Coupe du monde de rugby: un essai à transformer
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Alors que l'Ovalie fait vibrer la France, tout le pays espère réitérer les exploits sportifs et économiques de la Coupe du monde de football 98 où le parcours inespéré de la France, entre autres, avait entraîné une progression du PIB de plus d'un point par rapport à l'année précédente (2,3 % en 1997 et 3,5 % en 1998 !). Certes, le rugby est un sport moins exposé que le football, mais les professionnels considèrent cette compétition comme le troisième événement sportif mondial après les Jeux olympiques et la Coupe du monde de football. Selon une étude réalisée par la chaire de marketing sportif de l'Essec, la RWC (Rugby world cup) devrait d'ailleurs avoir des retombées économiques de 8 milliards d'euros sur quatre ans pour les régions françaises. Sans parler de l'impact sur les ventes, l'image et la notoriété sur les marques qui sauront utiliser le potentiel de la Coupe du monde de rugby à des fins marketing. Car depuis cinq ans, ce sport a su évoluer, passant d'un «rugby de terroir à un rugby spectacle», beaucoup plus «glamour», selon Julien Bernard, secrétaire général de la chaire européenne du marketing sportif de l'Essec. Il a aussi su séduire un public beaucoup plus large que les jeunes passionnés du Sud-Ouest, traditionnels supporters du ballon ovale. Aujourd'hui, selon Sport Lab, le rugby est suivi par des cadres (24 %) mais aussi des + de 50 ans (26 %) et de plus en plus par les femmes... Si l'audience moyenne d'un match de rugby n'a rien à voir avec les scores enregistrés par le ballon rond (1 million de téléspectateurs en moyenne sur Canal +), elle est en constante augmentation, jusqu'à devenir le deuxième sport regardé par les Français à la télévision. Pour le dernier tournoi des VI Nations par exemple, les audiences sont montées jusqu'à 6,5 millions de téléspectateurs pour le match France-Irlande... Et pour la Coupe du monde de cet automne, les responsables de l'étude tablent sur 260 millions de téléspectateurs en France et près de 4 milliards dans le monde (sur 48 matches). Sans parler des 2 millions et demi de spectateurs dans les stades... Une aubaine pour les marques. «En 2006, le sponsoring du rugby s'est élevé à 100 millions d'euros, soit un doublement par rapport à Vannée précédente», affirme Julien Bernard. Et d'ajouter: «Tous les contrats ont été revus à la hausse et des grandes marques s'intéressent désormais à ce sport longtemps resté aux mains des entreprises locales.»
Raphaël Niemi (Société Générale)
«La Coupe du monde est pour nous une véritable récompense après vingt ans d'engagement auprès du rugby.»
Julien Bernard (Essec):
«Nous ne sommes encore qu'au tout début de l'engouement pour le rugby.»
Des valeurs en phase avec les marques
Et ce n'est qu'un début. La Coupe du monde devrait booster le rugby business, que ce soit pour les pratiquants, le nombre de fans et de téléspectateurs, et donc mécaniquement, les retombées pour les marques associées à ce sport. «Le rugby présente, explique Julien Bernard, trois avantages majeurs pour les entreprises. C'est un sport extrêmement préservé, qui a su conserver les valeurs de proximité, de convivialité et d'ouverture, contrairement au football.» Et de préciser: «De même, alors que le foot sert la notoriété de la marque et peut être considéré comme un vecteur publicitaire classique - et même plus cher que ce dernier -, le rugby sert l'image de marque et véhicule un côté émotionnel, un peu à la manière de la voile. Ensuite, l'encombrement est encore peu important, ce qui permet une certaine accessibilité pour les sponsors: quand le coût pour mille contacts représente 73,39 euros pour le foot, il est «seulement» de 45,34 euros pour le rugby.» Reste que pour la Coupe du monde, le ticket d'entrée pour les partenaires officiels n'était pas abordable pour tous, loin de là: 5 millions d'euros pour les six top partenaires (EDF, Société Générale, GMF, SNCF, Peugeot et Visa), 2,5 millions pour les cinq sponsors (Vedior, Capgemini, Orange, Toshiba, Emirates) et des financements négociés au cas par cas avec les fournisseurs officiels (Adidas, Gilbert, Clifford Chance, Coca-Cola et Goodyear) .
«Il s'agit pour la plupart de partenaires fidèles, contrairement au football où les sponsors changent tous les quatre ans, précise François Guyot, président du cabinet Sport Market. En effet, la médiatisation reste encore moindre que pour le foot mais il y a plus d'histoires à raconter...» Il n'y a qu'à voir le cas de la Société Générale pour s'en convaincre. Partenaire du rugby au travers de différentes équipes professionnelles ou amateurs depuis vingt ans, la banque voit la Coupe du monde 2007 comme «une cerise sur le gâteau d'anniversaire», s'en thousiasme Raphaël Niemi, responsable sponsoring rugby à la Société Générale. Comme beaucoup d'autres partenaires, la banque a donc décidé de déployer des actions marketing à 360°. Avec des moyens - un doublement du budget annuel consacré au rugby, soit environ 20 millions d'euros - et des prestations spectaculaires. «Toutes les équipes ont été mobilisées en interne pour rendre optimales les actions de communication», précise le responsable sponsoring. Entamées dès J-365 avec la réalisation d'un match de rugby à la verticale sur la façade de l'agence historique et d'un jeu de piste dans dix villes de l'Hexagone, elles se sont poursuivies grâce au fil rouge du site internet www. paramourdurugby. com ou de la carte affinitaire rugby. Par la suite, des actions ponctuelles, comme «Essais de femmes», le Trophée «Homme de match» ou encore le «House Club House« pour les jeunes ont maintenu l'attention.
Nawfal trabelsi (McDo)
«Notre association au rugby permet de renforcer nos valeurs; l'esprit d'équipe et la convivialité notamment. Elle permet aussi de nous donner un côté terroir que nous n'avions pas.»
Un sport vecteur de liens...
«Nous attendons surtout des retombées en termes de visibilité et de renforcement des valeurs de l'entreprise, précise Raphaël Niemi. Les retours commerciaux seront plus difficiles a évaluer.» Une vision que partagent les autres partenaires ou sponsors officiels, qui affirment tous s'associer à la Coupe du monde de rugby avant tout pour des motivations de notoriété ou d'image. «Nous attendons certes des retombées économiques mais surtout des retours d'image pour la marque car les valeurs véhiculées par ce sport - l'honnêteté, le dépassement de soi, le collectif... - sont très en phase avec celles d'Adidas», tient à souligner Alain Michel, directeur marketing rugby d'Adidas France, dont la marque est à la fois fournisseur officiel de la Coupe du monde de rugby et partenaire officiel des Ail Blacks de Nouvelle-Zélande et de l'équipe d'Argentine.
«En s'associant a ce type d'événement, nous souhaitons remplir plusieurs objectifs, précise Estelle Bouquet, responsable communication, sponsoring et partenariat chez Peugeot. D'abord asseoir notre dimension internationale grâce à une audience forte et en croissance, ensuite renforcer les valeurs de l'entreprise, se positionner comme un acteur majeur du rugby et enfin créer du trafic dans le réseau concessionnaires avec une théâtralisation du point de vente et la création de séries spéciales rugby pour nos véhicules 207 et 307.» Contrairement à la dernière édition de la Coupe du monde de rugby en 2003, où la marque s'était associée tardivement à l'événement, Peugeot a donc monté sa stratégie, internationale mais régionalisée, très en amont. Dès le début de l'année, des publicités dans la presse spécialisée ont ainsi été publiées sous le thème «Aller toujours plus loin... pour plus d'engagement», progressivement étendues à la presse généraliste, à la télévision et à l'affichage. Et là encore un site internet www.tousaucoeurdelamelee.com a permis de garder un lien avec les prospects. «Notre statut de fournisseur officiel nous permet également de montrer notre savoir-faire, reprend Estelle Bouquet, car toute une gamme de véhicules, 280 au total, est mise à disposition des sportifs et des VIP...» Un élément essentiel aussi pour Orange, à la fois sponsor officiel, détenteur exclusif des droits mobiles en Europe et fournisseur officiel de solutions de télécommunications, qui va faire état de toute sa capacité technologique, à la fois pour le comité et ses clients. En tentant de plonger ses abonnés au coeur de l'action: sur les lieux de vente, transformés en vestiaires, par le biais de la campagne au slogan évocateur «Vous y êtes» et surtout par les contenus exclusifs mis à disposition. «Nos clients vont pouvoir accéder à un reportage médit sur les coulisses de la préparation du XV de France, aux archives des coupes précédentes et bénéficier d'interventions d'experts, comme Fabien Galthié, ou encore pouvoir se plonger virtuellement au coeur de l'événement grâce à un jeu en mode multijoueur très simple d'utilisation», explique Samantha Woods-Marie-Rose, directrice des contenus sport de la marque.
Une notoriété en construction
Si Zinédine Zidane recueille 74 % de notoriété spontanée ou Thierry Henry 25 %, le premier rugbyman connu, Fabien Pelous, n'obtient lui que 2 % et son homologue, Frédéric Michalak, qu'un petit pour cent... Même si leur notoriété assistée est plus importante -49 % pour Michalak - les joueurs de rugby sont encore peu reconnus du grand public
François Guyot (Sport market):
«Le rugby est un sport qui se célèbre comme une fête familiale. Les marques peuvent s'y associer sans risque.»
...et qui peut fait vendre
L'objectif est simple: capter et fidéliser la clientèle grâce à un nouveau mode de consommation. «Il est clair que le sport est un déclencheur d'usage, affirme Delphine Ernotte, direc trice de la communication commerciale et du sponsoring. Cet événement va créer de nouveaux réflexes d'utilisation du mobile.» Et donc l'addiction à des services loin d'être gratuits.
Car en plus de l'image, c'est bien sûr des retombées business qui sont attendues, même si elles sont plus difficilement mesurables ou avouables. «S'il est encore illusoire d'affirmer que le sport fait vendre dans l'absolu, il est désormais prouvé qu'il peut être rentable», affirme le guide Sport et Sponsoring 2007 édité par Tarsus France. Ainsi, la Société Générale ambitionne de recruter plusieurs dizaines de milliers de nouveaux clients. Et ce notamment par le biais de la vente de billets qu'elle a pu organiser dans son réseau de 2200 agences grâce à son statut de partenaire officiel. Pour les équipementiers aussi, l'effet Coupe du monde peut être lucratif. Nike, par exemple, a d'ores et déjà annoncé dans LSA avoir vendu six fois plus de produits a la distribution pour cet événement que pour celui de 2003. Mais c'est dans la grande consommation que les retombées sur les ventes sont les plus attendues.
Certaines marques, telles que Les Parfums Berdoues ou les chocolats Weiss, ont signé un accord de licence avec l'IRB (International rugby board) pour créer des produits spécifiques comme des coffrets de parfums, des trousses de toilettes, des ballons ovales ou des tours Eiffel en chocolat. «Le fait d'avoir la licence nous permet d'entrer sur des marches qui n'étaient pas forcément faciles d'accès, comme les travel retails: aéroports, gares ou bateaux. Cela va aussi servir notre notoriété envers le grand public et notre développement commercial dans le Sud-Ouest et le secteur des cadeaux d'entreprise», explique Paul Ducasse, le p-dg de Weiss. «Ce genre d'opération augmente le chiffre d'affaires de 9 à 10 %», confirme Nawfal Trabelsi, directeur marketing de McDonald's France, fournisseur officiel. Pour la Coupe du monde, l'entreprise va ainsi suivre la logique qui prévaut dans les autres sports auxquels elle est associée en mixant le côté corporate des partenariats établis depuis des années avec des clubs du Sud- Ouest et la dimension événementielle. Et dans les restaurants, les consommateurs vont pouvoir effectuer un tour du monde culinaire avec des menus aux saveurs des grandes nations du rugby comme «l'essai français», «la touche argentine», «le drop italien» ou «la mêlée australienne». Une opération relayée avec humour par des spots TV (800 GRP) en septembre et des bannières Internet (1 000 GRP). Mais d'autres marques, qui n'ont pas souhaité s'associer à l'IRB, n'en entendent pas moins profiter de l'aubaine. Ainsi de Skip, pour qui l'objectif est d'abord de combler un déficit de notoriété en mettant encohérence la nouvelle philosophie de la marque «libre de se salir», avec un sport, le rugby. Cela lui permet de créer un lien de proximité avec les consommatrices. Parallèlement, la marque de lessive d'Unilever attend une augmentation de ses ventes. «Nous n'allons pas mener d'opérations spectaculaires mais nous éditons à 3 000 exemplaires une brochure qui explique les règles du rugby aux femmes et nous faisons de l'animation dans toutes les grosses enseignes de distribution avec un relais TV», détaille Séverine Vauléon, directrice marketing soin du linge chez Unilever. L'an dernier, lors de la première opération rugby de la marque, les parts de marché étaient ainsi passées de 14,4 % à 15,8 %.
Avec des contenus exclusifs, réservés à ses clients, Orange fait découvrir les coulisses et les temps forts de la Coupe du monde.
Les entreprises du sud-Ouest s'agitent elles aussi, à l'image de Delpeyrat, spécialiste de la gastronomie et du terroir du Sud-Ouest, associé au ballon ovale depuis 1890. «Nous nous sommes interrogés sur un partenariat avec l'IRB mais la contrainte financière était trop forte. Nous organisons donc une semaine avant l'événement, la «Delpeyrat classic cup» avec des anciens joueurs internationaux. Une compétition qui correspond bien à nos valeurs.
Dans le même temps nous aurons des animations rugby en supermarché et lançons une gamme spéciale Delpeyrat classic cup, dans une période un peu creuse», précise Jean Aymes, son directeur marketing. Alors que les linéaires se remplissent de produits événementiels et que le ballon ovale s'insère dans les espaces publicitaires, reste tout de même une inconnue de taille: le parcours de l'équipe française, qui devrait indubitablement peser sur les retombées médiatiques, marketing et business de cet événement sportif.
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