L'hôtel, laboratoire urbain du XXIe siècle ?
Et si dans une société toujours plus mobile, l'hôtel devenait un modèle pour réfléchir à l'habitat du futur ? Esquisses de réponses entre New York et Tokyo.
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Les hôtels n'ont jamais été de simples lieux de passages. Directement liés
à la révolution des transports, dont ils sont le résultat direct, les hôtels
sont des révélateurs des mutations technique. Si la diligence donne naissance à
l'auberge au XVIIe siècle, le train crée les premiers grands hôtels urbains et
balnéaires à la fin du XIXe siècle. Avec la voiture, sort de terre, en
Californie en 1925, le premier motel. Dans les années 60, l'avion engendre les
grandes chaînes internationales. Au début du XXe siècle, les hôtels deviennent
des laboratoires quand ils accueillent les premiers réseaux techniques qui font
aujourd'hui notre quotidien (eau, gaz, électricité, ascenseur, air climatisé,
téléphone...). De nombreuses innovations récentes ont trouvé leurs premières
applications dans les chambres d'hôtel (vidéo, télé par câble, écrans plats,
Internet, Wi-fi, etc.)
Révolutions architecturales
Installées dans les hôtels en 1900, les premières salles de bains ont ainsi
contribué à diffuser de nouvelles pratiques d'hygiène. C'est d'ailleurs en
fréquentant les hôtels suisses, durant sa jeunesse, que Le Corbusier découvre
le confort dont il s'inspirera dans tous ses futurs projets architecturaux
fondés sur l'hygiénisme. La même analyse peut s'appliquer aux chambres d'hôtel.
Tout à la fois chambre, salon et bureau, elles dessinent un nouveau type de
pièce qui pourrait s'appliquer bientôt dans l'habitat. Nos nouveaux modes de
vie et les nouvelles technologies font que les chambres deviennent aujourd'hui
des pièces multifonctionnelles qui remettent peu à peu en cause l'approche
traditionnelle de nos logements. Les premiers grands hôtels européens sont
créés sous la pression des riches touristes anglais qui souhaitent retrouver
leur qualité de vie urbaine dans des territoires qui en sont dépourvus.
Certaines villes se développent autour des hôtels comme Cannes, Nice, Cabourg
ou Vichy. Cette dynamique urbaine se retrouve aujourd'hui, sur une autre
échelle, dans les pays très peu urbanisés qui ont basé leur développement
économique sur le tourisme. Ce fut le cas, dans les années 60, sur la Costa
Brava espagnole et aujourd'hui à Saint-Domingue. Le symbole de l'urbanisme
hôtelier reste Las Vegas avec ses hôtels multifonctions. Aux Etats-unis, les
grands hôtels américains ont longtemps fait office de ville avec un nombre de
services introuvables ailleurs. A telle enseigne que dans les années 1880/1920,
ils font figure de “cités dans la cité”, “de cités expérimentales” et même de
“cités en avance sur la cité” pour reprendre les expressions de Steven
Millhauser dans son extraordinaire roman Martin Dressler – the tale of an
american dreamer. A la pointe du progrès, ils apparaissent à la bourgeoisie
new-yorkaise d'alors comme l'habitat idéal. La construction en 1930, du
deuxième Waldorff-Astoria, va servir de modèle à de nombreux buildings de
Manhattan, dont on trouve encore aujourd'hui des réminiscences sur Park Avenue
avec ces gratte-ciel associant logements et services collectifs (dont les
fameux portiers en bas des immeubles).
A Hong-Kong et Tokyo
Aujourd'hui, cette figure de tour “mini village” connaît une
croissance très forte en Asie. A Hong-Kong, où les nouveaux ensembles
d'immeubles copient entièrement les grands hôtels touristiques tant dans les
espaces collectifs (piscine, court de tennis, garderie enfants…) qu'au travers
des services proposés. Mais aussi à Tokyo où l'hôtel Claska, ouvert en
septembre 2003, associe sur huit étages des chambres pour les voyageurs de
passage, des logements sous forme de studios équipés, des bureaux, des galeries
d'art, des espaces pour petites entreprises et quelques boutiques (café,
librairie, etc.). L'ensemble de l'architecture est pensée comme un lieu
d'échanges et offre à la fois les commodités de l'hôtel et les avantages du
logement individuel.
Et demain ?
La question n'est
donc plus de se demander si la nouvelle génération d'hôtels, qui apparaît dans
les grandes villes mondiales, peut nous aider à réfléchir sur de futurs modes
de vie, mais de savoir comment ces nouveaux hôtels vont peu à peu modifier nos
façons de vivre la ville, de s'y amuser et d'y travailler ? Sur ce dernier
point, on rappellera que la gestion l'immeuble ouvert par Andersen Consulting à
Paris en 1996, pour ses cadres nomades, avait été confiée à une ancienne
directrice du Prince de Galles. A société mobile, nouveaux espaces de vies et
de travail.