ouverte via Internet + groupes qualitatifs. L'Internet permet d'interroger une cible plus jeune, plus high-tech et plus pionnière, ainsi qu'un effectif plus important. Le dispositif peut être complété par des groupes sur des cibles plus âgées et plus traditionnelles. Source : QualiQuanti

Comment fonctionnent les groupes asynchrones


Illustration à travers un cas récent réalisé par Novatest J - 15 : Brief. Test de concept auprès de médecins en France, Allemagne, Brésil et Taïwan. Les participants doivent se connecter au moins une fois par jour pendant cinq jours. J - 10 : Traduction du questionnaire de recrutement. Invitation des responsables locaux du client à un groupe de démonstration de ces groupes à horaires décalés, pour les "rassurer". J - 7 : Traduction du plan d'animation et des lettres d'invitation en allemand, portugais et chinois. J - 5 : Interface graphique de Novatest, opérationnelle dans toutes les langues. J - 4 : Envoi des e-mails d'invitation aux participants et au client. J - 3 : Programmation du plan d'animation. Chaque jour, à 6 h du matin, une nouvelle série de questions sera affichée automatiquement. J - 1 : E-mail de rappel. Les responsables locaux du client sont invités en tant qu'observateurs pour suivre le terrain. Jour J : Lancement des groupes. Contrôle des présences. Relance des absents. Traduction chaque jour des réponses et des relances. J + 1 : Les Taïwanais se connectent, mais ne participent pas... Le clavier chinois est récent, et ceux âgés de plus de 40 ans n'ont pas appris à taper en chinois... J + 3 : Alerte ! Lundi prochain, c'est Pâques. Jour sacré au Brésil ; tout sera fermé vendredi. Faut-il prolonger le groupe jusqu'à mardi ? J + 4 : Deux jours de fête à Taïwan : un pour la mère et l'enfant, et un pour la mémoire des ancêtres... J + 5 : Décision d'un "délai de grâce" pour répondre jusqu'au mardi, après la Pâques brésilienne, et avant les fêtes taïwanaises. J + 9 : Clôture.

Anika Michalowska

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