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De grandes occasions d'innover 2/3

L'emballage de fêtes - et le calendrier n'en manque pas - consiste à adopter une démarche de produit-cadeau. Idéalement, un cadeau est choisi pour signifier au récipiendaire que l'on connaît ses goûts et ce qui lui fait plaisir. Que l'on est capable de l'étonner aussi, en sachant se renouveler. L'occasion rêvée donc, pour les marques, de tester de nouvelles propositions.

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Surprendre


Au nom de cette certitude que le consommateur n'est pas pareil selon qu'il est dans la rue, qu'il fait ses courses, ou qu'il est seul sur Internet, les marques développent peu à peu des offres spécifiques. Buckler, par exemple, propose des séries limitées dans le temps et réservées au réseau CHR (bars-restaurants). Soit une façon d'augmenter la pénétration et les occasions de rencontrer la marque. Et de faire passer l'idée que sans renier ses valeurs fondamentales, une marque peut jouer avec l'éphémère. Plus que jamais, du fait de l'hyper-choix, il y a un besoin d'être vu, de communiquer en renouvelant l'image que le consommateur a en tête. « L'essentiel est de ne pas être statique. Surprendre n'est pas toujours simple. Il était plus facile avant d'être en rupture de codes. En fait ça n'est pas forcément dans la marque que doit se créer l'étonnement mais dans son évolution et dans l'évolution du rapport au consommateur », estime Sonia Chaine. On comprend, dans cet esprit, que souhaiter une bonne fin d'année au consommateur soit devenu galvaudé et "has been", et que cela ne puisse plus constituer un déclencheur d'achat suffisant. A moins de faire dans le spectaculaire, comme le distributeur anglais ASDA qui, pour les fêtes de fin d'année, a poussé l'idée jusqu'au bout en habillant l'intégralité de ses produits. On peut également donner dans la miniaturisation ou le gigantisme. Heineken et son jéroboam de bière, Finger et sa boîte d'un mètre s'y sont essayé et ont fait sortir leurs produits du quotidien. Dans ces derniers cas, le consommateur perçoit l'effort qui est fait pour lui, et, bonne affaire en linéaire, le produit se retrouve forcément en tête de gondole ! Un emballage de fêtes d'accord. Encore faut-il le concevoir pour qu'il donne envie d'être conservé, ce qu'ont bien réussi les eaux minérales, même si la goutte d'eau d'Evian s'est contentée, l'année dernière, de modifier son habillage. Mais le vrai pari consiste à profiter des occasions festives pour créer de nouveaux produits. Pari réussi, par le café Grand-Mère avec son "Recette de Fêtes" lancé fin 2001. Un mélange de café à la "thé de Noël", un pack spécifique, « résultat, la marque s'interroge aujourd'hui sur le fait de vendre ce produit tout au long de l'année », détaille Sophie Romet, directrice associée branding et packaging de Dragon Rouge. Au rayon cosmétiques, Scopes a également pointé fin 2001, la proposition d'Issé Myaké avec son Kit Nouvel an 2002, dénommé "Count Down for Christmas", un soin complet pour se faire belle 10 jours avant les fêtes. Quelles meilleures occasions, en effet, que ces périodes d'achats d'impulsion pour utiliser son réseau de distribution comme marché-test ? « On a dépassé le basique. Il faut désormais aller plus loin, prêche Fabrice Peltier. A Noël, les boîtes de camemberts se parent de feuilles de houx, mais est-ce qu'on sert le fromage dans son emballage à des occasions pareilles ? Evidemment non ! Pour répondre aux attentes d'un consommateur saturé d'offres, un vrai brief devrait être : comment je peux lui faire mieux passer Noël et mieux consommer mon produit pendant les fêtes. Le consommateur n'attend pas une déclinaison de parfum mais une déclinaison d'usage. Le marché du sucre et du sel, par exemple, se sont développés essentiellement via l'emballage. Un vrai produit innovant avec un vrai service, ça marche. Sinon, on reste dans la déclinaison et l'extension de gamme. Or, quand tu proposes déjà le choix entre fraise et chocolat et que tu lances abricot, souvent tu vends moins de fraise et de chocolat. » Sur le marché de la grande consommation, on préfère encore la déclinaison et les annonceurs continuent de sous-estimer la capacité des agences de design à faire émerger de nouveaux concepts produits. Comme l'explique Carole Réfabert, dont la société Scopes réalise des analyses prospectives sur les tendances de consommation, « on demande aujourd'hui à l'emballage de résoudre tous les problèmes : rassurer, donner de la vie, de la valeur... et c'est un vrai défi pour les marques ». Mais c'est aussi une attitude qui finalement fait passer le produit lui-même au second plan. « Quand le produit est un peu immobile, le pack prend plus d'importance, corrobore Jean-Michel Farce, directeur d'IG Design. Mais l'avantage concurrentiel ne peut se réduire à un changement de décor. Les MDD sont là pour le prouver qui vont même aujourd'hui jusqu'à innover dans le produit, avec les doses de lessive biodégradables, par exemple, qu'elles ont été les premières à proposer. La rapidité avec laquelle les produits deviennent obsolètes s'accroît, les MDD sont un facteur multiplicateur de concurrence, il y a peu d'investissement dans l'innovation véritable... Tout cela fait que souvent le pack est un refuge de l'innovation. Il fixe sur lui l'intérêt au-delà du produit lui-même. » Mais cette attitude ne peut qu'être transitoire. Le consommateur étant devenu un "professionnel de la consommation", il est capable d'appliquer sa censure aussi bien, à l'emballage nouveau sans valeur ajoutée, qu'au mauvais produit savamment emballé.

Leffe célèbre son Abbaye via un vitrail de bouteilles


Le 17 septembre, l'Abbaye de Leffe fêtait ses 850 ans en dévoilant, au coeur de la gare du Nord, une sculpture monumentale de 2 000 bouteilles représentant son célèbre vitrail. « Au départ, Leffe (Interbrew) voulait créer une bouteille événementielle, et ça, pour moi, comme tout le monde l'a fait, c'était un non-événement », explique Fabrice Peltier, président de P'références et concepteur de l'événement. Beaucoup plus inattendue, cette structure de 8 mètres de haut et de large, a laissé pantois invités et badauds. « 850 ans, c'était énorme comme anniversaire, il fallait créer quelque chose qui permette de restituer ça de façon gigantesque », poursuit le créateur. La communication de la bière Leffe tournant autour de la lumière, et une certaine mystique due aux origines monacales du produit, P'références propose de réaliser cette prouesse technique. « J'ai pris un calque, j'ai compté 2 002 bouteilles et j'ai reconstitué le vitrail avec 7 couleurs dont le noir qui représente le plomb », détaille Fabrice Peltier. La structure de 5 tonnes était éclairée par l'arrière de 300 néons. Elle a illuminé la Gare du Nord pendant une semaine et permis de distribuer - aux curieux seulement - 17 000 dépliants sur l'histoire de l'Abbaye de Leffe. Elle devrait faire prochainement son entrée au Guinness Book des Records. Mais avant cela, entamer une "tournée" dans différentes villes et gares de France. Pour terminer sa course à l'Abbaye en Belgique. Enfin, P'références ne désespère pas de décliner l'événement dans la distribution, avec une reproduction plus modeste de la sculpture dans certains hypers, et la mise sur le marché de bouteilles de Leffe aux sept couleurs du vitrail.

P'tit Louis ou l'osmose produit-emballage


Retour sur un succès durable. Celui des capsules P'tit Louis qui se sont imposées sur le marché, il y a près de dix ans. C'est un cas d'école car « la forme et la conception du pack constituent le produit », explique son concepteur Michel Farce, directeur d'IG Design. La recette du fromage proprement dit n'est pas unique, mais le produit est intimement lié à la forme de l'emballage et la gestuelle qu'il induit. Bien sûr, le produit a été copié, mais toujours en moins bien par rapport à un P'tit Louis qui était devenu la référence. « Le consommateur qui connaît le produit est capable de le dessiner », poursuit Jean-Michel Farce. Revers de la médaille, tous les essais de déclinaisons, modifications de goût, de couleurs, ou de moments de consommation ont échoué. Pour les consommateurs, P'tit Louis c'était blanc, frais, pas sucré et pas un produit apéritif. La synergie entre le goût, la texture, et la forme est tellement forte qu'aucun élément n'est modifiable. Ce qui fait sa force et sa faiblesse. « On pourrait dire la même chose pour un Petit Beurre Lu ou pour La Vache qui Rit, analyse le designer. Sans dents, avec des pépites de chocolat, le Petit Lu n'est plus un Petit Lu ; quant à La Vache qui Rit, quand elle passe à une version apéritive, ça n'est plus de la Vache qui Rit mais des Apéricubes. »

Le marché de l'emballage


2 % du PIB mondial, soit 305 MdE. Le cinquième marché économique mondial. Une part grandissante du plastique : 32 % en volume après le papier/carton. Un consommateur qui perçoit en linéaire 250 références par minute soit 4,16 par seconde.

Valérie Mittaux

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