Pour rebondir, le caritatif doit viser les baby boomers
En 2002, Claritas a constaté une baisse de 6,9 % des dons aux œuvres caritatives. Même si la situation est contrastée en fonction des types de cause - la recherche médicale et la défense animale ont progressé respectivement de 0,7 et 3,5 % - la situation ne peut qu'inquiéter les acteurs de ce secteur, qui représente 9 % du marché des mailings.
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Claritas dispose de données descriptives du marché du caritatif. Chaque
année, sa grande enquête recrute un volume de 350 000 donateurs, dont 85 000
donateurs communs avec l'année précédente, permettant par un “effet panel”
d'observer l'évolution des comportements dans le temps. L'ensemble de ces
informations a permis de réaliser une synthèse sur l'état du marché, sous le
nom de “Cari diagnostic 2003”. Première constatation, conforme aux attentes,
les plus âgés sont les plus donateurs. Cependant, on observe que la propension
à donner suit une croissance linéaire entre 25 et 90 ans et qu'il n'y a pas de
rupture visible entre 55 et 65 ans, l'âge de la retraite. En termes de causes,
on remarque que la recherche médicale et les dons à l'église sont les plus
corrélées avec l'âge, tandis que l'enfance, le tiers-monde, la pauvreté en
France et l'environnement sont en forte affinité avec des classes plus jeunes,
classes qui ont en général un niveau culturel et des revenus élevés. Claritas
voit également apparaître des populations plus jeunes, qui réagissent
favorablement aux offres de dons par prélèvement automatique, ces mêmes
populations étant également sensibles à la collecte de dons par Internet. Ces
nouveaux donateurs, Claritas en a fait les profils, en utilisant la typologie
des phases de vie, construite en partenariat avec la société Oktos. CSP +. En
suivant le cycle de vie, on remarque tout d'abord des couples, qui démarrent
dans la vie. Souvent étudiants et dépourvus de contraintes matérielles, ils
sont partagés entre leur logement et celui de leurs parents. Lecteurs de presse
quotidienne et économique, ils n'ont pas d'enfants. Puis, viennent les
“branchés” célibataires de 25/35 ans. Ils vivent majoritairement en
Ile-de-France, ont de bons revenus et préparent un achat immobilier. Il y a
aussi des couples avec enfant âgés de 35/44 ans. CSP +, ils sont aussi
surreprésentés en Ile-de- France et consomment des loisirs sportifs comme
culturels. Viennent ensuite les foyers âgés de 45/54 ans. CSP + aussi,
propriétaires avec enfants. Riches, ils détiennent de nombreux produits
financiers. Amateurs d'informatique personnelle, ils voyagent et aiment les
bons vins. Enfin, vient la classe des riches retraités de 55/64 ans.
Propriétaires de leurs logements, ils n'ont plus d'enfant à charge. Ce sont, en
outre, les plus donateurs de la mégabase.Ces nouveaux gisements de donateurs
sont peut-être le salut du caritatif à moyen terme, car, au vu de cette étude,
la situation est grave. En un an, la baisse globale des dons a atteint 6,9 %.
Une baisse qui ne touche pas de la même façon toutes les causes. L'urgence (-
24,7 %), la cause des enfants (- 17,2 %) et l'environnement (- 20 %) étant les
secteurs les plus sinistrés. En revanche, la recherche médicale (+ 0,7 %) et
les animaux (+ 3,5 %) tirent leur épingle du jeu. Cette baisse est générale et
n'est pas imputable à une population spécifique. Cette rupture dans la
générosité est très importante (15 à 20 %) sur des populations jeunes, mais peu
donatrices. En revanche, si chez les seniors, la baisse est moindre (- 3 à - 7
%), elle est très préjudiciable en termes de manque à gagner pour les
associations, puisqu'elle touche des populations à très forts taux de donateurs
et de multidonateurs. Une première analyse tend à montrer que le Téléthon, dont
l'écho médiatique touche une large population, peut expliquer le taux de la
recherche médicale, et que l'absence d'événements significatifs en 2002 en
matière d'urgence a impacté ce secteur.
Donateurs sursollicités
Pourquoi cette rupture ? La baisse du marché
boursier a été envisagée, mais l'explication ne tient pas, puisque les porteurs
d'actions ont plutôt mieux résisté que les non-porteurs. Serait-ce que les
donateurs se sentent trop sollicités ? En 2001, un fort taux de donateurs -
parmi les plus donateurs - s'estimaient sursollicités. Il y a bien un sentiment
de “trop plein”, même si ce sentiment ne génère pas de sanction plus forte en
termes de baisse de la générosité. Si on ajoute à cette constatation le fait
que le niveau d'infidélité est très fort quelle que soit la cause (exceptées la
cause animale et la recherche médicale), le caritatif est à la croisée des
chemins.
Crise structurelle
Le défi est à la mesure
des enjeux. Le secteur caritatif semble ronronner et les associations misent
trop sur le court terme. La politique suivie par Médecins Sans Frontières
paraît ouvrir la voie. Plutôt que de miser sur de multiples campagnes au ton
souvent misérabiliste, cette association a misé sur le prélèvement automatique.
4 euros par mois, la première année, cela représente moins qu'un don ponctuel
suite à un mailing. Mais le prélèvement automatique est relativement indolore
et il fidélise le donateur sur de longues années. De plus, sachant que, lorsque
l'on recrute deux donateurs, un an après on en a perdu un - ce taux ayant
d'ailleurs tendance à approcher les 65 %, soit 2 sur 3 -, on voit l'intérêt du
prélèvement automatique. Si l'on ajoute à cela, le gisement des donateurs
évoqués plus haut, les 35/55 ans, on voit que la situation n'est peut-être pas
si grave. La crise est structurelle, certes, mais elle exige également un
effort de créativité. Moins de campagnes, mais un discours différent. La cible
des 50 ans n'a rien à voir avec celle des seniors traditionnellement
sursollicités. Les baby boomers voyagent, lisent. Ils veulent un discours
adulte et motivant. Evidemment, cette stratégie nécessite de remettre en cause
la façon dont la plupart des associations travaillent. A elles de jouer.