La loi de l'offre et de la demande
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Nous sommes entrés dans une époque où le marketing est créateur de valeur.
Il s'agit incontestablement d'une thématique porteuse pour les
organismes ». Pour Bertrand Moingeon, directeur délégué HEC Executive Education
d'HEC, le département en charge de la formation permanente au sein de l'école
de Jouy-en-Josas, le développement de la demande en matière de stages et de
cursus marketing, de la part des entreprises et des cadres, ne peut que pousser
les offreurs à consolider la qualité de leurs programmes et de leurs
intervenants. « Pouvoir apporter un niveau d'expertise élevé dans un domaine
constitue un enjeu important pour les organismes. » De fait, parallèlement au
corpus “standard” et au fond de catalogue des différents acteurs généralistes,
on voit émerger dans l'éventail des offres des thématiques de plus en plus
pointues, censées répondre à une professionnalisation accrue des équipes
marketing.
Ainsi, l'ESC Grenoble, qui s'était récemment rapprochée de
l'Académie Accor Service, filiale du groupe Accor créée en 2003 pour délivrer
conseil et formations en dynamique de services auprès d'entreprises à réseau,
vient d'ouvrir pour la rentrée 2006 un mastère spécialisé en “Management et
marketing des territoires”. Unique en France par son approche transversale et
opérationnelle des secteurs publics et privés, cette formation de quinze mois
de niveau bac + 6, accréditée par la Conférence des grandes écoles, est
destinée à former les cadres susceptibles d'intégrer une collectivité locale
avec un statut de contractuel ou de droit privé, mais aussi ceux qui souhaitent
rejoindre une entreprise privée dont l'offre cible les pouvoirs publics (Dexia,
Véolia, JCDecaux, EDF, GDF, Suez…).
Mais s'il est une thématique qui émerge de
manière saillante, c'est bien celle des problématiques et enjeux du on line. Il
ne s'agit plus de convaincre des vertus d'Internet, mais d'aider les équipes
marketing à mettre en pratique les applications complexes susceptibles de peser
dans le jeu concurrentiel. « Les marketeurs se sont dans l'ensemble plutôt bien
approprié la dimension numérique. Mais la rapidité avec laquelle évoluent les
technologies oblige à une intensification des séquences de formation »,
explique Olivier Guillo, président de Webformance. Cette société spécialisée
dans le référencement et le lien publicitaire sur Internet propose depuis 1997
des formations à des entreprises comme Accor, Wanadoo, vacances.com. Durée
moyenne: deux à trois jours. Prix: entre 2 000 et 3 000 euros pour trois à
quatre participants.
Une offre de plus en plus exhaustive
« Depuis deux à trois ans, l'offre marketing se
renouvelle beaucoup plus vite que l'offre commerciale », commente Georges
Nikakis, responsable du département marketing action commerciale de Demos,
deuxième organisme sur le marché généraliste de la formation continue, qui
compte cette année 13 nouveaux programmes marketing, soit 10 % de plus qu'en 2005. En 2001, la
Cegos, le leader du marché, proposait 16 stages en marketing, aujourd'hui, le
catalogue en référence une quarantaine. Corollaire direct des dispositions
légales, la formation continue en France alimente un marché stagnant, où seules
les parts relatives évoluent. Lorsqu'un organisme prend un peu plus de poids
sur un marché, c'est au détriment d'un autre. Dans cette lutte à la part de
marché, la course à la taille constitue d'évidence un argument pour les
organismes généralistes.
A la Cegos, on affirme réaliser un chiffre d'affaires
formation continue trois fois supérieur à celui de Demos, où l'on se refuse
d'avancer toute indication chiffrée, en poids absolu comme en part relative.
« A l'exception de “Mieux comprendre le marketing”, largement devancé par l'ISM
et ses “Clés du marketing”, les premiers stages de ma gamme marketing sont
leaders sur le marché en nombre de stagiaires », affirme Nathalie Van Laethem,
responsable de l'offre interentreprises de Cegos. L'intra et l'inter
pèseraient à part égale dans le business de la Cegos comme dans celui de Demos.
Même ratio pour l'activité formation permanence d'HEC.
L'Insead réaliserait
50 % de son chiffre d'affaires avec l'intra, notamment via un portefeuille
clientèle de quelque soixante-dix très grandes entreprises (au moins 30 000
salariés). « La tendance est aux programmes de plus en plus courts, aux plans
d'action pratique et au retour sur investissements, résume Yves Bucillat,
directeur de la division formation et coaching de Bernard Julhiet Conseil. Par
ailleurs, nous sommes aussi tributaires de la qualité des DRH et responsables
formation qui viennent nous trouver. »
Qui achète? Dans les entreprises, la
fonction de l'acheteur dépend fortement de la nature du programme acheté.
L'intra reste la prérogative des DRH et des Dg. En interentreprises, plus le
niveau des participants est élevé, plus ils seront directement acheteurs. En
tout cas pour les programmes courts, que les top managers ou les directeurs
marketing inscrivent directement à leur budget. Les directions achats
interviennent encore assez rarement, sauf en cas de marchés publics ou d'appels
d'offres en short list. « Le parcours de formation dépend beaucoup du
responsable formation de l'entreprise et de son implication dans la stratégie
de développement des compétences des collaborateurs, constate Bertrand
Moingeon. Les grands groupes, qui ont les plus gros budgets, n'hésitent pas à
choisir des formations diplômantes. Les PME se contenteront peut-être de
programmes courts, laissant au Fongecif ou au collaborateur le soin de financer
des programmes plus lourds. »
Vers de nouveaux statuts de formateurs
La crédibilité des formations repose avant tout sur
celle des formateurs. « Les plus performants sauront se munir des meilleurs
experts parmi leurs intervenants », remarque Bertrand Moingeon. L'ESC Lille
bénéficie d'une équipe de 27 formateurs pour 30 étudiants par mastère spécialisé. « 80 % de nos
enseignants sont cadres ou responsables en entreprise », précise Henri
Verliefde, directeur du mastère marketing management de l'école lilloise,
lui-même patron d'une entreprise à Bruxelles. Les organismes généralistes et
spécialisés tentent également de faire de leurs consultants l'un des piliers
majeurs de leur légitimité. Ce que ne facilite pas la pléthore de postulants.
Le responsable du département marketing et commercial de Demos affirme ainsi
recevoir chaque jour une dizaine de curriculums vitae de postulants au statut
de consultant-formateur.
De son côté, Cegos a créé il y a un peu plus d'un an
le titre de consultant externe “partenaire”. Statut dont peuvent se prévaloir
un tiers des consultants externes. Finalité: impliquer les formateurs plus
avant dans les processus de développement des stages. Côté cursus individuels
de formation permanente, les écoles de commerce et de management de province
commencent à créer des avant-postes à Paris.
L'ESC Lille délivre deux mastères
spécialisés, “marketing: management par la qualité”, “marketing direct et
commerce électronique”, respectivement créés il y a quinze et sept ans et qui
accueillent chacun une trentaine de stagiaires en formation continue. « La
concurrence locale de l'Edhec et de HEC, qui ciblent toutes deux le top niveau
stratégique, n'est pas frontale pour nous qui avons construit une offre pour
les managers et les gestionnaires », explique Henri Verliefde. Et de préciser
que 50 % des inscrits aux deux mastères spécialisés viennent d'horizons
non-nordistes.
Bref, pour l'ESC Lille comme pour nombre d'écoles de province,
la concurrence est “ailleurs”. En l'occurrence, la puissance d'attraction de
Paris agit comme un élément fortement perturbateur. L'établissement lillois a
de fait ouvert un Campus dans Paris intra-muros. Une antenne qui, pour l'heure,
n'abrite pas de formation marketing. Néanmoins la démarche est amorcée. Depuis
deux ans, l'ESC Rouen dispense un mastère spécialisé à Paris. « A Rouen, les
sièges sociaux d'entreprises de taille significative sont rares, explique David
Butler, directeur des programmes post-graduate. Nous manquons donc de cadres ».
Sur la Capitale, où elle accueille 85 étudiants et stagiaires, l'Ecole partage
des locaux avec un organisme élaborant des formations préparatoires aux MBA.
Coût de l'inscription au mastère “études et géomarketing”: 9 750
euros.
La formation franchit de nouvelles frontières
Si les écoles régionales convoitent une
présence à Paris, les écoles étrangères cherchent aussi étendre leur
couverture. Et l'on voit même des Universités nord-américaines franchir
l'Atlantique pour gagner une clientèle européenne. L'Université de Chicago
Graduate School of Business s'est récemment installée à Londres où elle propose
depuis mars 2006, des programmes de formation continue en marketing
spécifiquement adaptés à la demande des entreprises européennes (“stratégies de
fixation des prix”, “management des stratégies marketing”), entre autres
françaises. Les séminaires, d'une durée de quatre jours, abordent des thèmes
clés du monde des affaires, comme le leadership, la stratégie des prix, la
finance, les assurances, la gestion de portefeuilles, les fusions et
acquisitions… Les cours sont dispensés par le corps professoral de l'Ecole, qui
compte parmi ses membres six Prix Nobel. « Nous avons passé des partenariats
avec diverses entreprises pour des formations internes ou personnalisées, à
l'instar de Lafarge où nous avons mis en place un programme qui inclura
à terme 800 managers », développe Michael Malefakis, directeur de
Chicago GSB. L'émergence des IAE (Instituts d'administration des entreprises)
fait sans doute directement écho à cette aspiration des entreprises et des
stagiaires à l'internationalisation des enseignements marketing. Entités
autonomes, les 29 IAE françaises fonctionnent comme des écoles au sein
d'universités, reproduisant très précisément le modèle des business schools anglo-saxonnes, avec des pools
d'en-seignants-chercheurs permettant de revendiquer un positionnement à la
pointe de l'expertise dans les domaines abordés.
« Nous sommes typiquement des
universitaires. Nous proposons des formations diplômantes adaptées aux besoins
précis de cadres d'entreprise, ainsi qu'aux besoins de leurs employeurs, note Jean-Marc Décaudin, responsable du département marketing de l'IAE Toulouse. La plupart du temps, les stages sont
financés par les entreprises. C'est le cas avec Siemens, Alcatel, Airbus. » Les
pratiques en matière d'ouverture à l'international varient trop sur le plan des
contenus et de la durée des échanges pour être faciles à convertir en
indicateurs fiables. L'internationalisation des formations continue est
directement liée à la culture internationale que les écoles ont su développer
dans le cadre de leurs formations initiales. A l'image d'Audencia qui a tissé
depuis des années des liens étroits avec des universités d'Ohio et de Caroline
du Sud, de l'ESC Pau, très présente en Inde, ou encore de l'ESCP-EAP, qui
dépêche tous ses élèves un an à l'étranger, l'ESC Amiens, qui envoie plus de
30 élèves en Chine… La palme revenant à l'Insead, où, diversité culturelle de
ses stagiaires oblige, tous les cours sont dispensés en anglais.
Le boom du on line
La formation on line reste principalement le fait de grandes entreprises.
64 % des entreprises utilisatrices investissent dans la e-formation depuis moins de cinq ans.
5 à 10 % des salariés sont en moyenne concernés par la e-formation dans la moitié des entreprises.
Le système de gestion et de diffusion de la e-formation est principalement hébergé dans l'entreprise, souvent acquis
“clés en main”, ou développé en interne à partir d'un logiciel gratuit (pour 8 % des entreprises).
Le budget e-formation est en augmentation pour 66 %
des entreprises.
Un marché très partagé
Pas moins de huit cent un stages ! C'est le chiffre recensé par Foragora Accor Services, filiale du groupe Accor spécialisée dans l'intermédiation entre acheteurs de formations, lorsque l'on saisit “marketing” sur son moteur de recherche. Des programmes émanant d'une grande diversité d'acteurs : Organismes généralistes (Cegos, Demos, Cnof…); Organismes spécialistes (ISM, IFG…); Grandes écoles de commerce et de management (HEC, Essec, Insead…); Organismes consulaires et publics (Chambres régionales ou départementales de commerce et d'industrie, Chambres des métiers…); Prestataires spécialisés (agences, cabinets d'études ou de conseil, free-lance…) pouvant délivrer en activité annexe des formations ad hoc; Médias (Benchmark group.); Fournisseurs d'offres et de services spécialisés, notamment dans l'Internet, délivrant des formations techniques autour de leurs métiers (Google, Overture…); Organisateurs de salons; Plates-formes d'e-learning.