A nouvelle ère, nouveau marketing?
Alors que les consommateurs sont en proie au doute, les marques rivalisent d'imagination pour leur fournir des produits toujours plus innovants.
Je m'abonneEt si la crise était une opportunité de penser l'économie autrement et de renouer le dialogue entre les marques et leurs consommateurs? A partir de ce postulat, experts, directeurs marketing et instituts d'études ont échangé leurs points de vue, le 26 mai dernier, à l'occasion du Marketing Day, un événement organisé par Editialis, groupe de presse qui édite Marketing Magazine. L'innovation s'est invitée dans le débat comme l'une des clés pour affronter les difficultés économiques. Le consommateur, devenu méfiant à l'égard des marques et plus regardant à la dépense, a besoin d'être séduit par de nouveaux produits, services ou concepts pour déclencher un acte d'achat. Ainsi, la crise constitue un point de rupture. «Elle correspond à la prise de conscience d'un essoufflement des modèles industriels et post-industriels», soutient Stéphane Hugon, chercheur au Centre d'étude sur l'actuel et le quotidien (CEAQ). Pour aller de l'avant, seul un changement de paradigme semble en mesure de restaurer l'espoir. En outre, si certains assimilent déclenchement de la crise et subprimes, pour TNS, le climat de tension et l'aggravation de la confiance des ménages y sont bien antérieurs. A la mi-2007, l'institut constatait déjà une dégradation de l'opportunité d'épargner et d'effectuer des achats importants. «Le pessimisme vient de l'incapacité à se projeter dans l'avenir. Les sujets d'inquiétude - retraite, chômage, santé - cohabitent et coexistent», indique Dominique Lévy, directrice du planning stratégique de TNS Sofres. Avant même le déclenchement des difficultés, les Français semblaient persuadés de l'imminence d'un événement grave. «Les communications des marques durant cette période se montraient en décalage avec l'inquiétude des consommateurs», poursuit Dominique Lévy. L'approche marketing n'est plus en phase avec les attentes du consommateur. Si, hier, la marque était perçue comme intouchable ou distante, son rôle consistera demain à rassembler, à assurer le lien entre les individus.
Adopter la stratégie du «lâcher prise»
La relation opportune à construire avec le consommateur repose sur la mise en place d'une expérience collective, «avec des programmes proposant au consommateur un «projet commun», note Dominique Lévy, librement consenti avec la marque». Cette dernière devra donc adopter la stratégie du «lâcher prise» «et se nourrir de la manière dont le consommateur la façonne», intervient Stéphane Hugon. D'autant que ses aspirations évoluent. En proie au doute, il doit faire des choix. Guidé par des questions de pouvoir d'achat, il compare, réfléchit et se concentre sur l'essentiel. Mais n'en oublie pas la dimension plaisir. Ni de prendre en considération la manière dont le produit est fabriqué. L'éthique et le bio s'invitent ainsi dans le panier de la ménagère. En ce qui concerne les aspects prix, il n'est pas question de se ruer sur le low cost mais de s'assurer de payer le prix juste.
Pour les marques, l'attitude gagnante consiste, selon toute vraisemblance, à s'inscrire dans le changement en marche. En revanche, pas question de se tourner vers l'innovation de circonstance. «Les entreprises doivent devenir forces de propositions et mettre leurs compétences métier au service du positivisme», indique Dominique Lévy. Et Xavier Terlet, président de XTC World Innovation, d'insister sur l'importance de «créer une vraie différenciation de ses produits par rapport à ceux de la concurrence». Leur chance de survivre dans le paysage concurrentiel dépend aussi de la valeur que leur attribue le client. Mais des pièges restent à éviter. La marque a tout intérêt à rester dans son univers, à veiller au respect de son image, à étudier les tendances du marché... Ce dernier point invite à considérer la prise en compte de l'environnement comme une attente. «L'écologie innovante est une demande de vos clients, de vos salariés, des actionnaires», atteste Brice Auckenthaler, fondateur d'ExpertsConsulting.
L'innovation au service du consommateur
Certaines marques prennent d'ailleurs les devants pour montrer au consommateur leur intérêt pour l'écologie. Ainsi Fiat a développé une application chargée d'analyser l'accélération, la décélération, les changements de vitesse et l'aptitude à maintenir un rythme constant pour ensuite donner des conseils aux automobilistes. Un choix astucieux, puisqu'entre 15 et 20% des consommations et émissions de CO
Le secteur de l'électronique s'engage aussi pour protéger la planète. Pour LG, la crise constitue une véritable opportunité de se démarquer par rapport à ses concurrents, grâce à des innovations technologiques responsables. La conception et le développement des produits prennent en compte les enjeux environnementaux. De plus, les substances dangereuses sont réduites, la durée de vie des téléphones et des téléviseurs allongée, le recyclage des produits pris en compte. 100% des produits LG seront «eco-friendly» d'ici à 2020. Quant à Suez, la marque a même intégré le développement durable à sa stratégie commerciale. En conséquence, les offres de l'entreprise ont été repositionnées. Réduction des gaz à effet de serre, préservation des ressources naturelles et protection de la biodiversité sont les piliers de son label Edelway L'engagement de Suez sur ses performances environnementales va au-delà des mots, puisqu'il est contractuel.
De son côté, Orange mise sur l'innovation pour créer de la valeur. D'ici à l'année prochaine, le groupe espère générer par ce biais près de 15% de son chiffre d'affaires. Il n'oublie pas pour autant le client et son besoin de disposer d'outils simples d'utilisation. L'opérateur souhaite mettre sur le marché les bons produits au bon moment. Pour y parvenir, il a modifié son organisation interne et fait collaborer le marketing, la R&D ainsi que les réseaux et systèmes d'informations. En outre, il considère la communication comme l'un des éléments importants de l'appropriation par les consommateurs des nouveautés.
Rester en phase avec les attentes du marché
La banque Cortal Consors (BNP Paribas) a, pour sa part, choisi de prendre en compte l'évolution des modes de vie de ses clients. Ainsi, son offre s'appuie sur la proximité et la disponibilité des conseillers en investissements financiers et propose un mode de relation nouveau et adapté au contexte de mobilité. Même attitude pour Yahoo!, qui affiche son ambition de coller aux besoins des détenteurs de portables en leur offrant des services internet mobiles personnalisés. En parallèle, La Poste fait preuve de créativité. Toutes ses cibles, particuliers et professionnels, sont concernées. En misant sur l'inventivité, l'entreprise reste à l'écoute des exigences de ses clients. L'industrie n'est pas en reste et entend aussi valoriser ses efforts de R&D. Depuis 2008, Essilor, par exemple, a souhaité fournir un certificat d'authenticité avec ses verres. La marque a communiqué sur cet aspect et indiqué que, pour Varilux, la gravure au laser directement sur le produit permet de l'identifier. Désormais, Essilor émerge dans son secteur et la lutte contre les imitations se trouve renforcée grâce à la communication. Les entreprises prouvent ainsi leur volontarisme et s'investissent dans la création de nouveautés pour avancer malgré la crise.