Les marques, trait d'union entre générations ?
Une marque peut-elle toucher à la fois les jeunes et les boomers ? Ces deux générations ont-elles des points communs ? L'institut MillwardBrown s'est penché sur la question et met fin à des idées reçues.
Je m'abonneUn consommateur de 18 ans et un consommateur de 65 ans ont-ils des points communs en termes d'achat et d'affinité avec les marques ? Contrairement à ce que l'on pourrait penser, la réponse est oui, et même dix fois oui. C'est la conclusion à laquelle est parvenu l'institut d'études Millward Brown, qui a cherché à savoir s'il existait des convergences de vues entre ces deux cibles, véritables “générations stars du moment”, selon Guillaume Cadet, directeur de clientèle chez Millward Brown. Il existe certes des différences entre ces deux générations, une, et non des moindres, étant l'écart de revenus. Reste qu'il n'y a pas de conflit entre elles. « Peut-être juste un peu de jalousie l'une envers l'autre », précise-t-il. D'ailleurs, il n'est pas rare de les voir s'inspirer l'une de l'autre...
Ainsi, le premier point commun réside dans la notion de “profiter”. Les jeunes (“génération Y”) entendent profiter d'une parenthèse de leur vie pleine d'insouciance où de nombreux choix s'offrent à eux. Les boomers sont, quant à eux, dans la logique de profiter d'un moment où ils ont du temps, des revenus et encore la santé. Les deux générations sont en ce sens boulimiques de médias, de sports, de loisirs et d'expérimentations en tout genre. Elles ont, par ailleurs, toutes deux le sentiment d'être dépositaires de la modernité. « La génération 68 a tous les pouvoirs et ne veut pas les lâcher, précise Guillaume Cadet. Les boomers veulent être les grands acteurs de ce qui évolue dans la société ». Et souhaitent donc toujours en être partie prenante.
Méthodologie
Étude basée sur des ateliers qualitatifs conduits en février 2008 à Paris et à Bordeaux, auprès de 48 hommes et femmes appartenant aux deux tranches d'âge (18-25 ans et 55-65 ans).
Un pont générationnel
Dans ce contexte, jeunes adultes et jeunes seniors se retrouvent avec des marques préférées communes qui forment ainsi une sorte de “pont générationnel”. Arrivent en tête dix marques que Millward- Brown décrit comme “transversales” : Picard, Apple, Ikea, Orange, Nespresso, McDonald's, Décathlon, SNCF, Carrefour et Cdiscount.com. Rien à voir apparemment, et pourtant... D'une part, ces marques sont toutes basées sur des codes graphiques simples et extrêmement cohérents. Guillaume Cadet ajoute : « Elles sont hyper identifiables. Dans un monde qui manque de cohérence, elles en offrent. » Elles transmettent, d'autre part, des valeurs d'innovation, de dynamisme et de changements, et ont un discours résolument positif dans une société plutôt mal en point. Elles sont en quelque sorte des “supporters du citoyen et du consommateur”. Elles répondent aussi au problème du pouvoir d'achat avec un positionnement prix plutôt positif pour la plupart d'entre elles.
Ces marques ont, par ailleurs, su se construire un écosystème, dans lequel le consommateur peut vivre des expériences inédites. Chez Nespresso, il peut “jouer” avec des capsules ; chez McDonald's, il peut se connecter à des bornes wifi. Quant à Apple, même le dépaquetage des produits est devenu un moment de plaisir. Ces marques impliquent également le consommateur, et lui proposent une sorte de relation paritaire. La reconnaissance, la notion de client privilégié se remarquent notamment chez Nespresso avec son esprit Club, ou, dans un autre registre, chez Picard où les caissières remplissent elles-mêmes les sacs en caisse. La notion de considération, voici ce qui plaît aux deux générations. Enfin, ces marques aiment proposer des rendez-vous réguliers aux clients. À l'instar du Trocathlon de Décathlon, des éditions limitées de Nespresso, ou encore des burgers saisonniers de McDonald's.
Moralité, le marketing de segmentation n'est pas un passage obligé pour les marques. S'adresser à la fois à la génération Y et à la génération des baby boomers, c'est tout à fait possible. Le marketing «trans» ou «inter» générationnel n'est pas un mythe. Néanmoins, Millward-Brown avertit : « Une stratégie marketing ne peut pas reposer sur l'objectif transgénérationnel ». En revanche, ce phénomène transgénérationnel doit en être le résultat et être spontané.