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Pourquoi ? Pour qui ? Comment ? - 2/2

On trouvera difficilement un chef d'entreprise qui affirme n'attacher aucune importance à la motivation. Mais, entre une tape sur l'épaule et la mise en place d'une vraie stratégie en la matière, il y a de la marge ! Réponses aux questions que vous vous posez pour en faire plus et mieux.

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Aux frontières de la motivation


La motivation, comment ? C'est sans doute la réponse à cette question qui appelle le plus de commentaires. Sous forme de boutade, on pourrait tout d'abord répondre : pas forcément en motivant ! D'une façon générale, au fil des ans, des stratégies de fidélisation sur le long terme se sont substituées aux opérations de stimulation purement quantitatives et ponctuelles. La logique d'outil, qui a prévalu au début (stimulation, marketing direct, formation, promotion des vente... autant de disciplines cloisonnées entre elles), a été remplacée par une logique de problématique client. Pourquoi se limiter à la motivation, ou au marketing direct, ou à la formation, si le mixage des outils s'avère plus efficace ? Une incentive est bancale si la force de vente connaît mal son produit.

« La motivation au sens strict est une technique qui a évolué et qui continue de le faire, résume Olivier Bouttier-March, directeur général d'Incentive House France. Nous ne sommes plus uniquement axés sur les forces de vente, qu'elles soient internes ou externes. Désormais, nous sommes confrontés à des problématiques de mobilisation au sens large, de culture d'entreprise, de qualité, etc. Il a donc fallu s'ouvrir à de nombreuses techniques connexes. » Il s'agit là d'une évolution fondamentale qui a conditionné la restructuration du marché au niveau des agences. De fait, il y a bien longtemps que celles-ci ont abandonné la dénomination de conseil en motivation, un univers dans lequel elles se sentaient à l'étroit. Cela appelle deux questions. D'une part, celle de la frontière. Certains la fixent à l'aspect "humain" dans l'entreprise. Pour Pascal Allard, « on ne touche pas au produit, on n'intervient que sur les hommes ». « Il y a un côté humain, et même humaniste dans notre métier », renchérit Olivier Bouttier-March. Et bien évidemment, on ne motive pas les hommes comme on promotionne un produit ! Il s'agit donc de deux approches qui, quoique complémentaires, sont totalement différentes. Au capital humain, d'autres opposent le capital commercial de l'entreprise. Ce qui élargit considérablement les outils potentiels... Seconde question, celle de la lisibilité du marché. Un tel élargissement des frontières peut être de nature à inquiéter certains annonceurs. « Moi qui vient voir une agence pour une problématique assez basique de motivation, dans quoi vais-je m'embarquer ? » Pourtant, la taille ne doit pas faire peur... « Pour nous, il n'y a pas de petits annonceurs », rassure Pascal Allard. Chez Everest, on admet toutefois que le positionnement adopté par la marque, à savoir le CRM et les grands comptes, laisse assez peu de place aux petites opérations. « Et pourtant, notamment dans une conjoncture difficile, les annonceurs ont besoin de programmes courts et "tactiques", reconnaît-on au sein du groupe. Pour qu'Everest puisse maintenir son cap, nous avons donc racheté Consul, dont le nom subsiste, et qui est désormais dédiée à ces programmes courts, essentiellement de stimulation/motivation. » Une marque stratégique pour le marketing relationnel au sens large, une marque tactique pour les petits programmes de motivation : l'approche est originale.

Quelles recettes pour les challenges ?


Redescendons d'un étage et limitons-nous aux problématiques propres à la motivation. Car, quelles que soient les évolutions du marché, il arrive toujours un moment où il faut mettre en oeuvre des challenges, fussent-ils associés à d'autres outils. Dans ce domaine de la motivation pure, les fondamentaux n'ont pas changé. Une bonne idée, une cible bien définie, un mécanisme qui tient la route, une animation régulière, une dotation soignée : c'est la "check-list" qu'il vaut mieux avoir à l'esprit pour quiconque se lance dans un challenge un peu ambitieux. L'idée ? N'oublions pas que le propre d'une opération est de séduire. Créativité, innovation, telles sont les deux premières attentes à l'égard d'une agence dans ce domaine. Contrairement à ce que croient trop d'entreprises, investir dans la création n'est pas improductif. La cible doit être bien définie, car un challenge doit être aussi mobilisateur que possible. Il n'est pas fait pour fabriquer des exclus. On considère en général que 25 % à 30 % de la population visée doit ainsi être récompensée. Et, comme les dotations doivent être suffisamment attrayantes, cela signifie qu'il faut consacrer à l'opération un budget suffisant. Bien que la fourchette soit très large, on peut considérer que le budget moyen d'une opération de motivation est de 100 000 à 130 000 euros. Le mécanisme est lui aussi essentiel. Personne ne devra se sentir lésé dans les barèmes mis en place. Avec une contrainte : la simplicité. Trop de challenges découragent dès la lecture du règlement... L'animation, c'est tout ce qui fait la visibilité du challenge aux yeux des participants, de la plaquette de lancement aux questionnaires intermédiaires qui rythment la vie du challenge en passant par les relances par mail ou les petits cadeaux envoyés. Pendant un challenge, il doit toujours se passer quelque chose ! Les annonceurs souhaitent souvent minimiser le budget animation au profit du budget dotation. Pour des opérations d'envergure, mieux vaut pourtant un équilibre entre les deux. Auprès d'un réseau de distribution, par exemple, le challenge plus dynamique d'un concurrent aura vite fait de prendre le pas sur le vôtre ! La dotation, enfin, est primordiale. On ne s'y arrêtera pas trop, Marketing Magazine ayant consacré un dossier à ce sujet dans son numéro de mars. Sinon pour signaler que dans ce domaine, il est interdit de se louper... Plus que l'originalité, qui n'a jamais été la qualité la plus recherchée en motivation (le voyage fait exception), c'est l'efficacité qui est exigée. Une récompense se doit d'être à la fois bien choisie et bien gérée. Le marché, lui, s'oriente de plus en plus vers des prestations "sur mesure" (voyage sortant de l'ordinaire, catalogues cadeaux personnalisés avec des offres en rapport avec la nature même des populations motivées). Un travail de pro qu'il est préférable de laisser à un prestataire spécialisé.

Nouvelles technologies, nouvelles possibilités ?


Si ces fondements restent par essence immuables, ils ont connu au fil des ans un certain nombre d'évolutions, émergence des nouvelles technologies oblige. Passons rapidement sur l'aspect purement support, sinon pour insister sur le fait qu'ici, il faut se garder de succomber à la mode. Pour véhiculer un challenge, un Intranet (et tout le multimédia qui l'entoure) n'est pas nécessairement plus performant que le papier. Tout est question de cible, de taux d'équipement, de culture de l'outil, de type d'opération... Et puis, les technologies de l'information ne se limitent pas au Net. Serveurs vocaux et autres SMS peuvent aussi être mis à contribution. Dans la mesure du possible (... et du budget), mieux vaut d'ailleurs mixer différents supports. L'impact n'en sera que meilleur. Mais il n'y a pas de règle en la matière, l'outil idéal étant celui qui permet de capter l'attention du participant au moment où il est le plus perméable. En revanche, en matière d'interactivité, de rapidité, d'immédiateté, de souplesse d'utilisation, que de progrès ! Désormais, pour l'élaboration d'une récompense, pas besoin de création lourde, de fabrication, d'envoi postal... Un client peut choisir des produits scannés le lendemain et proposés le surlendemain sur son site. Une petite annonce par mail aux participants et en 48 heures, la sélection est en place. Autant de choses qui auraient pris plusieurs semaines il y a peu. De nouvelles opportunités s'ouvrent en matière de suivi, avec la possibilité d'analyser en temps réel l'évolution des campagnes, le taux de participation, la réaction des participants aux différentes offres, et le cas échéant, la possibilité de corriger le tir. Plus en amont encore, la technologie permet de mieux connaître la cible à motiver, surtout lorsqu'il s'agit d'un réseau de distribution. Une véritable logique de bases de données comportementales s'est d'ores et déjà mise en place, à l'image de ce qui se fait pour fidéliser le grand public. Certaines agences ont même fait de cette connaissance des populations à motiver, un véritable cheval de bataille. Des outils complexes ? Beaucoup plus pour les agences, qui ont dû consentir des investissements considérables et qui ont dû apprendre à les maîtriser, que pour les annonceurs. Qui, pour leur part, bénéficient d'une efficacité accrue pour une motivation plus performante. Pourquoi s'en priver ?

Concentration : Carat rachète Safari


Ces dernières années, les opérations de concentration ou de réorganisation furent légion sur le marché de la motivation. Everest, Euro RSCG Motivforce, Le Public Système... Chaque ténor a apporté sa pierre à l'édifice. Il semble néanmoins que, dans ce domaine, on ne soit qu'au milieu du gué, comme l'atteste le rachat de Safari par le groupe Carat. Leader européen de l'achat d'espace, Carat s'est diversifié au cours des dernières années à travers de nouveaux métiers. D'abord connexes à l'achat d'espace, puis franchement orientés hors-médias, avec l'événementiel et aujourd'hui avec les problématiques relatives à l'animation des réseaux et à la motivation. « L'ambition est de constituer au sein du groupe Carat un pôle dédié à ces métiers, explique Rémy Villebrun, directeur associé de Safari. Pôle construit autour de trois entités : Safari (l'agence étant déjà elle-même structurée autour de plusieurs activités : le conseil avec Safari, la récompense avec La Réserve et les nouvelles technologies avec Data Source), Communication Voyages, leader français du tourisme d'affaires, et CTM Evénement. A noter que cette dernière faisait déjà partie du groupe Carat. » Une dénomination globale à ces trois entités doit être déterminée, ainsi qu'une nouvelle approche commerciale. L'ensemble pèsera de 12 à 15 millions d'euros de marge brute et emploiera de 120 à 140 personnes. Ce qui, de facto, propulse la structure parmi les leaders du secteur.

Portrait d'agence : Une diversification réussie


C'est en 1994 qu'est née Incentive House France. L'idée soumise au groupe Accor était la suivante : « sortir de la culture monoproduit du ticket restaurant et faire de la motivation avec un spectre d'outils beaucoup plus large », explique Olivier Bouttier-March, directeur général d'Incentive House France. Banco ! "IHF" s'est rapidement imposée sur le marché de la motivation avec ses chèques récompense Suprême Awards et ses voyages d'incentive. Toutefois, l'entreprise devait encore ajouter des cordes à son arc. Elle le fait tant par croissance externe qu'interne. Externe ? En 2000, Incentive House acquiert 60 % de Market Place, l'un des pionniers du marketing événementiel. Et, comme le cadeau était absent du portefeuille de récompenses du groupe, Incentive House s'est portée acquéreur, en 2001, de Pilote Distribution, désormais filiale. « Savoir gérer des récompenses, avec toute la logistique, c'est un véritable métier, qui ne s'improvise pas, justifie Olivier Bouttier-March. Pilote, c'est 25 ans d'expérience dans ce domaine. » Quant à la croissance interne, elle a permis au groupe de s'assurer une expertise en matière de nouvelles technologies. Ainsi la mise en place, à la rentrée, d'un outil dédié à ces dernières. C'est aussi par croissance interne que le groupe a fait ses armes en matière de conseil, un département dirigé par Patrick d'Auvigny. « Depuis le début de l'année, nous sommes passés de 26 collaborateurs à 55 », insiste Olivier Bouttier-March. Aujourd'hui, le périmètre d'Incentive House, globalement comparable à celui des principaux acteurs du marché (Everest, Euro RSCG Motivforce, Le Public Système, Kouro Sivo...), déborde largement l'univers de la motivation. Dans cette évolution, la connotation "Accor" a-t-elle constitué un obstacle ? « Pas sur le volet récompense, affirme Olivier Bouttier-March. Mais sur le conseil, il est vrai que nous avions moins de légitimité au départ. Nous l'avons toutefois construite petit à petit et je pense qu'aujourd'hui, la question ne se pose plus. »

Entreprise : Chronopost International ou la motivation permanente


Sept directions régionales, une force de vente de 200 personnes : Chronopost International a le profil type de l'entreprise utilisatrice de la motivation. De fait, difficile d'être plus actif en la matière. « Nous organisons chaque année un challenge qui dure... 12 mois, affirme Aurélie Belot, coordinateur des ventes. Basé sur la productivité de chaque commercial, il est doté d'un voyage (Cuba, Thaïlande...) pour une vingtaine de gagnants et leurs conjoints. » Top Club, c'est son nom, donne lieu à un classement mensuel affiché dans les DR et reçu par mail par chaque participant. Des animations viennent rythmer le challenge, avec des quiz, l'envoi de petits cadeaux clin d'oeil, etc. Deux fois dans l'année, le directeur des ventes fait un tour des DR, ce qui permet de relayer le challenge, alors qu'un grand lancement a lieu en janvier, lors de la convention commerciale. « Dans la mesure où nous avons différents types de commerciaux (animateurs des ventes pour les bureaux de Poste, commerciaux terrain, spécialistes de l'international, comptes clés, juniors...), nous essayons d'avoir des gagnants dans chaque catégorie », insiste Aurélie Belot. Dans l'entreprise, la motivation va toutefois bien au-delà de cette seule opération. Il y a tout d'abord des challenges régionaux parallèles, chaque DR disposant d'une relative autonomie en la matière.

« Mais il y a surtout un certain nombre d'outils et d'initiatives qui, pour nous, font partie intégrante de la motivation, explique François Gauthier, directeur de la communication. Un outil de travail informatique performant, dont sont équipés les commerciaux, des cycles de formation réguliers. Et chaque année, nous organisons un tournoi de football pour l'ensemble des collaborateurs. Soit un millier de personnes, de toutes les agences, de très nombreux pays, réunies en juin à Clairefontaine. La motivation est donc globale. C'est une véritable culture d'entreprise. » Une culture, héritée des messagers royaux de Louis XIII, que Chronopost International ne manque pas de mettre en avant.

Jean-François Cristofari

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