DMA: vers un marketing en temps réel
Les nouveaux médias ont été au coeur des débats de la Direct Marketing Association organisée à Boston, du 1er au 5 octobre derniers.
Je m'abonneQui dit marketing en temps réel, dit e-marketing, via les réseaux sociaux. Cette année, les grands leaders de ces nouveaux médias ont tenu la vedette de la 94e convention de la Direct Marketing Association, organisée à Boston du 1er au 5 octobre derniers. Pour son discours d'ouverture, Lawrence Kimmel, directeur de la DMA, avait invité Biz Stone, cofondateur de Twitter. Et les deux autres conférences plénières ont respectivement accueilli, devant plus de 2000 spectateurs, Grady Burnett, en charge des solutions de marketing global de Facebook et Alan Moss, l'un des cadres dirigeants de Google. «La marque doit avoir un sens aux yeux des consommateurs. C'est pourquoi il lui faut d'abord «écouter» les tweets pour savoir ce que les gens veulent», a expliqué Biz Stone. Grady Burnett a étayé le propos de son confrère par des exemples: 1800flowers.com, dont les bouquets, sélectionnés par les internautes, figurent au top cinq des ventes, les «like» de Levi's, qui font quadrupler les visites en magasin, ou encore le site de vente de peluches Squishable.com, lequel demande à ses fans de choisir la couleur de sa dernière création avant d'en lancer la fabrication.
Richard Rosen est un des «gourous» du marketing américain. Cet expert , régulièrement invité au festival de la publicité Cannes Lion, a collaboré avec des entreprises telles que Dell, IBM, Disney et MetLife.
« Le client doit être un partenaire
Interview : Richard Rosen, auteur du livre Convergence Marketing, revient sur la complémentarité entre publicité et marketing. Il estime que la publicité doit être en cohérence avec l'offre, afin de fidéliser le consommateur.
MM: Comment les marques peuvent-elles aujourd'hui gagner la confiance des consommateurs?
Richard Rosen: Je pense que l'avenir appartient aux marques qui s'impliqueront, d'une manière ou d'une autre, dans les problématiques sociales. Aux Etats-Unis, près de 40 % des femmes achètent déjà auprès d'enseignes jugées socialement responsables.
Le nombre d'entreprises qui mènent des actions dans ce sens augmente. La marque Ben & Jerry's, par exemple, reverse un pourcentage de ses ventes aux ONG qui travaillent en faveur de la paix dans le monde.
De même, ce n'est pas simplement parce que Richard Branson, le fondateur de Virgin, est à la fois cool et beau garçon que les Américains l'apprécient. C'est parce qu'il milite depuis des années pour le recyclage des déchets. Or, cette sympathie pour l'homme bénéfice à son entreprise.
MM:Pouvez-vous nous citer une marque qui se distingue par sa politique «socialement responsable»?
R. R.: La démarche de la marque de crackers Triscuit me paraît, en la matière, assez exemplaire. Il faut être clair: cette filiale du groupe Nabisco n'a aucune spécificité par rapport à ses concurrentes et ne fait jamais que fabriquer et vendre des biscuits apéritifs. Pourtant, Triscuit a su se distinguer en créant l'opération «Plant a seed, grow a movement. Triscuit home farming». En collaboration avec l'association à but non lucratif Urban Farming, elle a financé l'implantation de 50 fermes communautaires sur des friches inutilisées et elle a distribué des graines dans ses paquets de biscuits, pour que les gens puissent cultiver leur petit potager.
Sur un site et une page Facebook dédiés à cette campagne, chaque jardinier en herbe peut apprendre, voir ses progrès et les faire partager aux autres. La marque a réussi à provoquer de la sympathie autour d'une bonne cause: utiliser des terres à l'abandon pour produire soi-même ses légumes et ses aromates.
MM: Comment réussir à créer un lien durable avec le consommateur?
R. R.: Aujourd'hui, les clients regardent au-delà du produit lui-même. La marque doit signifier quelque chose pour eux et provoquer une émotion ou un sentiment. Au cours des 30 dernières années, les entreprises se sont attachées, à tort ou à raison, à acquérir des clients. Elles ne s'intéressaient pas tellement à la fidélisation. La publicité servait à asseoir la notoriété de la marque, mais aujourd'hui ce modèle est révolu. La pub doit engager le consommateur vis-à-vis de la marque. Le client doit devenir partenaire.
MM: Comment faire?
R. R.: L'entreprise doit fournir aux consommateurs des contenus pertinents et impliquants, qui le concernent directement. Prenons l'exemple de la marque d'aliments pour chiens Pedigree, du groupe Procter & Gamble. A priori, ses produits ne diffèrent guère de ceux proposés par la vingtaine d'autres fabricants présents aux Etats-Unis. Mais la marque a réussi à fédérer une communauté d'amoureux des chiens.
Sur son site, chaque propriétaire trouve des informations, des conseils pour soigner, nourrir et dresser son animal, grâce à des vidéos. Ces contenus sont régulièrement mis à jour et enrichis. Chaque jour, l'internaute qui va sur le site de Pedigree apprend quelque chose de nouveau. La marque a suscité une réelle empathie de la part de ses clients, en faisant des dons aux refuges et leur fournissant gratuitement de la nourriture. Cet engouement se vérifie sur sa page Facebook.
MM: Les marques ont donc vraiment intérêt à veiller à la pertinence des contenus...
R. R.: C'est d'autant plus vrai qu'aujourd'hui les consommateurs sont très bien informés grâce aux réseaux sociaux. Ils n'acceptent plus que les marques leur mentent. Quand on voit, aux Etats-Unis, des entreprises comme BP ou Exxon parler de développement durable, on peine à les croire. Les Américains savent bien que leur business, c'est le pétrole. A l'avenir, les marques miseront sur la transparence.
MM: Pour vous, il n'y a pas lieu de séparer publicité et marketing, pourquoi?
R. R.: Ces deux disciplines sont indissociables, car les agences réalisent des campagnes publicitaires magnifiques pour que les consommateurs reconnaissent la marque. Mais il faut ensuite transformer cette reconnaissance en engagement. C'est pourquoi la convergence entre publicité et marketing est incontournable. Une très jolie carrosserie ne sert à rien s'il n'y a pas de moteur sous le capot...
MM: Qu'est-ce que cela signifie, concrètement?
R. R.: Cela veut dire que la publicité ne se suffit pas à elle seule. Elle doit s'accompagner d'un bon dispositif marketing. Cela implique aussi que le marketing soit en phase avec le message publicitaire. Je vais vous donner un exemple récent. En début d'année, Chrysler a réalisé une campagne télévisée remarquable. Son slogan, «Imported from Detroit», a eu un très fort impact sur les Américains. La publicité a suscité une réelle empathie au sein de la population. Or, quand le consommateur allait sur le site de Chrysler, il se retrouvait sur un banal catalogue de vente en ligne... Le fossé entre l'image véhiculée et l'émotion provoquée par la publicité et le contenu du site web était énorme. On passait sans transition d'une belle et grande idée à un simple outil commercial, sans aucun lien affectif avec le consommateur.
L'erreur de beaucoup d'organisations? C'est de faire travailler les publicitaires d'un côté et les marketeurs de l'autre. L'entreprise qui réunira la créativité publicitaire et les sciences du marketing au service de sa marque aura plus de chances de réussir, surtout si elle s'engage dans une vraie démarche de responsabilité sociale.
Cette obsession liée à la réactivité a aussi placé le marketing mobile au centre de l'actualité de la convention américaine. Les investissements des annonceurs américains dans l'Internet mobile ont augmenté de 51 % en 2011 (900 millions de dollars) et devraient encore progresser de près de 40 % en 2012, pour atteindre 1,2 milliard de dollars. Au cours de cette convention, deux questions sont restées sans réponse: comment investir dans les nouveaux médias sans augmenter les budgets? Est-il possible de mesurer leur retour sur investissement? « Quantifier le ROI des médias sociaux n'a pas de sens, c'est comme si on vous demandait de calculer celui de votre carte de visite», a expliqué Thomas Half, de l'agence californienne BFG. Si personne ne détient la solution de ce double problème, tous les experts présents à Boston partagent deux certitudes. Tout d'abord, il est impossible de faire l'impasse sur les médias dits alternatifs, qui n'ont pas fini de transformer la manière dont les produits et les services seront achetés et vendus dans les années à venir. De plus, il est au moins aussi important de fidéliser le client que de l'acquérir, mais cela coûte plus cher. Dès la conférence inaugurale, Lawrence Kimmel (CDMA) avait planté le décor: «Nous vivons une période extraordinaire marquée par l'immédiateté, la transparence et la valeur. Mais nous devons être encore plus pertinents, plus rapides, plus prédictifs et plus anticipatifs. »