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Les bonheurs comme je les veux…

Après avoir pris conscience que le bonheur devenait une obligation sociale, génératrice d'un nouveau stress, les Français semblent retrouver la voie des petits bonheurs et de la jubilation.

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Fin 2003, selon une étude TNS Sofres, 86 % des Français se déclaraient heureux. Et 70 % se disaient assez optimistes, voire très optimistes. Au vu de ces résultats, les Français, dans leur majorité, semblent donc plutôt satisfaits de leur situation. « Derrière les chiffres, il y a une autre réalité. Il y a comme une obligation sociale à être heureux », analyse Hélène Valade, directrice adjointe du Département Politique et Opinion de TNS Sofres. En effet, bien qu'heureux, ils sont 40 % à estimer, notamment parmi les plus modestes, ne pas avoir de pouvoir sur ce qui leur arrive. « On peut alors se poser la question du sens même du mot bonheur. A travers les études quali, on se rend compte que le bonheur aujourd'hui, c'est d'abord ne pas être dans le malheur. La définition du bonheur se fait donc par la négative », poursuit Hélène Valade. Bref, alors que l'on aurait pu penser que le changement de millénaire, et son cortège de doutes, n'avait pas affecté le moral de nos concitoyens, il semble qu'au contraire ils soient en pleine crise existentielle. Et, lorsque l'on interroge les individus sur la manière dont ils voient l'avenir de leurs enfants, ils déclarent, pour la première fois, ne pas le voir en positif. Les mutations technologiques, qui modifient le rapport au temps et à l'argent, les mutations scientifiques, et notamment les biotechnologies, les mutations économiques (mondialisation), les mutations politiques (construction de l'Europe), les mutations sociales (métissage), sont autant de sources d'inquiétude quant à l'avenir. « Les Français ressentent de plus en plus le besoin de donner un sens à leur vie, de se sentir utiles. Même au travail, où le besoin de reconnaissance dépasse les attentes de rémunération », note Hélène Valade. Quels sont alors les codes du bonheur aujourd'hui ? En premier lieu, réussir sa vie de famille, ensuite réussir sa vie de couple, et enfin réussir sa vie professionnelle. Un nouvel arbitrage entre la vie privée et la vie professionnelle se met en œuvre avec un objectif clair : atteindre plus d'équilibre. Et si l'argent demeure source de bonheur, il n'arrive qu'en quatrième position. « Les Français font preuve d'une vraie volonté d'être heureux. Mais ce n'est plus une quête individuelle, c'est une quête collective qui va vers une recherche de sens. Aujourd'hui, on ne se pose pas seulement la question “Qui suis-je ?”, mais “Qui sommes-nous ?” », avance Hélène Valade.

Carpe Diem


Face aux difficultés, et après la vague de retour sur soi qui a marqué ces dernières années, les Français sont ainsi en quête de bonheurs à partager avec les autres. Le succès d'opération comme “La Fête des Voisins” en fait foi. Quant aux campagnes de communication, elles mettent en scène des bonheurs à partager, notamment dans le domaine de la beauté où l'on note le retour des couples et des familles. « On voit émerger une certaine résistance à la crise, une résistance optimiste qui invite à la légèreté plutôt qu'à la tragédie, non par insouciance mais plutôt comme une philosophie bienfaisante », note Catherine Champeyrol, chargée de développement chez Carlin International. Après avoir vainement recherché le bien-être, concept vers lequel il fallait impérativement tendre, il y a quelques mois encore, l'heure serait aux petits bonheurs qui vont permettre de lâcher prise, sans se sentir pour autant culpabilisé. Même les gestes les plus quotidiens deviennent sources de gaieté. « On assiste au retour du présent. Et le bonheur se recherche dans le moyen terme, l'astuce. C'est la promesse d'un bénéfice immédiat qui est recherché. D'où le succès du coaching qui promet des méthodes rapides pour venir à bout d'un problème », poursuit Catherine Champeyrol. D'où également, en cosmétique, l'arrivée de marques dont le seul bénéfice revendiqué est d'offrir du ludisme, notamment à travers des packs qui reprennent les codes de l'alimentaire (berlingot, pot de confiture, pack de lait...). Ou encore le retour des porte-bonheur et des grigris, comme les trèfles à quatre feuilles, le muguet ou la coccinelle. Cette quête d'éléments positifs, qui offrent un petit bonheur instantané, entraîne un certain rejet des produits ou des marques qui jouent sur le long terme. « La baisse de fréquentation des clubs de gymnastique peut ainsi s'expliquer par ce refus du long terme. Le discours, sur les résultats à six mois, voire un an, ne passe plus », indique Catherine Champeyrol. Comme ne passent plus les poncifs sur une certaine idée du bonheur. Certaines marques l'ont tellement bien compris qu'elles fondent leur communication sur une dénonciation du discours dominant des marchands de bonheur. « On assiste à un montée en puissance de la dérision autour de cette grosse ficelle publicitaire qu'est le bonheur. Une nouvelle connivence entre la marque et les consommateurs se met en place à travers la dénonciation des stéréotypes du bonheur », estime ainsi Françoise Hernaez-Fourrier, directeur Etudes au sein du pôle créations publicitaires de TNS Media Intelligence. En mettant en scène une brochette de jeunes femmes bien en chair pour son produit raffermissant, Dove dénonce ainsi le modèle du bonheur loréalien. L'émergence de ces nouvelles attentes vis-à-vis du bonheur, et notamment cette quête constante d'idées positives et de petits instants de bonheur, doit conduire les responsables marketing à s'interroger sur l'état d'esprit qui règne dans leurs troupes. Pour impulser ce type d'idées, il faut encore que les équipes soient bien dans leur tête…

73%


des Français estiment, en juin 2004, que les choses ont tendance à aller plus mal. (Source TNS Sofres. Juillet 2004)

Anika Michalowska avec Rita Mazzoli

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