Georges Lewi (High Co Institute) : « Vous vous souvenez toujours de celui qui vous fait un cadeau »
Pour ce théoricien de la marque, directeur de High Co Institute*, la relation avec le consommateur est un contrat. Et l'une des clauses est de le surprendre.
Je m'abonneEn quoi le contrat entre marque et consommateur diffère-t-il aux occasions festives ?
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Georges Lewi : Par rapport à la notion de
marque-contrat, on peut distinguer ici le contrat transactionnel : "j'en ai
pour mon argent et je ne veux pas de fioritures autour et surtout pas des
fioritures qui me coûtent". Mais aussi le contrat relationnel : la relation
d'homme à homme et entre le client et son magasin. Or, quand on va faire ses
courses, on est de plus en plus mal traité. Une fois de temps en temps, les
gens sont à disposition pour vous faire un cadeau, des efforts pour vous. Et,
même sans cadeau, ça n'est pas désagréable, à l'occasion, d'être traité comme
un client ! Les distributeurs sont devenus des entreprises de logistique alors
que, normalement, ce sont des entreprises de services.
Vous parlez également de contrat social ou moral... ?
G. L : Oui, il s'agit du
rôle de la marque dans la société. La logique de cadeau est liée à celle de
générosité. Même si elle vend des produits utilitaires, la marque prend une
autre symbolique de façon ponctuelle. Mais cette logique de partage subsiste.
Vous vous souvenez toujours de quelqu'un qui vous fait un cadeau. Autour du
cadeau, il y a un contrat de narration, on se raconte une histoire. Lorsque
l'on parle de contrat, d'échange, les philosophes arrivent toujours à la notion
d'échange gratuit ou de don. Or, au niveau de la transaction, l'échange gratuit
est celui qui crée le plus de redevabilité. Si je vous achète un Marketing
Magazine, je suis content et vous êtes contente. Mais si vous me l'offrez, cela
crée une reconnaissance qui dépasse la transaction. Lorsque vous offrez un
produit sous forme de cadeau, il oblige l'autre à vous le rendre au centuple.
Mais la prolifération des produits décorés pour Noël, n'a-t-elle pas déjà lassé le consommateur ?
G. L : Les gens font attention à
leurs finances dix mois sur douze. A Noël, ils ont besoin de faire plaisir. Les
bouteilles de Noël se vendent toutes parce qu'elles s'inscrivent dans un temps
de partage. L'aspect philosophique de cette logique d'échange montre qu'au plus
profond de nous-mêmes, on a autant besoin de faire des cadeaux que de manger ;
d'en recevoir mais surtout d'en faire. Le premier qui a mis des petites étoiles
sur ses produits pour dire "Joyeux Noël" à ses clients a apporté un peu de
surprise, le second a copié, le 222e passe un peu inaperçu. Car aujourd'hui, la
marque doit surprendre. Mais, même si on est le 222e, il faut le faire. Vos
clients fidèles vous en seront toujours reconnaissants.
La démarche est donc toujours positive ?
G. L : Il y a 15 ans, quand on
faisait de la promo, on disait : "est-ce que ces opés un peu gadgets ne sont
pas préjudiciables pour les grandes marques... ?". Aujourd'hui, il y a un tel
jeu (au sens premier du terme) entre le client et les marques, que créer de la
surprise dans un lien plutôt routinier participe de cette relation. * Georges
Lewi est également chargé d'enseignement en stratégie de marque à HEC et au
Celsa.