Beau temps pour les études de marque
Etudes La marque est partout, présente dans notre vocabulaire et dans notre vie quotidienne et professionnelle. Un véritable patrimoine pour les entreprises. Pour mieux la piloter, les études se font plus pointues.
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«Parmi les quelque 14 700 mots du dictionnaire, grâce auxquels nous nous
exprimons et communiquons couramment, une fraction significative et croissante
est constituée de marques déposées », remarque Marcel Botton, P-dg de Nomen,
sur la base d'une étude qualitative qu'il vient de réaliser. Actuellement, 13 %
des mots que l'on connaît, en France, sont des marques. Selon une étude récente
de Millward Brown, “Brand Child”, les adolescents côtoient plus de 8 000
marques tous les jours. « Les marques internationales sont partout, écrit
Catherine Becker, directrice associée de Sorgem, dans Du Ricard dans mon Coca.
Elles envahissent notre espace visuel et mental, surgissent à chaque coin de
rue, défient nos imaginations, soulèvent nos émotions. » Face à une concurrence
grandissante, et plus internationale, il est plus que jamais indispensable pour
une marque d'émerger, pour recruter mais surtout fidéliser. Pour cela, il faut
encore mieux connaître ses valeurs, ses forces et faiblesses, et les attentes
de ses clients. Le cœur des problématiques de marque est là. « Dans des marchés
toujours plus encombrés, face à une baisse de l'efficacité des communications,
les marques doivent renforcer leur puissance », estime Jean-Christophe Salles,
directeur associé de GfK Sofema.Pour accompagner les entreprises dans cette
démarche, les instituts proposent une large palette d'études. Des approches
diagnostics des marques sur leurs marchés (stratégiques sur les
positionnements, les valeurs, les imaginaires de marque, les missions de
marque, ou plus classiques d'image, ou diagnostics sur le capital marque, la
santé des marques) aux études d'évaluation de leur puissance et les trackings «
Chez GfK, la marque est dans toutes les problématiques marketing », ajoute
Jean-Christophe Salles. C'est aussi l'optique d'Ipsos ou de TNS Sofres, The
Added Value, Sorgem ou encore de Research International. Millward Brown, qui,
il y a trente ans, n'était positionné que sur les études publicitaires, réalise
désormais un tiers de son CA avec les études sur la marque de type Brand
Dynamics. A quoi il convient d'ajouter le business réalisé avec ATP, outil de
tracking sur l'ensemble d'une marque. Les études Fonds de Marque, de Sorgem,
représentent une grande partie de son chiffre d'affaires, et se déclinent de
plus en plus à l'international. « La différenciation est probablement le
principal enjeu des marques aujourd'hui », indique Bruno Botton, Global
Director Branding & Communication de Research International Group. Tous les
praticiens du marketing s'en rendent désormais compte, la différenciation, par
l'offre et l'innovation, ne peut, à elle seule, protéger une marque sur le long
terme. « La construction de la différenciation se fait sur la durée, en
établissant avec les consommateurs des liens d'une autre nature, les notions de
performance cédant la place à des liens plus émotionnels », poursuit-il. La
nouvelle approche Equity Engine de pilotage du capital de marque de RI, sur
plus de 50 catégories de produits, met en évidence l'équilibre entre “fonction”
et “émotion”. « Mais, au-delà de la différenciation, c'est aussi la capacité
qu'aura la marque à répondre aux attentes plus fondamentales, plus profondes et
aspirationnelles des consommateurs, qui lui permettra d'élargir son spectre de
clients loyaux. Bien-être, sécurité, liberté… sont autant de “needs”, parmi
d'autres, sur lesquels nous avons travaillé », ajoute Bruno Botton. Toujours
sur cette idée de différenciation par les besoins fonctionnels, identitaires et
surtout émotionnels, TNS Sofres dispose de deux outils : Conversion Model, la
mesure de l'engagement des consommateurs vis-à-vis d'une marque sur un marché
donné, et NeedScope System, un outil quali et quanti de développement de la
force d'une marque, qui vient de Nouvelle-Zélande et que TNS Sofres lance en
France après l'avoir déployé à l'international. « Cet outil permet de
positionner tous les besoins sur une carte et de calculer des coefficients de
corrélation entre les besoins du segment et les marques, explique Valérie
Morrisson, Dga du Département Consumer de TNS Sofres. On arrive ainsi à
déterminer ce qu'il faut supprimer, ignorer, renforcer ou développer pour
répondre encore mieux aux besoins du marché. C'est vraiment très opérationnel.
»Opérationnel, le mot est dit. « D'une façon générale, remarque Monique
Bensimon, directrice du marketing et du développement d'Ipsos France, la
demande d'études sur la marque est en expansion et se caractérise, notamment,
par une demande de plus d'opérationnalité. C'est, par exemple, en quali, plus
de demande de recherche d'insights directement activables et, en quanti,
l'identification des leviers de l'équité (pour nous, c'est EquityBuilder), et
du positionnement des marques sur les principaux drivers du marché (c'est
Perceptor d'Ipsos Novaction). » MV2 vient de développer Brand Building, un
audit stratégique de la marque, qui fait le point sur la notoriété de la
marque, les attributs auxquels elle est associée, sa capacité à se
différencier, son territoire de communication reconnu, les supports habituels
de communication, et qui permet de mesurer son attractivité, d'identifier sa
stratégie de communication et les meilleurs vecteurs. Repères, de son côté,
toujours dans un souci d'opérationnalité, ajoute Noyau de Marque, un nouveau
module, à son outil Force de Marque Système et à Fonds de Marque de Sorgem
qu'il vient compléter. Noyau de Marque est une approche quantitative qui
identifie clairement les valeurs du noyau central de la marque (ces attributs
propres sans lesquels la marque ne serait plus elle-même) et les valeurs
périphériques. « C'est un outil pertinent quand on réfléchit à une
diversification ou quand on travaille une plate-forme créative », précise
François Abiven, P-dg de Repères.
Prédiction et modélisation
« Nous sommes entrés dans une ère de “comptabilité”
du marketing, fait remarquer Jérôme Simulin, directeur adjoint d'Ipsos
Novaction Headquarters. De plus en plus,chaque dépense marketing doit être
justifiée devant le contrôleur de gestion. Nous sommes dans une logique de ROI
des investissements sur la marque. » Le besoin de modélisation, qui permet de
scénariser différentes orientations stratégiques, va grandissant. GfK a lancé
depuis deux ans, et d'abord en Allemagne, le BPI (Brand Power Index), un
indicateur de puissance de la marque qui permet de faire des prédictions de
parts de marché dans une nouvelle approche globale d'analyse de la valeur de la
marque, appelée GfK Bass, et qui vient compléter les différents outils d'études
sur la marque, dont l'outil stratégique de positionnement de marque, GfK Target
Positionning. Les drivers du BPI identifiés, on peut segmenter le marché, soit
sur le BPI, soit sur la relation des consommateurs aux marques. Millward Brown
vient de signer un accord international exclusif avec Interstat, pour
l'acquisition de la licence mondiale du modèle Sapiens, développé par Alain
Pioche. « L'ajout de ce modèle à notre portefeuille, se félicite Liz Musch,
directrice du développement de Millward Brown Europe et Dg de Millward Brown
France, renforce notre expertise des marques et nous permet d'offrir aux
annonceurs des analyses marketing efficaces. Contrairement à des tests de
simulation ou à des approches ponctuelles du marché, Category Dynamics (le
nouveau nom du modèle Sapiens) sera utilisé en continu. » Ipsos Novaction va
encore plus loin avec Perceptor, modélisation qui peut être associée à Equity
Builder pour évaluer l'impact d'une évolution de la stratégie d'une marque (ou
de ses concurrents), sur sa position concurrentielle. Perceptor peut également
être couplé à des U & A. L'outil Sales Builder (ex-Brand Health Check) d'Ipsos
Novaction permet de simuler du profit incrémental. « Ce que nous cherchons à
faire, c'est de comprendre l'efficacité des actions marketing, en nous appuyant
sur des données issues de panels et des données de pull, qui vont simuler non
plus seulement des effets à court terme mais, et c'est bien plus intéressant
pour les marques, des effets à long terme, explique Jérôme Simulin. Cela nous
permet de simuler des stratégies que la marque n'a pas encore expérimentées,
toujours dans une logique de retour surinvestissement et ventes. »
Une attention envers la fidélisation
Les études de
marque, ont évolué pour passer de simples études de brand equity à des études
d'aide à la capitalisation des marques avec, plus récemment, une attention
particulière portée à la fidélisation. C'est l'objectif d'outils comme
Conversion Model de TNS Sofres, de Loyalty Driver de Research International, de
GfK Loyalty Plus, des approches d'Ipsos en satisfaction/fidélité. « Notre
expérience, note Laurent Florès, président de CRM Metrix, montre qu'à côté de
la marque doit se développer un marketing du client. Au classique marketing des
“4 P” est en train de succéder un marketing des “5 P”. Le cinquième “P”
n'étant bien sûr que le P de “People”. Cette évolution qui peut, a priori,
paraître plus esthétique que drastique, est lourde de conséquences puisqu'elle
propose de centrer l'activité de l'entreprise sur les clients autant que sur la
marque. De cette nouvelle orientation naît le marketing relationnel, passant
de la gestion du capital marque au capital client, et bientôt de la fonction
de chef de marque à celle de responsable de clients. »
Quelques réflexions introductives sur la marque, Par Danielle Rapoport, directeur du Cabinet DRC
« Parler de la marque aujourd'hui et des défis qu'elle suppose, revient à questionner des pans de l'histoire du monde de la consommation et du monde dans lequel elle s'inscrit.Dans un contexte de turbulence, la marque y retrouve- t-elle sa fonction de repères et ses attributs de permanence ? Dans cette montée irrépressible de l'individualisme qui a mis à bas les appartenances collectives au profit de multi-clan sporadiques et de communautarismes identitaires, la marque fait-elle lien, ou se dilue-t-elle dans le seul ornement de son image ? A vouloir justifier, de par sa seule existence, un différentiel de prix que ses plus fidèles adeptes remettent aujourd'hui en cause en fréquentant les maxi- discount, la marque peut-elle survivre dans un monde qui ne reconnaît, dans sa justesse, le prix à payer pour ce “plus” qu'elle propose… A vouloir à tout prix être unique et différente, ne se prend-elle pas pour sa propre idole, au risque de se (con)fondre dans le vaste marché de l'interchangeable ? A s'étendre comme elle fait pour couvrir de son nom des domaines qui ont peu en commun ne risque-t-elle pas d'y effilocher sa crédibilité ? A vouloir forcer les limites du marché en s'appropriant celles de la vie privée, ne joue- t-elle pas la carte de la démagogie et de la toute-puissance ? Et aussi, à tant vouloir être “choisie” et “préférée” de ses consommateurs, ne perd-elle pas de sa vérité, et de sa substance en les troquant contre de fausses éthiques ? Ces quelques questions pour rendre plus sensible le rôle et le poids des marques, dans un contexte ambigu où à la fois elles se veulent les garants et représentants de valeurs, et à la fois s'en éloignent pour des raisons d'optimisation productive et de soumission aux lois du marché. Et parce qu'elles le valent bien… »
Comment rendre les trackings de marque plus opérationnels ? Par Jean-Christophe Salles, directeur associé de GfK Sofema
l Par leur dimension temporelle, les trackings sont des outils uniques et extrêmement riches pour les décideurs marketing, tant d'un point de vue tactique que stratégique. L'opérationnalité d'un tracking vient de sa capacité à répondre aux besoins précis des annonceurs ; or, il n'y a pas “Un” besoin unique et homogène. Dès lors, il ne doit pas exister “Un” seul mais “Des” trackings différents et spécifiques. Cet outil, pour être opérationnel, demande une forte implication et partenariat entre l'institut et l'annonceur dans la définition des objectifs comme dans les formats et fréquences de remise de l'information. 1. L'objectif du tracking est-il centré sur l'évaluation du retour sur investissement publicitaire (ma stratégie publicitaire/médias est-elle efficace et comment construit-elle ma marque dans le temps ?) ou centré sur le pilotage des marques (quelle est la santé de ma marque et comment évolue- t-elle vs mes concurrents ?) ? En fonction de cet objectif et des caractéristiques des marchés (structure, évolution, investissements publicitaires, intensité concurrentielle,…), des périodes optimales de réalisation du tracking (continu/discontinu) peuvent être définies. 2. Quels formats et fréquences de remise de l'information ? Trop d'information tue l'information. Quelles informations, à qui, quand ? Si la base du process est systématisée, l'information doit s'adapter à la demande, aux évolutions des marchés et à la stratégie des marques, tant dans la forme (type de documents communiqués, tableaux, graphiques,…) que dans le fond (type d'analyse menée). Il ne s'agit pas seulement de décrire des évolutions, mais davantage de les expliquer, voire de modéliser l'impact des actions marketing menées à travers l'historique.