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La marque, nouveau coach du quotidien

Multiplier les services pour faciliter la vie de leurs clients est une nouvelle façon pour les marques de les fidéliser et de se différencier de la concurrence. Mais aussi parfois d'établir une autre source de revenus. Dans tous les cas, un véritable «plus».

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«On fait quoi pour vous aujourd'hui?» Le slogan utilisé depuis 2005 - et largement copié - par Monoprix n'a jamais été autant d'actualité pour les marques. Car dans un contexte où l'offre est devenue pléthorique, parfois jusqu'à l'illisibilité, où le consommateur se révèle de plus en plus méfiant et soucieux d'un juste rapport qualité/prix, la marque doit aujourd'hui se poser en facilitateur du quotidien, en accompagnateur, sous peine de se voir délaissée au profit de ses concurrents à moindre prix. Autrefois l'apanage du luxe, cette notion de services est maintenant développée par l'ensemble des secteurs: de la grande distribution au high-tech en passant par les banques et les transports. «En cette période de crise, tous les avantages et services qui permettront à la marque de montrer son empathie seront appréciés», affirme ainsi le fondateur et président de Trendwatching, Reinier Evers, qui y voit une véritable tendance: la «perkonomics» ou économie des extras en bon français. Car même si les consommateurs formulent rarement explicitement une demande de services précis, ils apprécient le fait de pouvoir mieux se repérer dans le jargon nutritionnel, de trouver des idées ou des conseils sur les sites de marques, de recevoir des attentions particulières lors de leurs achats ou de bénéficier de services de conciergerie par exemple. Et la marque qui trouve le petit «plus», qui facilite la vie de ses clients, leur donne le sentiment d'être uniques ou privilégiés ou tout simplement toutes les clés pour une optimisation de son produit, saura «se rendre indispensable parce qu'elle aura montré qu'elle est soucieuse des attentes de ses clients, qu'elle anticipe ses désirs», explique Françoise Dassetto, présidente de White Spirit.

Françoise Dassetto (White Spirit):

«La marque devient un coach dans notre vie de tous les jours.»

La question reste de savoir quels sont les services attendus et à quelle condition? Pour le cabinet de conseil Trendwatching, plusieurs pistes sont à suivre. Telles que les avantages VIP qui vont lui donner accès à des exclusivités ou des réservations en avance comme a pu le faire Orange pour des concerts, des services coupe-files ou encore de conciergerie, à l'image de la banque néerlandaise Insinger de Beaufort qui propose à ses riches clients de régler ses factures et ses formalités administratives à leur place.

Avec la plateforme Bluenity, air France surfe sur la tendance des réseaux sociaux en faisant de la mise en relation un service de marque.

Avec la plateforme Bluenity, air France surfe sur la tendance des réseaux sociaux en faisant de la mise en relation un service de marque.

Mais la tendance est surtout à la marque coach qui prodigue aides, conseils et bons plans, et, plus généralement qui aide le consommateur dans sa vie de tous les jours. Un rôle grandement facilité par le développement des nouvelles technologies comme Internet qui a, non seulement, supprimé la notion d'intermédiaire entre la marque et le consommateur, mais également développé les exigences de ce dernier. «L'internaute qui vient sur un site de marque en attend forcément un service ou un divertissement, sinon il le quitte», assure Olivier Bronner, p-dg de l'agence Plan Net.

Frédéric Babu (Air France):

«Trois mois après le lance-ment du service de mise en relation et de conseils Bluenity, 55 000 personnes s'étaient inscrites.»

Contenus informatifs et offre de conseils

Ainsi le groupe Energizer propose une sorte de pense-bête d'achat à ses consommateurs en leur livrant, à domicile, la quantité de lames de rasoir Wilkinson (dont certaines introuvables sur le marché) ou les piles auditives Energizer dont ils auront besoin dans l'année. «Cela nous permet de nous rapprocher de nos consommateurs, de faire remonter des items sur l'utilisation de nos produits et de toucher nos clients hors du cycle infernal de l'innovation», explique Catherine Brandenberger, directrice marketing d'Energizer France. D'autres, comme iDTGV ou Air France-KLM, vont s'ériger en facilitateurs de relations en offrant à leurs usagers, par le biais de leurs plateformes iDTGVandco et Bluenity de contacter les autres passagers du train ou du vol. «C'est un service particulièrement apprécié des jeunes, affirme Ludovic Bonnet, directeur de la communication d'iDTGV. 10% des passagers d'iDnight (où l'ambiance est inspirée des night-clubs) se sont contactés par Internet avant leur voyage.» Après trois mois d'activité, la plateforme Bluenity recensait, elle, 55 000 membres, intéressés par la mise en relation mais aussi le carnet d'adresses en ligne. «Nous considérons ce service comme un outil de fidélisation mais aussi de conquête puisque nos bons plans sont accessibles également à nos non-clients, précise Frédéric Babu, directeur CRM d'Air France. Nous espérons donc que ce type de service permettra de créer la préférence pour notre compagnie.»

Mais le plus courant reste quand même la création de contenus informatifs et l'offre de conseils. Ainsi le fabricant de couches Huggies a-t-il développé un site où il prend en charge la femme avant qu'elle n'ait besoin de ses produits, soit au moment de sa grossesse, puis pendant le développement de l'enfant en lui donnant une foule de conseils à partir du moment où elle s'inscrit au club. Dans l'univers de la maison, les enseignes multiplient, elles, les modules d'aide à l'aménagement des pièces. On peut ainsi concevoir sa cuisine sur les sites d'Ikea et de LeroyMerlin ou visualiser le rendu des peintures et tapisseries dans leur contexte sur celui de Castorama. Difficile aussi pour une marque alimentaire de faire aujourd'hui l'impasse sur un site relationnel délivrant conseils de nutrition ou idées de recettes.

Ainsi, en France, Danone a été précurseur en lançant, en 2006, son site «Danone et vous» positionné sur la santé. Depuis, toutes les marques ont élaboré le leur. «Les marques alimentaires évoluent de la course aux bénéfices santé aux services proposés», confirme ainsi le service communication de Nestlé qui «souhaite aider le consommateur, au quotidien, à mieux manger, mieux vivre et ce en lui apportant des solutions simples, concrètes, adaptées à son mode de vie.» Un rôle qu'elle entend jouer par le biais de son site «Croquons la vie» ou du compteur de calories pour ses consommatrices de céréales Fitness, disponible sur PC (par le biais d'un widget) et sur mobile. Quand, sur son site «spécial K», Kellogg's se pose, lui, en véritable coach de votre programme minceur avec des astuces en fonction de vos objectifs de perte de poids, de vos motivations, ou des zones à cibler... et même un groupe de motivation pour garder le cap lors des coups de mou.

Elisabeth Cordier et François Verron (SQLI Agency):

«Les consommateurs veulent du concret : du prix ou du service. et, avec les nouvelles technologies, ils demandent que le service vienne à eux.»

Au-delà du virtuel

Et ce n'est qu'un début car le téléphone portable offre désormais la possibilité aux marques de proposer des services qui répondent à un besoin croissant des individus de plus en plus nomades, à la fois en quête d'immédiateté, de guidage ou d'occupation des temps d'attente, notamment lors des déplacements. L'utilisation de l'iPhone par les marques est à cet égard édifiant. Sa boutique d'applications a ainsi été une véritable aubaine pour créer de nouveaux services: à titre d'exemples, Kraft vient de développer pour le marché américain une fonction permettant de concevoir des menus, de rechercher des recettes et de localiser les points de vente les plus proches alors qu'easy-Jet permet de suivre en direct, sur son téléphone, le plan de vol de la compagnie, les arrivées et départs en temps réel ou encore la disponibilité des parkings de l'aéroport en temps réel... «Avec le développement des objets communicants, les gens attendent de plus en plus que l'information vienne à eux. C'est donc un véritable enjeu pour les marques qui peuvent ainsi sortir des moments normés de la relation client pour les toucher avant la phase d'achat», assurent Elisabeth Cordier et François Verron, planners stratégiques de SQLI Agency, tout en prévenant: «Mais attention! que la technologie fabrique des objets ou services qui préviennent nos moindres désirs, cela a toujours été un rêve humain mais qui est à la fois source de fascination et d'angoisse. Pour que les marques ne soient pas perçues comme intrusives, il leur faut développer des applications véritablement pratiques.» Et savoir s'éloigner du côté commercial car, sur ce terrain parfois glissant, la marque reste en concurrence avec d'autres sites indépendants, donc souvent plus crédibles.

Si Internet ou le mobile permettent effectivement de fournir un contenu à la fois dense et disponible au bon endroit et au bon moment, «il s'agit parfois aussi de la solution de facilité, nuance Brice Auckenthaler, associé d'ExpertsConsulting. Il faut aussi donner rendez-vous dans la vraie vie!» Un rendez-vous donné bien sûr en premier lieu sur le point de vente. Là encore les enseignes de l'univers de la maison ont très vite compris les avantages en termes de fidélisation et de recrutement des stages, gratuits ou payants, de bricolage ou de décoration. Un mouvement également enclenché par les compagnies de transport, largement attaquées par les low cost et la crise économique. «Nous nous sommes rendus compte que si les clients voyagent moins, ils veulent voyager dans de bonnes conditions. Ils sont donc attentifs et séduits par le fait que nous les prenons en charge du point A jusqu'au point B par le biais de services électroniques qui commencent dès l'achat du billet mais également et surtout dans l'avion (divertissements et autres suivant la classe, NDLR) et à l'aéroport», indique Catherine Kokar, directrice marketing de Bristish Airways.

Dans la même optique, l'aéroport de Lyon Saint-Exupéry a mis en place le concept d'airport helpers, soit quelque cinq cents agents de tous métiers qui servent de guides aux passagers perdus au plus fort de l'été... Et les marques vendues en grande distribution, handicapées par le fait de ne pas y avoir de forces de vente directes, ont commencé à développer des flagships axés sur les services, à l'image de Nivea et de Weleda dans la cosmétique.

Par le biais de son site mais aussi de ses produits, Energizer montre qu'elle est à l'écoute des attentes de ses consommateurs.

Par le biais de son site mais aussi de ses produits, Energizer montre qu'elle est à l'écoute des attentes de ses consommateurs.

«On devrait aussi voir de plus en plus de produits-services», estime Françoise Dassetto. A l'image de Nivea toujours, qui va proposer des trousses de toilette avec des petites doses de différents produits. Idéal pour tester et partir en voyage, d'autant plus que les flacons sont d'ores et déjà aux nouvelles normes de sécurité demandées par le transport aérien. Le service incorporé dans le produit, c'est aussi ce qui a été retenu par Energizer pour ses piles auditives destinées aux seniors. Comme ces petites piles - coûteuses - leur échappaient souvent des mains, la marque a élaboré un packaging innovant: ergonomique et surtout aimanté. Ez Change permet donc de ne plus faire tomber la pile!

Un service ultra-pratique pour la cible visée. «Etre une marque partenaire, de confiance, pour les familles, c'est aussi tout simplement leur proposer des produits qui améliorent leur quotidien et qui peuvent leur apporter au jour le jour des preuves de leur fiabilité. C'est particulièrement vrai en période de crise où les consommateurs visent la pertinence avec des produits durables et des services utiles», ajoute d'ailleurs Luc Speisser, planneur stratégique de Landor et responsable de l'observatoire des familles.

Et justement, en période de récession ces services, si appréciés des consommateurs, n'en ont pas moins un coût. Faut-il alors les faire payer ou les offrir gratuitement, comme un package? Impossible évidemment de rendre payant des conseils ou des aides sur le Net. Certains, comme Air France ont donc monétisé leur service à des tiers. La plateforme gratuite Bluenity est particulièrement ingénieuse sur ce point. D'une part, il s'agit d'un service peu coûteux à la base et de surcroît alimenté en bons plans par ses membres eux-mêmes et, d'autre part, il abrite quelques publicités, histoire d'amortir l'investissement.

Des services rentables

Mais un service peut aussi se payer, même quelques euros. Ainsi, pour le cabinet Trendwatching, il existe une véritable opportunité pour la marque de se créer un revenu supplémentaire. La banque Insinger de Beaufort l'a bien compris: pour fidéliser sa riche clientèle et en conquérir une nouvelle, elle a lancé la Shoe Box. Il s'agit d'un service de conciergerie symbolisé par une boîte à chaussures déposée tous les mois chez leurs clients qui peuvent y mettre toutes leurs factures et les paperasses administratives, celles-ci étant ensuite traitées par la banque... moyennant 10 000 euros annuels. «Outre le fait que cela nous a donné une image de banque innovante et renforcé nos liens avec les membres, c'est un service rentable pour la banque», s'enthousiasme Loek Reijns, directeur commercial en charge de la Shoe Box. Pour celui-ci, ce service pourrait d'ailleurs être amené à s'élargir au mass-market par le biais d'un site internet. Attention tout de même, tiennent à prévenir certains experts. «Il ne faut pas glisser dans la premiumisation à tous crins au risque de perdre sur le double tableau du volume et de la valeur», alerte Denis Gancel, p-dg de W&Cie. Surtout, précise Trendwatching, pour que cette stratégie soit efficace, elle doit se penser sur le long terme: il ne faut pas que ces services rendent votre marque dissuasive pour les clients moins fidèles ou plus aisés, il faut qu'ils pensent qu'eux aussi peuvent y avoir accès, ne serait-ce qu'à terme. Et s'il est sympa de voir se proposer des services ou des avantages, il ne l'est pas du tout de se les voir retirer!

Les services se multiplient autour du développement durable

En réponse aux souhaits des consommateurs, les marques commencent à offrir des services verts. Ainsi Monoprix en propose plusieurs: vente de sacs réutilisables à prix mini, prêt de poussettes de marché ou encore sessions de formation autour des gestes éco-responsables. Le groupe Intermarché a, quant à lui, lancé l'écolo-pass, un système d'information on pack destiné à aider le consommateur dans le tri sélectif. Tandis que les enseignes Géant et Casino viennent de déployer une plateforme gratuite de covoiturage pour que leurs clients puissent venir faire leurs courses, se déplacer au quotidien, voire partir en vacances! Les constructeurs automobiles se sont eux aussi intéressés aux bonus verts: Honda et Fiat ont développé des systèmes qui permettent aux conducteurs de prendre conscience de l'impact environnemental de leur conduite. Le logiciel téléchargeable de Fiat, l'éco drive, doit ainsi permettre de réduire de 15 % votre consommation de carburant. Et pour ceux qui auraient déjà franchi le pas de la voiture électrique, l'aéroport Seattle Tacoma International aux Etats-Unis offre gratuitement de recharger votre véhicule pendant le temps de votre voyage. Des services qui sont autant de moyens de montrer l'engagement corporate de la marque.

BEATRICE HERAUD

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