Dotations: un champ d'application sans cesse élargi
Sous une double poussée structurelle et conjoncturelle, le marché de la dotation voit ses signaux passer au vert sur l'ensemble de ses composantes. La technologie et l'innovation viennent encore renforcer son dynamisme.
Je m'abonneFidéliser une clientèle, récompenser ses salariés, motiver des commerciaux et une force de vente, remercier des partenaires... autant de moments d'exception où intervient la dotation. Chèques, cartes et coffrets-cadeaux, catalogues, cadeaux d'affaires..., la palette est large et le secteur de l'incentive dynamique. «C'est un marché qui a tendance à s'étoffer. Les entreprises prennent de plus en plus conscience de son intérêt», constate Véronique Windal, directrice commerciale d'Accentiv' Kadéos, le pôle récompense et fidélisation du groupe Accor. Aujourd'hui, les cibles sont aussi bien internes à l'entreprise (les salariés) qu'externes (distribution, clients...). Les programmes mis en place ont trois finalités: la motivation, la fidélisation, le cadeau d'affaires. «Le métier de la stimulation s'est démocratisé», remarque Catherine Bauquerot-Fau, directrice commerciale de Tir Groupé. C'est désormais au tour des PME, PMI et TPI de découvrir l'intérêt de la dotation, même si les grands groupes en restent les plus principaux utilisateurs. Le glissement du marché vers des entreprises de plus petite taille rend nécessaire la mise à disposition par les prestataires de conseils et de mécanismes pour mettre en place une opération et l'animer. Des outils clés en main apparaissent: 3 Suisses Entreprises vient ainsi de lancer SuccesStim, une solution d'animation des opérations de stimulation, ou encore 3SKDO, un outil interactif de gestion des points. Accentiv' a ouvert, fin 2006, un site vitrine en ligne où les entreprises employant jusqu'à 50 collaborateurs peuvent acheter des chèques-cadeaux Ticket Compliments convertibles dans 300 enseignes et 30000 points de vente, dans la limite de 5000 euros par commande. Le groupe Kouro Sivo, quant à lui, propose un «Pack Stim».
Jérôme Lemouchoux (Tir Groupé):
«Avec les coffrets-cadeaux Viva boxes, nous allons apporter de l'innovation dans notre offre produits, notamment en stimulation.»
Philippe Florentin (Kouro Sivo):
«Les entreprises parlent aujourd'hui de «marque Employeur» et nous les aidons à mettre en place des programmes pour fidéliser leurs salariés.»
Tous les secteurs sont concernés
Autant le marché est longtemps resté centré sur la motivation, en ciblant les commerciaux, autant il se tourne aujourd'hui vers d'autres populations. Les opérations de motivation des forces commerciales internes qui, il y a encore quelques années, représentaient l'essentiel des budgets, n'en pèsent plus que les deux tiers, selon les professionnels. En interne, ces programmes peuvent désormais toucher d'autres départements (la comptabilité, le service achats, l'accueil, la sécurité, le SAV. ..). Dans le même temps, ils se tournent vers l'externe, les réseaux de distribution, par exemple. Et tous les secteurs sont concernés, depuis les groupes agroalimentaires, l'automobile, jusqu'aux banques et assurances, à la téléphonie et la vente à distance. Ces derniers secteurs étant très demandeurs de programmes de fidélisation, de crossselling et de parrainage. «Les entreprises ont compris que fidéliser leur permettait d'éviter de perdre des parts de marché», constate Philippe Florentin, p-dg de Kouro Sivo. Et c'est également une notion qui touche les ressources humaines. «Les entreprises parient aujourd'hui de «marque employeur» et nous les aidons à mettre en place des programmes pour fidéliser leurs salariés», poursuit Philippe Florentin. Quant au cadeau d'affaires, son marché se conforte également, passant du cadeau gadget obligatoire au cadeau relationnel montrant l'attachement de l'entreprise à ses clients, ses commanditaires, ses prescripteurs... «Le cadeau d'affaires devient un vrai média», s'enthousiasme le p-dg.
Les grandes manoeuvres
Quand on sait qu'un budget de dotation peut aller de 5000 à 3 MEuros, selon les objectifs (nombre de personnes touchées, fidélisation toute l'année ou stimulation one shot), le marché attire de nombreuses convoitises. Fort de ce dynamisme, il se structure et se concentre. Durant l'été 2007, Sodexho, leader de la restauration et du facilities management, a racheté à la fois Tir Groupé, spécialiste de l'émission de chèques cadeaux qui a connu une croissance à deux chiffres sur les dernières années, et Vivaboxes, société créée il y a trois ans sur le marché du coffret-cadeau. Pour Tir Groupé, c'est la possibilité d'élargir la palette de son offre aux coffrets-cadeaux et, pour Vivaboxes, la garantie de pouvoir disposer de la puissance de la force de vente de Tir Groupé pour se renforcer sur le marché des entreprises et comités d'entreprises. «Avec les coffrets-cadeaux Vivaboxes, nous allons apporter de l'innovation dans notre offre produits, notamment en stimulation», explique Jérôme Lemouchoux, directeur marketing de Tir Groupé. Autre rachat qui a fait du bruit l'an dernier: celui de Kadéos, filiale du groupe PPR, repris par Accor Services, filiale de chèques et cartes services du groupe Accor. L'offre commune a été lancée en juillet 2007. Et, début 2008, les équipes de vente ont fusionné. «Cette année verra le lancement d'une nouvelle offre et d'une marque commune», annonce Véronique Windal. Toujours en juillet 2007, le groupe Kouro Sivo a fusionné avec le groupe Initiatives 8c Développement, leader dans le domaine des programmes de fidélisation on line.
Geoffrey Boulakia (Everest Marketing Group):
«Le maître mot, en dotation, c'est innover.»
En quête d'innovation
Chèques-cadeaux, catalogue, voyages et cartes-cadeaux restent les quatre piliers du marché de la dotation. Avec un volume d'affaires estimé à 2 MdEuros, le marché du chèque-cadeau domine. Sa simplicité et sa souplesse continuent à en faire un outil de dotation universel d'autant que, ces dernières années, les chèques multi-enseignes ont amélioré la qualité du service (personnalisation, sécurisation) et le développement du réseau. Les chèques-cadeaux des principaux acteurs du marché s'échangent dans un nombre d'enseignes et de points de vente toujours plus large, notamment pour privilégier la proximité. La carte Tir Groupé référence 325 enseignes nationales et un réseau de 8 000 commerces de proximité. «Depuis quelques années, il y a un fort engouement pour le chèque-cadeau multichoix», souligne Jérôme Lemouchoux. Et bientôt, les chèques cadeaux se feront multipays.
Parmi les grands gagnants de ces derniers mois, on trouve la carte-cadeau et le coffret-cadeau. Même si le chèque-cadeau représente l'essentiel du marché de la dotation, la carte-cadeau et le coffret-cadeau commencent à grignoter des parts de marché. Ils se présentent surtout comme un volant supplémentaire dans la gamme des produits proposés. En 2006, Kadéos avait lancé sa carte-cadeau multi-enseigne (plus de 100 enseignes nationales dans tous les univers de la consommation) personnalisable à l'image de la société. «A terme, la carte-cadeau gagnera des points dans l'univers B to B», estime Geoffrey Boulakia, directeur conseil chez Everest Marketing Group. «Elle vient séduire, faire plaisir, crée de l'impact et de la mémoire. On entre ici à plein dans le monde de la relation», explique Philippe Florentin, qui prévoit, à terme, la fin du chèque-cadeau traditionnel devenu, selon lui, archaïque dans sa forme. Tir Groupé a lancé l'an dernier une carte acceptée sur 180 sites. Le coffret-cadeau vient encore renforcer l'aspect «exceptionnel» du cadeau, le contenant important autant que le contenu. Coffrets et cartes-cadeaux multiplient alors les thématiques: des plus évidentes jusqu'au plus inédites, des plus simples aux plus recherchées, selon la cible et le budget alloué par l'entreprise. «Le maître mot en dotation, notamment pour assurer le succès d'une opération, c'est innover», précise Geoffrey Boulakia.
Véronique Windal (Accentiv'Kadéos):
«Le Web sera incontournable d'ici à trois ans.»
Internet s'invite au bal
Difficile d'imaginer l'avenir du marché de la dotation sans Internet. La dématérialisation de la récompense est dans l'air du temps. Les acteurs du marché investissent massivement dans la mise en place de plateformes internet de gestion des dotations - avec des sites personnalisables - qui permettent à l'entreprise de modifier à tout moment les données de l'opération ou de changer le référencement dans un catalogue. Et qui facilitent, pour le bénéficiaire, le suivi et l'accès à ses points. De nouvelles cartes-cadeaux à puce seront bientôt valables aussi bien sur un réseau que sur le Net. «Le Web sera incontournable d'ici à trois ans», pressent Véronique Windal, qui constate également que le catalogue redémarre. Les entreprises clientes voulant constamment renouveler l'offre dotation de leurs opérations, cela laisse présager de beaux jours au marché.
Bastien Decoudu (Vivaboxes):
«Les marches B to B et B to C sont complémentaires.»
Quand le marché évolue vers le B to C
Cible
Le titre-cadeau fait son entrée en force sur le marché grand public. Son succès auprès des particuliers, par ricochet, bénéficie au marché «entreprises».
Il lui a fallu dix ans pour se faire une place sur les listes de Noël. Mais 2007 a vu la consécration du titre-cadeau.
La carte-cadeau arrivait ainsi en troisième position des présents désirés par les Français pour cette occasion, selon l'étude Deloitte Noël 2007. Derrière l'argent et les vêtements. Elle gagnait même deux places par rapport à la même étude réalisée en 2006. Solution pratique, la carte-cadeau permet d'éviter de donner de l'argent en direct et d'être sûr de ne pas se tromper, le bénéficiaire pouvant choisir le cadeau qui lui fait vraiment plaisir. Solution ingénieuse, elle peut être personnalisée. Sécable, elle peut être utilisée en plusieurs fois. Innovante, elle plaît beaucoup aux jeunes, toujours difficiles à satisfaire.
Du B to C...
Les banques ont compris l'engouement des Français pour ce type de cadeaux et, depuis 2005, nombreuses sont celles qui proposent ce concept de carte prépayée (LCL, la Banque
Postale, CIC, BNP-Paribas, Banque Populaire...). CardOps, division monétique de la Banque Accord, filiale du groupe Auchan, spécialisée dans la monétique, la gestion des cartes de paiement et le crédit à la consommation, a vendu 3,5 millions de cartes-cadeaux en 2007. En 1999, elle lance une carte avec un positionnement B to C (470 millions de transactions en
2007, activable en caisse ou via un extranet) . Outre Auchan (dans les dix pays où le groupe est présent) , elle a noué des accords avec les enseignes Cultura, Jules, Brice, Bizzbee, Cocktail Scandinave, Gros-Bill.com, Alinéa, Picwic. Dernier partenariat en date, Leroy-Merlin depuis décembre. En 2008, la carte sera déployée en Belgique, avec une enseigne internationale.
...au B to B
Deux types de cartes mono-enseignes sont disponibles: la carte à montant fixe, mais sécable (chez Pimkie) et la carte à montant libre, de 10 à 150 Euros (chez Cultura). En 2008, CardOps compte lancer des cartes avec liste d'événements (Carte Liste de Mariage Alinéa, carte de naissance) et cherche à se développer sur le marché B to B. «L'objectif en 2008 est de réaliser, comme en 2007, une progression de notre chiffre d'affaires de 300%, indique Damien Guermonprez, directeur général de Banque Accord. Depuis deux ans, nous développons la carte multi-enseignes Illi Cado en B to B uniquement, notamment pour les CE. Nous allons chercher des alliances et je suis ouvert à toute proposition.»
Sur un autre secteur, Savour Club, leader français de la vente de vin à distance, positionné jusque-là sur un marché de particuliers, développe depuis l'an dernier des offres de cadeaux d'affaires à destination des entreprises. Le marché du coffret-cadeau se déploie à son tour, à la fois sur le marché grand public et, désormais, sur le marché «entreprises». Pour preuve, le rachat par Sodexho en 2007, à la fois de Tir Groupé et de Vivaboxes. Tir Groupé cible les particuliers. «C'est une activité qui est annexe pour nous», relativise Jérôme Lemouchoux, directeur marketing de Tir Groupé. La société a néanmoins mené une campagne de communication grand public, en décembre 2007, pour doper ses ventes aux particuliers et a mis ses chèques-cadeaux en vente dans les réseaux de buralistes et de maisons de la presse. Une activité complétée par le rachat de Vivaboxes. Créée il y a trois ans sur le marché du coffret-cadeau à destination des particuliers, la société s'est tournée vers le B to B il y a un an. «C'est là où le rapprochement avec Tir Groupé nous intéresse, explique Bastien Decoudu, directeur général de Vivaboxes. Tir Groupé possède l'une des plus belles forces de vente du marché du titre-cadeau. Il nous ouvre les portes des entreprises et des comités d'entreprise et inclut nos coffrets dans ses offres.» Et de préciser: «L'année 2008 s'annonce riche pour nous et très importante en termes d'ouverture du marché. Nous allons lancer une vingtaine de coffrets sur de nouvelles thématiques, et notamment sur les produits culturels où la demande est forte. Notre présence en B to C rassure. Nous sommes connus, et c'est un élément favorable en B to B.»
Cibles complémentaires
A son tour, le B to B draine du trafic en B to C. Par ailleurs, autant le marché grand public est saisonnier, autant celui de la dotation en entreprises s'étale sur toute l'année. «Les deux marchés sont complémentaires», souligne Bastien Decoudu. «L'entreprise est un marché qui a l'avantage d'être récurrent et qui apporte du volume», explique Stéphane Maurel, directeur général et fondateur de Magic Day, qui a réalisé 35% de son chiffre d'affaires 2007 avec les entreprises, une activité initiée il y a deux ans et qui connaît une progression à trois chiffres. La carte-cadeau Kouro s'ouvre également au marché grand public, tout en réservant certaines gammes aux entreprises. «Le grand public est demandeur et nous avons toute légitimité sur ce marché. Mais celui des entreprises reste notre cible prioritaire», précise Christine Charoff, sa directrice commerciale.
Stéphane Maurel (Magic Day):
«L'entreprise est un marché qui a l'avantage d'être récurrent et qui apporte du volume.»
Damien Guermonprez (Banque Accord):
«Nous allons chercher des alliances et je suis ouvert à toute proposition.»
Dotations: les instituts d'études fervents utilisateurs
Motivation
Qui dit gestion de panels, dit dotation. Un poste qui requiert des budgets conséquents ainsi qu'une adaptation au type d'étude réalisée.
Comment motiver des panélistes à répondre de façon attentionnée à un questionnaire? Comment les fidéliser? Comment les encourager sans toutefois les transformer en «chasseurs de primes»? «C'est une vraie expertise», souligne Georges Palmero, directeur des panels du groupe Ipsos. Le budget dotation consacré par le groupe Ipsos aux seuls membres de ses principaux panels on line s'est élevé à 1,5 MEuros en 2007, uniquement pour l'Europe. QualiQuanti a distribué 30000 Euros l'année dernière aux panélistes de son access panel on line Testconso.fr. Pour TNS Worldpanel, le budget s'élèverait pour 2007 à 1,4 MEuros. TNS Sofres a réalisé en 2007 près de 400 000 interviews via son access panel en ligne 6th Dimension et estime que 70% des panélistes utilisent leurs points. «Cela représente des budgets conséquents», confirme Jérôme Labbé, directeur du département Interactive de TNS Sofres. «L'incentive doit être juste et proportionné, estime Daniel Bô, président de QualiQuanti. Il ne s'agit pas ici d'un mode de paiement. Pour nous, c'est une façon de montrer au panéliste qu'il est pris en considération.»
De nombreux instituts d'études disposant d'un access panel en ligne pratiquent le système par points. Chaque réponse à un questionnaire donne droit à des points qui varient le plus souvent avec la longueur et/ou la complexité du questionnaire. A partir d'un certain seuil, les points sont convertibles soit en chèques-cadeaux, soit en points cadeaux à valoir sur un catalogue d'objets disponible en ligne. Pour motiver encore davantage les panélistes, certains instituts ont recours, en plus des points cadeaux, à des loteries. Les lots peuvent alors s'élever à plusieurs centaines voire milliers d'euros (ou des cadeaux d'une valeur équivalente). Chez Harris Interactive, toute participation à une enquête via l'access panel du groupe donne droit à une chance pour un tirage au sort permettant de gagner des bons d'achats multi-enseigne dont la valeur oscille entre 100 et 500 Euros. QualiQuanti récompense par tirage au sort des questionnaires courts de moins de trois minutes (chèque-cadeau) et la totalité des participants qui ont répondu de façon attentionnée au questionnaire long. «Comme notre access panel en ligne est international, explique Georges Palmero, nous travaillons avec un prestataire du chèque-cadeau qui est lui-même international, et nous soustraitons l'ensemble de la logistique.»
Des lots adaptés à la cible
Dans le cas des panels off line, la politique du groupe Ipsos consiste à accompagner l'envoi à domicile du questionnaire d'un cadeau. «Nous l'envoyons à tout le monde quand le questionnaire est lourd. Quand il est plus léger, nous avons tendance à l'envoyer aux seuls répondants.» Dans le cas de gros échantillons (10 à 15000 panélistes), Ipsos a recours à une loterie. TNS Sofres n'exclut pas de le faire un jour. Dans le cas d'enquêtes sur fichier clients, le recours à des loteries est fréquent pour remercier les participants. Pour une étude de satisfaction auprès de clients d'un opérateur téléphonique (75000 interviews), les participants ont pu ainsi gagner des week-ends dans un Relais 8c Châteaux. Parmi les lots offerts, outre la restauration ou l'hôtellerie de luxe, on trouve des TV plasma, des iPod. «Des objets sélectionnés pour leur côté innovant et leur valeur perçue» , explique Jérôme Labbé. En tout état de cause, pour les études auprès de panels propriétaires ou spécialisés, les lots sont adaptés à la cible. Pour son panel Consommateurs, TNS Worldpanel accorde des points qui permettent d'acheter, à partir d'un seuil, sur un catalogue (papier mais aussi Internet pour les 20 000 nouveaux recrutés). «Etant donné que nous demandons à nos panélistes de répondre toutes les semaines, il est important de maximiser leur fidélité dans le temps», souligne Isabelle Kaiffer-Sivan, sa directrice marketing.