Vente à distance des produits culturels
SOUS-CLUBS, SOUS-COMMUNAUTÉS, SUR-PERSONNALISATION
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Mais Internet ne permettrait-il pas, justement, d'inventer de nouvelles
formules ? Il existe au sein du groupe Bertelsmann (dont France Loisirs est
filiale à 50 %) un "centre européen de compétences", lieu d'échanges autour des
diverses expériences menées sous le giron de l'éditeur en Europe, et lieu de
réflexion sur les axes de développement à définir. Parmi les orientations
arrêtées, le lancement, sur le modèle de ce que Bertelsmann a initié en
Grande-Bretagne, de sous-clubs thématiques et ciblés. « Internet constituera un
socle évident dans la mise en place de cette stratégie, avance Valérie
Pelissier. Il y aura sans doute du mailing et des catalogues papier lancés
autour de ces clubs. Mais ils se feront avant tout pour et par le Web. » Dans
ce marché en pleine définition, qu'est-ce qui fera la différence ? Entre les
différents acteurs du marché de l'e-commerce de livres, la différence ne se
fera pas sur le prix, loi Lang oblige. C'est, ici plus qu'ailleurs, le service
qui primera : newsletters, disponibilité et prestations du service client, web
call center, réponse rapide aux e-mails, envoi d'e-mails après tout contact...
A l'instar des vépécistes "classiques", les sites internet vont vite épuiser
les arguments en matière de rapidité concurrentielle de livraison. Il leur
faudra toujours inventer de nouveaux services, immédiatement clonés. Bol.fr
réfléchit ainsi par exemple à une offre de livraison sur rendez-vous. « La
bataille sera aussi une bataille de marques. En ce qui nous concerne, nous
sommes très attachés à la notion d'affinité avec la marque bol, à la
reconnaissance d'un état d'esprit bol. A cet égard, le contenu éditorial du
site est capital », note Anne Yannic. Certes. Mais la loi Lang ne s'applique
qu'aux livres. Pour le reste, l'argument prix a son poids. Alapage. com, par
exemple, n'a pas peur d'être très agressif sur les prix. A offre directement
concurrente, le niveau de service est à ce jour sensiblement homogène d'un
acteur à l'autre. Du moins dans les professions de foi. « Attention : nous
proposons tous une livraison dans les 48 heures. Ce qu'il faudrait regarder de
près, c'est le respect des engagements. Nous avons pour notre part attendu
d'atteindre un taux de 85 % de respect des contrats avant de nous lancer dans
la communication grand public avec notre campagne pub de juin », souligne
Bertrand Lamberti, directeur marketing et communication de digitall. fr.
LA FIDÉLISATION PAR LA NEWSLETTER
En fait, si les axes
concurrentiels sont multiples, leur conjonction constitue sans doute l'argument
le plus persuasif. Une conjonction dont Patrice Lozé définit ainsi l'alchimie :
« Il faut réunir la confiance du client, qui repose beaucoup sur l'image et la
notoriété, une politique de prix intéressante, une offre exhaustive dans le
domaine abordé, et, bien sûr, le service. Et, en matière de qualité de service,
il faut reconnaître que les sociétés de taille plus modeste ont de l'avance. »
Car le service, c'est aussi les méthodes mises en oeuvre pour rassurer un
public encore réservé sur la fiabilité et la sécurité du commerce électronique.
En l'occurrence, certains ont d'emblée choisi de modérer les actions de
communication auprès de leurs clients. Notamment des clients internautes. «
Nous avons une image de sérieux à cultiver. C'est pourquoi nous restons très
protectionnistes en matière d'e-mailing. Nos clients ne reçoivent de mails
qu'en rapport aux préférences qu'ils ont mentionnées sur "ma fnac", leur site
personnel. Et encore, il s'agit d'une newsletter mensuelle. Nous n'avons mené
qu'une action de e-mailing, à l'occasion de la Fête des pères », explique
Patricia Delpierre, directrice de la communication de fnac.com. Les clients de
bol.fr reçoivent également une newsletter mensuelle. Chez cdandco, le rythme
est bimestriel. « Les clients font l'objet de communications régulières, par
mailing et/ou e-mailing, souligne Marc Bruzeau, P-dg de cdandco. Un très bon
client va être contacté au minimum une quinzaine de fois dans l'année. » Le
marché de la vente à distance de produits culturels ne brille pas par sa
transparence. Les chiffres sont jalousement tenus secrets et les référents
objectifs de comparaison inexistants. Quant au discours des uns et des autres,
leur mise en parallèle laisse songeur : quel rapport entre d'un côté, fnac.com,
premier site marchand français, qui abrite un centre d'appels d'une vingtaine
de chargés de clientèle ou encore alapage.com, premier site marchand de livres,
qui dispose un centre d'appels de 10 conseillers, et de l'autre, chapitre.com,
qui avec une taille bien moindre, revendique un service clients de 25 personnes
?
LES CENTRES D'APPELS AU COEUR DU SERVICE
Chez
bol.fr, l'enregistrement des commandes et le service client transite par un
centre d'appels implanté à Dortmund, en Allemagne. 24 heures sur 24 et 7 jours
sur 7, sont traités les contacts téléphoniques, les e-mails, le chat et ce,
pour tous les pays d'implantation de bol, en accès direct avec les bases de
données client des différents sites. Le call center, sous-traité à une filiale
de Bertelsmann, est animé par des équipes de différentes nationalités, dont un
pool français de 6 conseillers clientèle et un superviseur. Chaque jour, 350
contacts sont ainsi pris en charge par l'équipe française de Dortmund. Les
centres d'appels se trouvent au coeur du service apporté par les entreprises de
VAD de produits culturels. Des centres d'appels bien souvent multimédia,
traitant l'ensemble des canaux de contacts avec le client (téléphone, fax,
e-mail, chat, Web). Le call center de France Loisirs, confié à Marigny et Joly,
filiale du club, qui utilise le call back (rappel du client s'étant manifesté
sur le site Internet) et le call through (navigation simultanée au fil du site
entre le client et le conseiller sur le centre d'appels), devrait ainsi
intégrer le web call center avant la fin de l'année 2000. Ce service client,
implanté à Noyelles-sous-Lens, compte d'ailleurs une équipe dédiée à la gestion
des contacts liés à Internet et nécessitant la maîtrise de l'écrit. Internet
fait également partie intégrante du centre d'appels de rueducommerce.com, site
spécialisé dans la vente de produits high tech (15 000 références annoncées en
informatique, DVD, jeux vidéo). L'entreprise propose en effet depuis cet été à
ses clients des services en matière de "chat "de web call back et de
co-browsing. Ouvert du lundi au samedi de 9 à 20 heures, le call center est
animé par quatre téléconseillers technico-commerciaux, qui traitaient début
août une centaine d'appels entrants par jour.
enviedart.com : toiles sur la toile
On peut tout vendre sur Internet, même de l'art. 1,5 million de francs : c'est la somme qu'auront levée dans un premier tour de table Yann Bombard, ancien consultant chez Boston Consulting Group, et Nicolas Portalier, manager chez Corporate value Associate, pour lancer le 12 juillet le site enviedart.com, galerie en ligne d'art contemporain. 65 artistes (vivants) pour un millier d'oeuvres exposées, avec des prix de vente allant de 700 à 50 000 francs (en moyenne 30 % de moins qu'en galerie). Début août, soit un mois après l'ouverture, enviedart.com enregistrait plusieurs centaines de visites quotidiennes. De quoi initier la constitution d'une base de données clientèle. « Il s'agit encore d'une base de données contacts, mais nous avons la ferme intention de l'exploiter avec les outils éprouvés par les professionnels de la vente à distance, explique Nicolas Portalier. Un marketing direct ciblé selon des critères socio-démographiques et selon le profil comportemental des visiteurs. » Mailings papier, mais aussi e-mailing proactif personnalisé en fonction des goûts exprimés par chacun. Pour l'heure, les responsables du site en sont à tester les avantages respectifs du publipostage et du mail. Pour les acheteurs, le paiement peut s'effectuer en ligne via la solution SSL de Cybermut ou par chèque. Quel que soit le mode choisi, le fait d'acheter de l'art sur le Net ne semble pas inconsidérément aventureux : enviedart.com compte parmi ses clients des acheteurs s'étant satisfait d'une relation exclusivement virtuelle. Et le succès remporté aux Etats-Unis et en Grande-Bretagne par des sites homologues pourrait encourager les velléités concurrentes.
Cdandco : le call center comme fil rouge de la relation clients
« Le call center est considéré comme une pièce maîtresse de notre dispositif, le fil rouge de la relation clients. » Mis en place dès le lancement de la société en 1995, le call center de cdandco connaît un développement calqué sur les résultats de l'entreprise et va bénéficier dès cet automne d'un certain nombre d'amendements dans son organisation. Première modification : l'étoffement des effectifs, qui doivent passer de 12 à 20 téléconseillers. Deuxième axe de changement : l'extension des plages horaires. « 50 % des commandes sur le site sont passées hors des heures ouvrées. C'est la moindre des choses de pouvoir apporter un service à tout moment », signale Marc Bruzeau, P-dg de cdandco. Le call center pourrait ainsi bientôt être ouvert le samedi et le dimanche, jusqu'à des heures tardives, 23-24 heures Troisième nouveauté : les options technologiques. Dès la rentrée, le call center de cdandco doit se doter d'un lien CTI et d'un outil de web call back (rappel des clients en ayant fait la demande sur le site). Quatrième apport : la substitution d'un Numéro Azur ou Indigo au numéro RTC jusqu'alors accolé à toute communication sur le service clients. A cet égard, l'entreprise entend largement valoriser cette communication et ce, sur l'ensemble des médias utilisés, notamment le web. « Un internaute sur cinq renonce à passer commande une fois arrivé au bout du parcours, à savoir au moment où il s'agit de saisir son numéro de compte. Il est évident que le fait de lui permettre d'entrer en contact téléphonique à tout moment avec un agent ne peut nous être que bénéfique, tant commercialement qu'en termes de qualité de service », souligne Marc Bruzeau. Cinquième changement apporté (c'est du moins à l'étude) : le recours à un prestataire extérieur pour le traitement des crêtes de trafic. Enfin, sixième axe de développement : la systématisation d'actions en émission d'appels, jusqu'ici cantonnées à la clientèle comités d'entreprises et collectivités.
De l'idée à l'acte d'achat : les plus ou moins bonnes intentions des Français
Selon l'enquête Cofremca-Sociovision menée en mai 2000 auprès de 1 000 personnes représentatives des Français de 15 ans et plus *, 41 % des sondés déclarent avoir déjà acheté livres, disques ou cassettes à distance et 13 % "aimeraient" le faire. En ce qui concerne la réservation à distance de billet de spectacles, c'est l'intention qui prime sur l'achat effectif : 28 % "aimeraient", 21 % ont acheté. La part des intentions est encore plus importante pour le segment hi-fi, TV, vidéo, photo, avec 9 % de personnes désireuses d'acheter contre 8 % l'ayant déjà fait. Quant aux oeuvres d'art, elles demeurent étrangères au marché de la vente à distance : moins de 1 % des personnes disent être déjà passées à l'acte et plus de 4 % affirment qu'elles pourraient le faire. Toutes ces données sur les intentions recèlent des indications économiques sur les perspectives de développement des différents segments de produits en matière de vente à distance. En effet, toujours selon l'étude Sociovision, si les intentions se transformaient intégralement, le nombre d'acheteurs se trouverait multiplié par 4 pour les oeuvres d'art, par 1,3 pour la billetterie spectacles, par 1,1 pour la hi-fi, vidéo, TV, photo et par 0,3 pour les livres, disques, cassettes. Par ailleurs, l'étude Sociovision montre que les personnes n'ayant jamais acheté de produits culturels à distance demeurent plutôt voire très réticentes à lever les freins : si 28 % se disent intéressées par la réservation de billets de spectacles, elles ne sont plus que 13 % en ce qui concerne les livres, disques, cassettes, 9 % pour la Hi-fi, TV, photo, vidéo et 4 % pour les oeuvres d'art. * Etude commandée par La Poste et la Fevad dans le cadre des quatrièmes Rendez-Vous de la Vente à Distance et du Marketing Direct qui se tiendront à Lille les 21 et 22 septembre prochains. (Voir aussi en page 16)
Ticketclic.com : la billetterie à domicile
En France, la vente à distance ne représente que 2 % de la billetterie, alors qu'aux Etats-Unis, 35 à 40 % des billets se vendent par téléphone ou par Internet. Le marché existe donc, ou reste à créer. C'est ce à quoi se sont attelés les initiateurs de ticketclic.com, site lancé en octobre 1999 en partenariat avec l'hebdomadaire Télérama (35 % du capital) et le fournisseur d'outils de gestion de billetterie OmniTicket Network (65 % du capital). Deux associés qui affichent franchement leurs ambitions : vendre, en 2000, 1,2 million de billets sur les 320 millions écoulés chaque année en France. De l'Opéra au New Morning en passant par le Stade de France : ticketclic.com permet de réserver des places dans les principaux lieux culturels ou sportifs en France. Pour le client, la réception des billets se fait sous 48 heures, ou sous trois heures à Paris moyennant une option coursier. Mais le "plus" de ticketclic.com, c'est le service : assurance d'obtenir les meilleures places disponibles dans la catégorie demandée, descriptifs assez riches, infos pratiques sur l'environnement des manifestations (restaurants alentours, prix de la cacahuète ou du pop corn...). Spécificité de ticketclic.com : le service client est en accès direct au stock du site culturel concerné, ce qui écarte d'emblée les problèmes de contingentement et de rupture de stock fréquentes chez les revendeurs de billets. Les propriétaires des salles disposent par ailleurs ici, d'un outil d'enrichissement de leur base de données client (pour peu qu'ils en aient une) en "direct", dès lors qu'une transaction est effectuée sur le site ou via le centre d'appels accolé au site. Car la très grande majorité des réservations sont faites au final par téléphone. Le call center de ticketclic.com, situé dans les murs d'OmniTicket Network à Paris, emploie une trentaine de conseillers qui traitent 6 jours sur 7, de 7 à 21 heures, les demandes de la clientèle.
Internet : 0,2 % du marché du livre
Une étude menée pour le compte de l'éditeur Hachette évalue le marché de la vente de livre sur Internet dans une fourchette allant de 30 à 50 millions de francs, ce qui représenterait 0,2 % du marché du livre en 1999. Aux Etats-Unis, la part du Web pèse pour 3 % du marché global du livre. Selon Taylor Nelson Sofres (étude menée en avril 2000 auprès de 1 000 personnes âgées de 15 ans et plus), les six sites Internet les plus connus en matière d'achat de livres sont, par ordre décroissant de notoriété spontanée : fnac.com (80 %), franceloisirs.com/amazon.com (44 %), alapage.com (31 %), bol.fr (20 %) et furet.com (7 %).
Produits culturels : chiffres et marché
Selon la Fevad (Fédération des entreprises de vente à distance), la vente à distance aux particuliers de produits culturels, après plusieurs années de ralentissement, a enregistré en 1999 une légère croissance de 0,3 %. Les produits culturels constituent le deuxième secteur de la VAD aux particuliers (11,5 %), derrière le textile (46 %) et devant l'ameublement décoration (10 %). De manière générale, l'édition à distance recouvre plus de 20 % du chiffre d'affaires de l'édition en France. Il s'agit ici de données regroupant l'ensemble des médias de vente à distance : mailings, catalogues, Internet. Au total, la VAD aux particuliers en France représentait en 1999 un chiffre d'affaires de 51 milliards de francs, dont 6,8 % réalisés autour du livre, 4,2 % autour des disques et cassettes. La Fevad estime ainsi que la vente à distance sur le segment regroupant livres, disques et cassettes génère un chiffre d'affaires de 5,8 milliards de francs. Concernant plus spécifiquement l'e-commerce, une autre analyse, à l'initiative de Benchmark Group celle-là, estime que la vente sur Internet de produits culturels en France représente un chiffre d'affaires de 150 millions de francs, soit 10 % du commerce électronique tous secteurs confondus.