A chacun sa TV
Nouvelles chaînes locales, nouveaux services... La télévision poursuit sa mutation numérique. Objectif affiché: renforcer la proximité avec le téléspectateur et développer la complémentarité avec les autres médias.
Je m'abonneLa Télévision Numérique Terrestre (TNT) dispose d'un nouvel atout pour resserrer encore davantage ses liens avec les téléspectateurs. Depuis le 20 mars dernier, sept nouvelles chaînes rattachées directement à des programmes locaux sont, en effet, proposées gratuitement aux habitants de la région Ile-de-France au travers de la TNT. Une vingtaine de télévisions locales sont déjà diffusées en numérique aux quatre coins de l'Hexagone, depuis septembre dernier, comme TV8 Mont-Blanc, Nantes 7, TLT à Toulouse, TLM à Lyon ou LCM à Marseille. Mais depuis un mois, les 11 millions de téléspectateurs potentiels que compte l'Ile-de-France et qui disposent d'un téléviseur et/ou d'un décodeur TNT, ont à leur tour la possibilité de braquer leurs télécommandes sur Cap 24 (informations sur la vie parisienne), IDF1 (chaîne de proximité et de divertissement généraliste et familiale), NRJ Paris (informations et divertissement), Demain IDF (spécialisée dans l'emploi), BDM TV (découverte banlieues du monde), Cinaps TV (activités culturelles et scientifiques) et Télé Bocal (de l'association Télé Bocal, qui revendique une «forte dimension de solidarité via une mission de formation»). Ces quatre dernières se partagent un même canal et n'émettent qu'une partie de la journée.
28,7% des Français sont aujourd'hui équipés d'un adaptateur TNT. (Source: Médiamétrie)
Gilles Crémillieux (Les locales TV):
«Le succès de la TNT gratuite nous encourage. Nous sommes persuadés que l'idéntité locale sera un des éléments forts du choix des téléspectacteurs.»
Gérald-Brice Viret (NRJ Group):
«NRJ Paris nous permet de développer un nouveau modèle de généraliste urbaine d'infotainment.»
Vers une nouvelle dynamique
Les Franciliens ne seront pas les seuls à accéder à des chaînes locales gratuites sur la TNT cette année. Le CSA estime que près de cinquante chaînes locales devraient être diffusées en France d'ici fin 2008. «En vingt ans, seules une vingtaine de chaînes se sont créées en analogique. C'est là une véritable explosion qui va nous permettre de rattraper notre retard par rapport à de nombreux pays d'Europe», se félicite Gilles Crémillieux, président du syndicat Les Locales TV et du GIE TLA Publicité (Télévisions Locales Associées). En rejoignant les dix-huit chaînes nationales déjà accessibles sur la TNT, les locales commencent ainsi à décoller leur étiquette de parent pauvre de l'audiovisuel pour entrer dans une nouvelle dynamique. Comme le notait récemment l'Idate, à ces éléments s'ajoutent la montée en puissance de la TV sur ADSL, la mise en oeuvre de formes de collaborations interchaînes ou encore la volonté de certaines collectivités ou investisseurs privés d'y jouer un rôle actif.
La nouvelle Cap 24 d'Hersant Média, actionnaire principal avec le Groupe Caisse d'Epargne, Lagardère Active, le Groupe Coriolis et la Société Financière de Participations Audiovisuelles est un exemple de ce dernier cas de figure. «On devrait plutôt parler de chaînes de proximité grand public, car le terme de TV locales a parfois une connotation péjorative, estime Alain Armani, président du directoire et dg de Cap 24. Notre ligne éditoriale repose d'ailleurs sur les quatre fonctions fondatrices de la proximité, à savoir le miroir, le service, la mémoire et l'ouverture.»
Pour Hersant Média, cet univers n'est pas une découverte. Le groupe est, en effet, le premier opérateur de télévisions locales en France à travers sa filiale Cap Télé Groupe, qui compte à ce jour sept chaînes: Orléans TV, Canal 32 à Troyes, Télé Grenoble, Télé Alsace, Cityzen TV à Caen, Télé Miroir à Nîmes et Cap 24. Cette dernière n'est pas totalement nouvelle pour les Parisiens car elle bénéficie de l'initialisation de Paris Cap', diffusée sur le câble depuis octobre 2006 à partir de la mythique rue Cognacq-Jay et à laquelle elle vient se substituer. Avant de lancer NRJ Paris, NRJ Group a également déjà fait ses armes avec NRJ 12 et NRJ Hits en national et 7LTV en local. «NRJ Paris nous permet de développer un nouveau modèle de généraliste urbaine d'infotainment en tenant compte de la diversité de la population francilienne, explique Gérald-Brice Viret, directeur du pôle TV NRJ Group. Nous avons déjà prévu de proposer à la rentrée un certain nombre de programmes à la demande sur le site.» Ce développement d'offre à la demande est d'autant plus remarquable que le groupe ne le propose pas encore pour NRJ 12.
Si Cap 24, NRJ Paris ou IDF1 (la chaîne portée par Jean-Luc Azoulay, Marc Tessier et Michèle Cotta), ont pu dès le départ mettre à l'antenne une grille complète, toutes les TV locales, nouvelles et anciennes, ne sont bien évidemment pas logées à la même enseigne. «Leur arrivée sur la TNT gratuite va les amener à réfléchir à des échanges éditoriaux, car elles ne sont pas toutes en mesure de produire des programmes toute la journée, explique Gilles Crémillieux. Il leur faut capter cette audience complémentaire mais sans trahir leurs fondamentaux, à savoir l'information locale.»
Et la publicité?
Cet élargissement d'audience est, en effet, un passage obligé pour séduire le marché publicitaire. Selon une étude de NPA Conseil, «l'importance du bassin concerné par les nouvelles chaînes numériques commerciales d'Ile-de-France, par exemple, leur permet d'espérer trouver les recettes publicitaires locales nécessaires à leur survie, soit 45 millions d'euros par an.» Chez Cap 24, Alain Armani vise ainsi 2 millions d'euros de recettes publicitaires en 2008 et prévoit même d'avoisiner les 11 millions d'euros en 2012. Pour l'ensemble du territoire national, c'est TF1 Publicité qui propose l'offre la plus large avec déjà dans son giron la commercialisation des trente chaînes locales membres du GIE TLA Publicité. Elle vient d'y ajouter la régie locale de Demain IDF ainsi que la commercialisation nationale d'IDF1. «Nous disposons déjà d'un bassin d'audience déplus de 20 millions d'individus qui va augmenter au fur et à mesure de l'arrivée des chaînes sur la TNT, précise Béatrice Leroux-Barraux, déjà de TF1 Publicité. Nous gérons le tiers de l'offre et notre objectif est de prendre le plus de chaînes possible pour donner le goût au marché de les utiliser.» D'après cette dernière, les démarches pédagogiques sont surtout à mener en direction des agences médias. «Nous avons déjà un très bon feed-back de la part des annonceurs, surtout issus des secteurs organisés en réseaux comme les banques, la téléphonie, etc.», poursuit-elle. Cependant la tâche reste vaste. «Le GIE a déjà mis en place une charte de qualité mais il est aussi nécessaire qu'il souscrive à une étude d'audience unique», note Béatrice Leroux-Barraux. Pour faire face au poids lourd TF1 Publicité, Hersant Média, ParuVendu et NRJ Group ont choisi de faire front commun. A l'origine, ils intégraient également France Télévisions Publicité pour la commercialisation des stations de France 3 Régions, mais la remise en cause de la publicité dans le service public a stoppé cette dernière association. «Nous sommes en revanche effectivement en collaboration commerciale avec les équipes d'Hersant Média avec qui nous proposons des offres couplées NRJ Paris Cap 24 en Ile-de-France, indique Emmanuel Roye, président des régies du groupe NRJ et directeur délégué en charge du développement commercial du groupe. Nous installons également des dispositifs communs autour de 7LTV et Télé Miroir du fait de la proximité géographique entre 7LTV à Montpellier et Télé Miroir à Nîmes.»
Depuis septembre 2007, une vingtaine de chaînes locales sont diffusées en numérique en France.
D'autres batailles en vue
Cette association, qui a pour objectif d'optimiser la couverture du marché potentiel des chaînes du national au local, fonctionne déjà entre les deux groupes pour la radio. Les deux médias sont, en effet, complémentaires comme ne le démentira pas non plus Europe 1 qui a signé un partenariat stratégique avec le GIE TLA. Mis en oeuvre pour les élections municipales de mars dernier, il prévoit la captation vidéo et la diffusion d'émissions d'Europe 1 sur les télévisions locales signataires et sur Europe1.fr, ainsi que la réalisation d'émissions spécialement produites sur place, à la fois pour la radio et la télévision, à l'occasion des grands événements régionaux. L'ensemble de ces développements qui s'accélèrent autour des TV locales ne laisse évidemment pas indifférentes les chaînes historiques et, particulièrement celles déjà bien installées localement comme France 3.
Hasard du calendrier? France 3 a réagi en mettant simultanément à l'antenne, le 7 avril dernier, un nouveau décor, un nouvel habillage et de nouveaux génériques pour ses journaux télévisés. «Un lifting complet qui, du régional au national, en passant par le local, va permettre d'identifier au premier regard les codes de France 3, et renforcer sa place de grande chaîne d'info de proximité», dixit la direction de la communication. Les derniers chiffres publiés par Médiamétrie sur la consommation média des foyers équipés de la TNT n'ont guère de raisons de pousser les acteurs historiques à l'optimisme. La progression du nombre de foyers 15,6 millions équipés d'un adaptateur TNT, soit 28,7% des Français entraîne une nouvelle chute de leur audience, à l'exception de celle de France 2.
@ Piotr Sikora/Fotolia.com / LD
«Le succès de la TNT gratuite nous encourage. Nous sommes «convaincus que l'identité locale sera un des éléments forts du choix des téléspectateurs car, dans la situation de profusion de chaînes, les locales ont l'avantage d'incarner la vie quotidienne, estime Gilles Crémillieux. Elles ont vocation à être à la télévision ce que les quotidiens régionaux sont à la presse.»
Béatrice Leroux-Barraux (TF1 Publicité):
«Nous disposons d'un bassin d'audience de plus de 20 millions d'individus, qui va continuer d'augmenter.»
Télé à la carte
On line La proximité avec les téléspectateurs passe aussi pour les chaînes par la TV à la demande. Une tendance sur laquelle les chaînes comptent bien surfer.
Les accros aux candidats de la Nouvelle Star, aux reportages de Zone interdite ou au suspense de NCIS: enquêtes spéciales, n'auront pas manqué de le remarquer. Depuis le 19 mars dernier, les bandes-annonces de leurs programmes préférés renvoient non seulement à l'antenne, mais aussi au site www.m6replay.fr. Ce nouvel accès permet, en effet, de voir et revoir ses programmes favoris gratuitement, en intégralité sur le Web, à n'importe quelle heure de la journée, pour une séance de rattrapage ou pour contenter son addiction.
Simplicité d'utilisation «C'est un service totalement inédit I pour une grande chaîne française ë qui marque notre volonté de tenir compte des nouvelles manières de consommer la télévision mais également de nous battre, comme nous le faisons depuis vingt ans, pour diffuser et distribuer les marques du groupe», explique Nicolas de Tavernost, président du directoire du groupe M6. Sur M6 Replay, l'internaute dispose de 95% des programmes diffusés entre 18 h et minuit par la chaîne, soit 200 émissions visibles en intégralité et en streaming, sans besoin de s'identifier ni d'installer un logiciel. Ils sont accessibles une heure après leur diffusion, pendant sept jours au minimum. «La circulation y est très fluide, on est quasiment dans le zapping sur Internet, souligne Valéry Gerfaud, directeur général de M6 Web. Sa simplicité d'utilisation devrait faire exploser ce service.»
M6 Replay a été mis en ligne moins d'un an après le lancement de la Rewind TV par Orange et France Télévisions. Un système payant dans le sens où il s'adresse aux différents clients d'Orange à qui il permet de visionner les programmes diffusés sur les antennes de France Télévisions sur leur écran d'ordinateur, de téléphone portable et/ou de télévision. Egalement concernée par le sujet, Canal + a lancé, en mars dernier, son nouveau service de TV à la demande. Un service réservé aux abonnés de la chaîne pour leur permettre de s'affranchir de la programmation antenne et de visionner les programmes après leur première diffusion et à l'heure de leur choix, via un accès sécurisé sur le Web. Ces développements ont bien évidemment, pour objectif d'être au plus proche de la consommation TV et de tenir compte de sa convergence avec d'autres médias. «Même si la plus grande part de la convergence concerne d'abord la radio, celle de la TV est en augmentation, souligne Virginie Colnel, directrice du pôle audiovisuel d'Ipsos Media, département qui réalise l'Observatoire de la convergence média. La hausse de la consommation vidéo est en progression de 19,4% sur les sites de télévision et le développement d'une offre simple et accessible devrait encore accélérer le mouvement.»
Nouveaux développements
Une tendance sur laquelle M6 compte bien surfer. La chaîne s'est donné trois ans pour équilibrer son nouveau service. M6 Publicité propose ainsi au marché trois formats de publicité qui seront enrichis au fur et à mesure. «La multicoupure pour laquelle nous nous battons en TV, nous l'aurons sur M6 Replay», indique Nicolas de Tavernost. Du côté des agences, on regarde ces nouveaux développements avec intérêt. «Ce sont des produits qui apportent un vrai service aux consommateurs et c'est en cela que c'est positif, estime Marie Sieg, directrice du planning et des achats de Havas Digital. Il est aussi évident que l'avenir est au streaming et que cela va développer de nouveaux modèles publicitaires qui n'existent pas encore. La TV et le Net vont un jour se mélanger car il y aura des passerelles d'audience.» Lancé sur PC, M6 Replay sera prochainement disponible sur mobile et sur les box ADSL. Et le groupe ne compte pas se limiter à proposer une seule chaîne à la demande. «On ne peut plus rien rater sur M6 et bientôt on ne pourra plus rien rater non plus sur W9, annonce Nicolas de Tavernost. La télévision est encore trop considérée comme un modèle passéiste, il faut continuer à prouver le contraire.»
@ Cyril Plotnikoff
Sur M6replay.fr, l'internaute dispose de 95% des programmes diffusés entre 18 h et minuit par la chaîne, soit 200 émissions.
Nicolas de Tavernost (M6): «M6 replay est un service inédit qui marque notre volonté de tenir compte des nouvelles manières de consommer la télévision.»
Quand la TV coupe la TV...
- Pas de Bob l'Eponge ni de Jimmy Neutron pour les enfants le 6 avril dernier pour cause d'écran noir à la place des programmes de Nickelodeon. Cette coupure est d'autant plus originale qu'elle n'était pas due à un problème technique, mais à la décision de la chaîne elle-même de couper son antenne et son site web Nickelodeon.fr de 14 h à 18 h ce dimanche-là.
Objectif: inciter les enfants à aller jouer, sortir et exercer une activité physique. Consciente de la sédentarité de la consommation TV, la chaîne jeunesse du groupe MTV Networks a eu l'idée de monter cette opération inédite, qu'elle a baptisée «A vos m arques, prêts, jouons!». Un mini site mis en ligne deux semaines auparavant proposait aux enfants des idées pour s'amuser chez soi ou dehors. Cette opération a été réalisée en association avec France Galop qui organise les «Dimanches au Galop», un programme d'animations gratuites sur les champs de courses.